Les compteurs d’électricité à courant triphasé fabriqués (ou du moins montés) par l’Entreprise nationale des appareils de mesure et de contrôle (AMC), sous licence de la Société d’applications générales d’électricité et de mécanique (Sagem), une entreprise française, sont-ils sûrs et fiables ?
Une question qui nécessite actuellement des réponses surtout après la série des incendies et explosions des compteurs d’électricité enregistrées depuis 2010 à travers plusieurs régions du pays. Ainsi et juste pour l’année 2011, 39 incendies et explosions mettant en cause des compteurs d’électricité ont été signalés dans plusieurs wilayas. Le dernier cas a été enregistré le 5 janvier à Ras El Oued, dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj, où un incendie survenu dans 8 compteurs d’électricité avait causé l’asphyxie de deux personnes. Des incidents à répétition qui ont fait réagir quelques cadres de l’AMC, dont le siège est à El- Eulma, dans la wilaya de Sétif. Ces derniers ont, à travers des correspondances adressées à toutes les instances, dénoncé les risques encourus par les utilisateurs des compteurs d’électricité triphasés fabriqués par l’entreprise sous licence de Sagem, et dont les composants sont issus de la filiale Sagem en Tunisie.
Ainsi, une première alerte a été enregistrée en 2008, où un membre du comité de participations et chef du département logistique chargé du transit de l’AMC a, dans une lettre adressée à son président, accusé l’entreprise d’importer des cartes électroniques non conformes de manière frauduleuse et sans déclaration douanière provenant de la firme Sagem-Communication France via Sagem-Tunisie. A plusieurs reprises, des articles importés n’étaient pas déclarés sur la facture. La fausse déclaration peut porter un préjudice à l’entreprise et la saisie de la marchandise, des moyens de transport et la poursuite judiciaire du déclarant. Cette manière de faire et de gérer laisse perplexe. A titre d’indication, pour la dernière livraison dédouanée le 20/04/2008, lot 72 A, palette n° 11/119, poids : 80 kg : il a été constaté la présence avec les pièces plastiques de deux cartons (transducteur) non déclarés sur la facture d’importation. Cette pièce (transducteur) a été livrée frauduleusement pour réparer les cartes reçues non conformes des lots précédents. «La réparation s’effectue au niveau des ateliers AMC (ex-atelier PRC) par des agents tunisiens présents sur site depuis le 20 avril 2004», peut-on lire dans la correspondance du membre du comité de participations qui demande à son président de saisir le P-dg de l’AMC pour mettre fin à ces pratiques néfastes pour l’entreprise, et ce, afin d’éviter les arrêts de la production et ne pas perturber le planning de livraison de Sonelgaz. Mais jusqu’à ce jour, aucune suite n’a été réservée à cette lettre. De même qu’un ancien cadre de l’AMC, Gherib Abdelouahab, un administrateur de droit chargé d’études prévention et sécurité, actuellement licencié pour avoir dénoncé ces agissements, avait alerté, le 27/11/2010, le P-dg du groupe Sonelgaz pour que «cessent le montage et l’approvisionnement de Cameg en ces compteurs-destructeurs et pyromanes». «La Sonelgaz est vraisemblablement victime d’un abus de confiance de la part de ses fournisseurs, car la conformité d’un compteur d’électricité en matière d’étalonnage ainsi que la sécurité et la protection de l’usager “algérien” ne sont pas forcément et nécessairement soumises ou liées à la simple délivrance d’un certificat de conformité et d’origine par un fournisseur étranger (tunisien), le certificat d’étalonnage ONL ou par un certificat d’homologation délivré par le Credeg. Le critère primordial et – universellement reconnu — est qu’un compteur d’électricité doit être sécurisé et sécurisant pour l’usager. Et pour qu’un compteur d’électricité soit auto-extinguible, il est obligatoirement constitué d’un matériau (testé) ignifuge (couvercle) et de composants électroniques et/ou mécanique reconnus fiables et sensibles à toute défaillance technique», dira-t-il à l’adresse du P-dg du groupe Sonelgaz. L’ancien cadre s’interroge aussi sur le fait que le compteur AMC est facturé au nom de Sonelgaz à raison de 1 500 DA l’unité alors que les pièces du compteur (lots électroniques et pièces en plastique) sont facturées à l’AMC par la Sagem- Communication à 29,70 euros l’unité, ce qui vaut à presque 3 000 DA. L’AMC vendra-t-elle à perte dans ce cas-là ? Autre interrogation soulevée par ce même cadre concernant l’importation de la marchandise. «Comment se fait-il que deux camions transportant la marchandise du même site en Tunisie vers le même site, à savoir El-Eulma, l’un contenant la pièce électronique, et l’autre la pièce plastique, prennent deux routes différentes pour entrer en Algérie. Le camion transportant les pièces électroniques transite par le poste frontière d’El Heddada, dans la wilaya de Souk Ahras, tandis que l’autre camion chargé des pièces plastiques passe par le poste frontière d’El Ayoune, dans la wilaya d’El Tarf ?», s’interroge M. Gherib. Plusieurs rapports dans ce sens ont été envoyés aux hautes autorités afin de prendre les mesures qui s’imposent, et ce, pour la sécurité du citoyen. Notons à la fin qu’il y a quelques années, et ne badinant pas avec la sécurité des Français, l’entreprise française chargée de l’électricité, en l’occurrence l’EDF, ayant constaté des anomalies de fabrication sur des compteurs d’électricité triphasés de marque Sagem, avait pris la décision de retirer près de 40 000 compteurs incriminés et de les remplacer par d’autres plus sûrs et plus fiables.
Imed Sellami