Sollicité par Le Jeune Indépendant en marge des funérailles du président Chadli, ce lundi au cimetière d’El-Alia, à Alger, pour un témoignage sur le défunt président, l’ancien ministre de l’Intérieur, Nouredine Yazid Zerhouni, est revenu sur la période précédant la fin de règne de feu Houari Boumediene, l’agonie de celui-ci et, ensuite, l’ascension non sollicitée de celui qui lui succèdera, à savoir Chadli Bendjedid.
Ancien ministre, ancien ambassadeur ayant auparavant gravi les échelons des services de renseignements algériens qu’il a rejoint dès leur création durant la Révolution pour devenir ensuite officier supérieur de la mythique Sécurité militaire, Yazid Zerhouni est assurément un «témoin privilégié» en la circonstance. Il raconte ici «les coulisses» d’un épisode peu connu de l’histoire du pays.
Un épisode où des «courants plus puissants» avaient fait perdre un virage important à l’Algérie, alors jeune République indépendante. «Ce que je peux dire sur Si Chadli Bendjedid ? D’abord, je sais que quand il lui a été proposé d’être président pour succéder à Si Boumediene, il n’en a pas voulu», commence par dire M. Zerhouni.
«Yak, c’était ainsi Si M’hidine», ajoute-t-il en prenant à témoin M’hidine Amimour, ancien ministre et sous Boumediene et sous Chadli, à côté duquel il était debout devant l’entrée du grand cimetière. «Deuxièmement, durant la période où Si Boumediene était dans le coma.» A cette époque, j’étais responsable de la commission qui devait débattre et préparer les avant-projets ou les moutures la nouvelle Constitution et des statuts du parti FLN.
Nous avons au sein de cette commission (mise en place par le président Boumediene, Ndlr) fait des propositions allant sur la voie de l’ouverture du régime politique du pays», se remémore encore l’ancien ministre de l’Intérieur et ex-vice-Premier ministre, précisant que «pour la Constitution, nous avions proposé à ce que l’on entame la préparation du multipartisme».
Concernant les statuts du parti «qui était parti unique à l’époque», rappelle-t-il, «nous avions, à titre d’exemple, fait des propositions pour l’instauration de l’élection à bulletin secret au sein du parti et pour la liberté des candidatures.
«Nous avions également réfléchi à l’idée d’accepter la structuration des différents courants politiques représentés en sein du FLN, et ce, comme je vous le disais, pour baliser le terrain au multipartisme», explique encore M. Zerhouni, rappelant que «durant la période où Si Boumediene était dans un état d’inconscience, Si Chadli a été chargé de la coordination au sein du ministère de la Défense».
«On se voyait quotidiennement. Il (Chadli) était très favorable à nos propositions et il nous soutenait dans cette direction», se souvient Noureddine Zerhouni. «Malheureusement, regrette-t-il avec un sourire amer, d’autres courants étaient plus puissants». Et rien de cela ne fut.
Cela relèverait peut-être de la politique fiction, mais Noureddine Zerhouni se dit aujourd’hui convaincu que «si à l’époque, en 1980, nous avions suivi la voie tracée par les propositions que nous avions formulées en 1978, nous nous serions épargnés beaucoup de choses et aurions évité beaucoup de problèmes. Nous aurions même évité la période noire (les années de terrorisme) que nous avons vécue».
Les circonstances n’ont pas permis de demander à en savoir plus sur ces «courants puissants » qui avaient empêché l’ouverture démocratique dès la fin des années 1970.
A. Mouhou