il y a 30 ans disparaissait Mohamed Seddik Benyahia : Le militant et le diplomate au long cours

il y a 30 ans disparaissait Mohamed Seddik Benyahia : Le militant et le diplomate au long cours

Nationaliste convaincu, Mohamed Seddik Benyahia, né le 30 janvier 1930, prit une part active dans le combat pour l’indépendance de l’Algérie. Jeune avocat, diplômé de l’université d’Alger, il fut de ceux qui ont pris conscience qu’un diplôme en main ne ferait pas d’eux de meilleurs cadavres.

Originaire de Jijel, Mohamed Seddik Benyahia est un personnage discret, d’un physique fragile et à la limite de l’ascèse. Il n’en est pas moins constant dans ses efforts, studieux et un «sujet remarquable» de l’avis même de ses maîtres. Pour Albert Paul Lentin, militant anticolonialiste éprouvé, qui eut à le côtoyer, Mohamed Seddik Benyahia, fit montre d’une activité significative au sein du mouvement estudiantin. Il s’inscrivit en 1953 au barreau d’Alger avant d’assurer deux ans plus tard, la défense de Rabah Bitat, incarcéré à la prison de Barberousse. Il en profitera pour nouer des contacts avec Abane Ramdane qui venait d’être élargi. Celui-ci s’est fait fort, d’ailleurs, de rallier à la cause de l’indépendance ceux qu’on désignait alors sous le qualificatif de centralistes. Mohamed Seddik Benyahia a tôt fait de rejoindre les rangs du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) dont il se détachera après le conflit qui a opposé les centralistes avec Messali Hadj.

Poursuivi sans relâche par les forces coloniales, il rejoindra les instances du FLN et participera à la création de l’UGEMA en 1955 avec Ahmed Taleb Ibrahimi, Lamine Khene, et fut parmi les organisateurs de la grève des étudiants algériens, le 19 mai 1956.

En août 1956, M.S. Benyahia sera désigné, au Congrès de la Soummam, membre suppléant du CNRA. Avec la mise sur pied du GPRA, il occupera le poste de directeur du cabinet du président Ferhat Abbas lors du 2e GPRA. Après qu’il eut représenté l’Algérie à la conférence des étudiants afro-asiatiques à Bandoeng, Mohamed Seddik Benyahia, l’homme à la silhouette mince et au profil éminemment sobre, sera le représentant permanent de l’Algérie en armes en Asie du Sud-Est avec un autre diplomate fort connu, en l’occurrence Lakhdar Brahimi.

Ce personnage décidé et laborieux, surnommé le «renard du désert» par le magazine «Paris Match» pour son aptitude à persuader et convaincre, sa maturité d’esprit, en dépit d’une santé déclinante, a fait partie de la délégation algérienne aux pourparlers de Melun en 1961. Comme le soulignera Gilbert Meynier, historien français, celui qui participa aux négociations des accords d’Evian visitera à l’occasion, les prisonniers d’Aulnay dont il obtient de leur part l’assurance qu’ils n’entraveront aucunement les négociations menées par le GPRA. Au lendemain de l’indépendance, l’homme au verbe caustique, comme se plaît à le décrire Mohammed Harbi, est nommé ambassadeur à Moscou et à Londres. Ce passionné de Jacques Prévert, organisa le Festival panafricain, une année après qu’il eut été désigné par le président défunt, Houari Boumediene, à la tête du département de l’Information en 1967. Il assumera d’autres portefeuilles ministériels, dont celui de l’Enseignement supérieur, de 1971 à 1979, et celui des Affaires étrangères jusqu’à sa mort tragique.

Mohammed Seddik Benyahia n’a pas usurpé ses qualités de diplomate au long cours, dans la mesure où il a été l’artisan de la libération, en janvier 1981, des 52 otages américainsdétenus en Iran. Ce coup de maître lui vaudra le respect des uns mais hélas aussi, une certaine inimitié.

Il n’a pas échappé aux risques du métier. Il sera victime, une première fois au Mali, d’un accident d’avion qui lui occasionnera des séquelles.

Le routier de la diplomatie, à la subtilité à fleur de peau, et au regard perspicace, doté d’une volonté inébranlable, ne survivra pas à un autre accident et décède le 3 mai 1982 dans le crash de son avion à la frontière entre l’Irak et la Turquie, avec lui, une délégation du MAE, composée de 15 cadres. Ce triste événement a mis fin à une vie au service de la patrie.

M. B.