Depuis le 14 janvier, tout individu se réclamant d’Islam4UK risque dix ans de prison. Cette organisation vient d’être interdite par le gouvernement britannique en raison de sa proximité avec les groupes terroristes.
La proscription touche d’autres mouvements d’obédience similaire, comme El Mouhadjiroun du Syrien Omar Bakri, la Voie islamique, l’École islamique de la charia et Appel à la reddition.
Le patron du Home Office, Alan Johnson, est à l’origine de la mesure d’interdiction, estimant que ces organisations représentent un danger pour la démocratie. Plus concrètement, les autorités reprochent à Islam4UK and Co d’avoir enfanté des terroristes. Certains de leurs anciens membres ont, en effet, été impliqués dans des actions subversives.
Pendant plusieurs mois, les services de police et des renseignements ont suivi les activités des organisations ciblées. Il y quelques mois, les militants d’Islam4Uk ont fait parler d’eux, en chahutant un défilé de soldats revenus d’Afghanistan.
La procession des vétérans s’est déroulée à Wooton Basset, dans le Wiltshire. Le chef d’Islam4UK est Anjam Choudary, un ancien compagnon de Omar Bakri avec lequel il a créé El Mouhadjiroun dans les années 1980.
En 2001, le groupe, proche d’Al-Qaïda, avait salué les attentats kamikazes contre New York et Washington. Dans les années 1990, El Mouhadjiroun constituait un récipendiaire pour les islamistes algériens réfugiés à Londres. En 2005, l’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Clark, expulsait Omar Bakri du territoire britannique, estimant qu’il constitue un danger pour le public.
Depuis les attentats de Londres en 2005, le Royaume-Uni a renforcé sa législation antiterroriste. Les autorités s’emploient en particulier à se débarrasser des “gouroux” islamistes auxquels elles avaient donné refuge précédemment. Depuis quelques années, Londres se bat pour l’extradition du chef terroriste jordano-palestinien, Abu Kutada. Elle espère aussi voir l’Égyptien Abu Hamza transféré aux États-Unis, où la justice le réclame.
Dans le cas des présumés terroristes algériens, la Grande-Bretagne a signé une convention d’extradition avec notre pays, qui lui a permis de renvoyer un certain nombre d’individus. Intra-muros, la lutte contre la mouvance extrémiste islamiste est sans merci. Outre les mosquées, les écoles islamiques sont mises sous haute surveillance. L’une d’elles vient d’être contrainte à mettre la clé sous le paillasson suite à une enquête de la police.
L’investigation a révélé des liens suspects de la directrice avec une organisation islamiste. Dans le cadre de sa stratégie antiterroriste, Scotland Yard et le MI5 (direction des renseignements) se sont octroyé de larges pouvoirs. Une des mesures (stop and Search) autorise les policiers à arrêter et à interroger n’importe quel individu sur la voie publique. Dans certains cas, dits suspects, des prélèvements d’ADN sont effectués.
En décembre dernier, deux jeunes hommes d’origine algérienne ont été arrêtés pour avoir pris des photos sur les rames du métro avec leurs téléphones portables.
Aussitôt, les médias se sont emparés de l’histoire, présentant les deux Algériens comme des terroristes potentiels. De leur côté, les autorités ont exploité cet incident pour valoriser les interpellations intempestives. Depuis le lancement de cette opération, des milliers de personnes ont été arrêtées. Ce qui n’est pas pour plaire aux ONG investies dans la défense des droits de l’homme. Leurs critiques ont trouvé un écho auprès de la Cour européenne de justice, qui vient de décréter, Stop and Search comme une procédure arbitraire et injustifiée. Pour d’autres raisons, des experts en sécurité désavouent cette pratique, estimant qu’elle est inefficace.
À leurs yeux, les services de police et des renseignements doivent engager des actions plus ciblées. Le profil de Umar Farouk Abdulmoutalab, le terroriste qui a failli faire exploser un avion de American Airlines en route vers Détroit, le jour de Noël, renseigne, en effet, sur les ratées de la stratégie antiterroriste britannique. Fils de banquier nigérian et étudiant à LSE (London School Of Economics), il n’avait guère le profil d’un terroriste. Le MI5 s’est intéressé à lui, uniquement parce qu’il dirigeait une association musulmane sur le campus.
Les agents du renseignement avaient mis son téléphone portable sur écoute pour identifier ses correspondants. Jamais ils n’avaient pensé que cet étudiant modèle se transformerait en terroriste. Mais les faits montrent aujourd’hui que c’est à Londres et non pas au Yémen qu’il a subi un lavage de cerveau et a été endoctriné. À bien des égards, le Royaume-Uni est considéré aujourd’hui comme une pépinière pour apprentis terroristes. En juillet 2005, de jeunes Anglais d’origine musulmane perpétraient une série d’attaques dans les transports londoniens.
Un peu plus tard, un autre groupe avait été arrêté alors qu’il projetait de commettre des attentats sur des vols transatlantiques. En 2002, Richard Ried était interpellé à l’aéroport de Heathrow, chaussé de godasses bourrées d’explosifs. Pendant de longs mois, il avait fréquenté la mosquée de Finsbury Park où officiait Abu Hamza. Zakaria Moussaoui, un des terroristes impliqués dans la préparation des attaques du 11 septembre, était également un habitué des lieux.
Face à ce constat, beaucoup tournent leurs critiques contre le gouvernement. Les plus acerbes considèrent que le Premier Ministre Gordon Brown devrait d’abord balayer devant sa porte au lieu de penser à organiser une conférence sur le Yémen, identifié comme le nouveau bastion d’Al-Qaïda.
Samia Lokmane-Khelil