Les relations entre les deux pays seront passées au crible et les dossiers qui fâchent seront mis sur la table.
Le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, s’adressera au peuple français à travers ses députés lors de son intervention aujourd’hui au palais Bourbon, siège de l’Assemblée nationale française. Les relations algéro-françaises, régionales et internationales, seront à l’évidence passées au crible.
Le processus des réformes initiées en Algérie, la politique de l’Algérie au regard des mutations survenues récemment et/ou en cours dans le Monde arabe, la position de l’Algérie sur ces événements – laquelle repose notamment sur le principe de la non-ingérence et du soutien aux causes justes – mais aussi l’arrivée au pouvoir des islamistes dans nombre de pays arabes, enfin sans nul doute, la lutte contre le terrorisme au Sahel. Cela d’autant plus que ces questions semblent préoccuper l’opinion française qui juge illisible la politique étrangère de Paris, placée sous le signe de l’improvisation et d’impulsions successives, qui s’expliquent souvent par des considérations de politique intérieure.
Le ministre français de Affaires étrangères, Alain Juppé, recevra Mourad Medelci qu’il rencontrera pour la troisième fois cette année, après sa visite à Alger en juin puis leur rencontre à New York au mois de septembre. Selon le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard Valéro, ils évoqueront les différents enjeux des relations bilatérales avec l’Algérie dans de nombreux domaines (enseignement, formation professionnelle, échanges économiques et culturels). Ils feront également un tour d’horizon des sujets de l’actualité régionale et internationale. «Sur le plan économique, le renforcement de nos relations est notable, avec le succès de la mission confiée par le président de la République à Jean-Pierre Raffarin, qui, avec l’aide de Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, s’attache à faire progresser de nombreux projets», a-t-il ajouté. Selon Valéro, qui s’exprimait hier lors d’un point de presse, l’ensemble de ces visites, attestent de la vitalité «de nos relations avec l’Algérie et d’une volonté partagée de les approfondir encore». A l’issue de cet entretien, un point de presse conjoint d’Alain Juppé et Mourad Medelci sera organisé à 12h30.
Il convient de relever que les députés français, qui participent tant à la définition des politiques extérieures et sécuritaires de la France qu’aux prises de décision, aborderont avec leur invité algérien nombre de questions d’intérêt commun, objet de spéculations et interrogations. Le discours que prononcera M. Medelci devant le Parlement français, remet en mémoire celui de l’ex-président français Jacques Chirac, devant les députés et sénateurs algériens réunis au palais Zirout Youcef en 2003.
Mais ni la conjoncture ni les enjeux ne sont les mêmes aujourd’hui. Ce qui ressort des analyses de spécialistes traitant des révoltes arabes, tel l’article publié récemment par Le Figaro, «Le logiciel de notre diplomatie était vieilli, usé, les révolutions arabes l’ont bouleversé», qui s’interroge sur le rôle de la diplomatie française. Pour sa part, le journal Le Monde assène une vérité: «La France n’intéresse plus grand monde car nous avons perdu notre visibilité et notre capacité de manoeuvre diplomatique.
Cette perte d’influence n’est pas imputable aux diplomates mais aux options choisies par les politiques extérieures conduites par le Quai d’Orsay, sous Nicolas Sarkozy.» Pour ces diplomates français, signataires de l’analyse parue dans le quotidien Le Monde, «La voix de la France a disparu dans le monde». Critiques à haut débit de la politique extérieure de Nicolas Sarkozy, les manoeuvres de la diplomatie française ne trompent plus personne tant au plan national qu’international.
Or, à l’écoute de ces derniers, bien des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l’amateurisme, à l’impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme. «En matière diplomatique, que de contrariétés pour les autorités politiques (…), l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde…» Un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d’autres à la retraite, et d’obédiences politiques variées, a décidé de livrer son analyse critique de la politique extérieure de la France sous Nicolas Sarkozy. La politique de Sarkozy, à son image, est impulsive, jugent-ils, mettant en exergue l’Union pour la Méditerranée (UPM), lancée sans préparation malgré les mises en garde du Quai d’Orsay qui souhaitait modifier l’objectif et une méthode qui se sont avérés sinistrés. De l’amateurisme, comme de confier au ministère de l’Ecologie la préparation de la conférence de Copenhague sur le changement climatique, ce qui a abouti à l’impuissance de la France et de l’Europe soldée par un échec cuisant.
Pour ce qui est du manque de cohérence, les rédacteurs de l’analyse soutiennent que la politique française au Moyen-Orient est devenue illisible, l’Elysée s’enferrant dans des impasses. D’où, ils induisent que les priorités évidentes de la France sont délaissées. Il en est ainsi de l’Afrique francophone, négligée politiquement et désormais sevrée de toute aide bilatérale.