«Nous sommes conscients d’avoir choisi une personnalité qui n’a pas un long parcours, mais on a voulu se concentrer non pas sur la personne mais sur le sujet tout en visant à débattre du colonialisme avec ses propres outils», se défendra le scénariste Azzedine Mihoubi.
Séquence I, extérieur nuit. Premier fait historique: l’attaque de la poste d’Oran. Nous sommes en 1949 en Algérie sous l’occupation française. La presse locale titre sur ces «Gangsters» là. L’Algérie française parle de terrorisme, les Algériens d’actes de résistance. Le nom de Guy Môquet (icône de la Résistance française contre le nazisme) est mentionné à deux reprises comme approche comparative à notre cause juste. On comprend vite l’arrière-pensée du film. Hmida Zabana, un ex-soudeur, monte au maquis. C’est un homme discret, parle peu.
Un charmant garçon à l’allure sage en toute apparence. Avec ses frères d’armes, ils s’attaquent à un garde-forestier français qui malmène les Algériens à Ghar Boujlida. Ils le tuent. Dans une embuscade, il est arrêté et emprisonné à Barberousse. Il tente de se suicider craignant de parler sous la torture, mais la balle ricoche au niveau de la tempe et a la vie sauve. Beaucoup de lenteur dans la prison. Hmida Zabana fera la connaissance de nombreux autres martyrs tels Mohammed Boussouf ou encore Ali Zaâmoum campé brillamment pour ce dernier par Khaled Benaïssa. Ici, on tue le temps comme on peut, en jouant aux cartes, aux dominos, tout en méditant sur le combat du FLN, en se tenant constamment informé de ce qui se passe dehors avec comme seule conviction, la libération de l’Algérie. Comment Zabana est-il devenu un chef? On ne sait pas et on ne montre pas vraiment comment. On ne comprend pas vraiment comment s’est-il engagé dans le Mouvement national. Mais son sentiment militant est incontestable et son courage indéniable. Zabana, ex-soudeur, a été choisi par le destin pour être le premier homme guillotiné, aux côtés d’un autre martyr Abd El Kader Ferradj, mais l’histoire de ce long métrage ne s’attardera pas sur la destinée de ce dernier.
Le 15 février 1956, le gouvernement vote l’usage de la guillotine contre les nationalistes algériens, condamnés à la peine capitale. François Mitterrand est ministre de la Justice et approuve la sentence.
19 juin 1956: Ahmed Zabana, trente ans, est exécuté à l’aube à Alger. L’histoire retient que la guillotine n’a pas marché par deux fois avant de le décapiter, à la troisième tentative. Et la légende commence. Le film s’arrête net ici. Six mois après, éclate la Bataille d’Alger! Devant l’incident de la guillotine, l’avocat de Zabana criera à «la Grâce divine!».
Un M.Zertal, admirablement interprété par Abdelkader Jeriou, dont le but, a-t-il souligné, hier lors du point de presse qui a succédé à la projection à la salle El Mougar, «que tous les jeunes qui regardent le film puissent s’identifier pour une fois à notre héros Zabana, nos martyrs comme on peut l’être en regardant un film américain, pris d’émotion pour un marine.» Pour Imad Bencheni alias Zabana, incarner l’étoffe de ce martyr lui a permis en plus de comprendre ce qu’est d’être nationaliste, de le sentir dans sa chair en le vivant avec force pendant le tournage et s’en accaparer. Un peu «réducteur» comme le signalera cette moujahida lors du débat, Zabana! délimite son histoire dans la sphère de la guerre, dans le temps et l’action sans trop s’attarder sur les à-côtés. On ne verra la mère du martyr qu’une ou deux fois. Exit également la population. Celle-ci est une force bien vive dont on entend juste l’échos à travers la division FLN/MNA. C’est aller à l’efficacité au risque de quelques frustration d’après Saïd Ould Khelifa dont l’objectif était aussi de faire «le procès du colonialisme qui a exécuté d’une manière illégale un militant». Et le scénariste Azzedine Mihoubi de renchérir: «Nous sommes conscients, d’avoir choisi une personnalité qui n’a pas un long parcours, mais on a voulu se concentrer non pas sur la personne mais sur le sujet tout en visant à débattre du colonialisme avec ses propres outils.»
En effet, s’il ne parle pas beaucoup, le film témoigne toutefois avec les images d’archives, des coupures de presse essentiellement, mais aussi avec ces reconstitutions, de la prison de Barberousse d’où s’élèveront ces cris de «Allah Akbar» qui vous hérissent le poil, de la guillotine mais en montrant également ces horribles scènes de torture. Sans s’appesantir d’un message quelconque, Zabana! dira le réalisateur, est plutôt axé sur son caractère humanitaire et le sens de la réflexion. «Tout est réel et la marge de la fiction est minime». Et d’ajouter: «Un film, sans émotion n’est pas un film, mais cela ne veut pas dire manipulation du spectateur. On ne réécrit pas l’Histoire.
La guerre on l’a gagné. On l’écrit telle que nous l’avons vécu». A propos de sa non-sélection au Festival de Cannes, l’auteur de Thé d’Ania dira ne pas trouver de réponse officielle car le festival est souverain et à chacun des spectateurs de comprendre le pourquoi à sa manière en regardant le film, et si certains en France crient au révisionnisme, il préfére lui, parler «de discours d’ignorants». Bien que s’inscrivant dans le cadre du Cinquantaine de l’Indépendance de Saïd Ould Khelifa fera remarquer que son film, loin de toute polémique, s’adresse d’abord à nous Algériens et pourquoi pas après aux étrangers. «L’essentiel est qu’on puisse d’abord en débattre entre nous.» Enfin, présent aussi à la conférence, Yacine Laloui, de la boîte de production Laith Média, co-producteur du film, révélera que Zabana! sera bientôt montré à la télé sous forme de feuilleton de six épisodes. Enfin, il est bon de savoir que Zabana! a été sélectionné pour le Festival international du film de Toronto en septembre et qu’il participe aussi dans la compétition officielle en décembre prochain au Festival international de Dubaï.