«Le président de la République, M Abdelaziz Bouteflika, a mis fin, mardi matin, aux fonctions de M. Abdelaziz Belkhadem en qualité de ministre d’Etat, conseiller spécial à la présidence de la République». Même le timing de l’annonce se veut, déjà, une humiliation en soi. En «frappant» la matinée même de la tenue du Conseil des ministres, Bouteflika laisse paraître sa légendaire rancoeur, en pareilles circonstances. Mais cette fois, la rancoeur est vraiment dévastatrice. Bouteflika ne se suffira pas d’un simple limogeage mais ira très loin dans un acharnement inédit à tout point de vue. Que l’on en juge : outre le limogeage, on lit, dans la même dépêche, citant un décret présidentiel que «le Président a pris un décret en vertu duquel il a été mis fin aux fonctions de Abdelaziz Belkhadem en sa qualité de ministre d’Etat (…) ainsi qu’à toutes ses activités en relation avec l’ensemble des structures de l’Etat». Selon une source fiable, cela signifie un message en direction de «toutes les structures de l’Etat» sommées ainsi de «bannir Belkhadem» ! Bouteflika ne s’arrêtera pas là. Pour la première fois depuis son accession au pouvoir, il parlera et, surtout, décidera au nom du FLN ! «Contact a par ailleurs été pris avec le secrétaire général du Front de libération nationale à l’effet de prendre les mesures nécessaires afin de mettre fin aux fonctions de M. Abdelaziz Belkhadem au sein du parti et interdire sa participation aux activités de l’ensemble de ses structures.» En clair, il est exclu du parti lui qui, l’on se rappelle, avait, paradoxalement, introduit un article dans les statuts du FLN lors du 8e congres bis en 2005, faisant du président de la République le président «réel et effectif» de l’ex-parti unique ! Un tel châtiment, on le réserve généralement à des auteurs coupables de «haute trahison nationale», «intelligence avec l’ennemi», etc. Qu’a donc fait Belkhadem pour s’attirer les foudres présidentielles ? Selon notre source, «la goutte qui a fait déborder le vase est l’indue présence de Belkhadem à la cérémonie d’ouverture de l’université d’été du parti de Abdelmadjid Menasra, lundi dernier en compagnie de tous les adversaires du Président, notamment les anciens chefs du gouvernement Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali, Ahmed Benbitour». Juste la goutte car, il faut dire que le vase était bien plein ! Dans l’entourage de Bouteflika, le limogeage de Belkhadem du gouvernement était quasiment chose faite depuis des semaines déjà. A l’origine, comme toujours, les ambitions présidentielles «soupçonnées» chez Belkhadem. Ses déclarations quant à de prétendues instructions de Bouteflika, ordonnant l’organisation d’une élection d’un nouveau secrétaire général du FLN, n’ont jamais été appréciées par le patron d’El Mouradia. C’est, généralement, ce type de considérations qui fait réagir Bouteflika de la sorte ! A chaque fois qu’un proche est soupçonné de nourrir quelque ambition présidentielle, réelle ou supposée, il s’attire les pires représailles ! C’était le cas de Ali Benflis. C’était également le cas de Ahmed Ouyahia limogé de la chefferie du gouvernement sur de simples «soupçons» en 2006. Le cas, par la suite, de Ouyahia et Belkhadem limogés du gouvernement les 3 et 4 septembre 2012 puis poussés à quitter leurs partis respectifs, le RND et le FLN quelque temps plus tard. Rappelés ensemble en mars dernier en vue de mener la campagne présidentielle d’avril, Belkhadem se distinguera en revanche par une activité parallèle intense et soutenue, tant partisane que médiatique. Sa détermination à reprendre la tête du FLN était obsessionnelle. Mais avec sa nouvelle casquette de ministre d’Etat, ministre conseiller du Président, il y avait effectivement matière à confusion ! C’est d’autant plus vrai que Abdelaziz Belkhadem passait pour l’un des ténors du cercle présidentiel. Cela, depuis l’été 2000 lorsque, à la surprise générale, l’ancien président de la dernière APN sous le parti unique est nommé par Bouteflika comme ministre des Affaires étrangères. En 2003, c’est également Belkhadem qui sera chargé de mener le fameux mouvement de redressement contre Ali Benflis. Après les présidentielles d’avril 2004, il sera récompensé par le poste tant convoité de secrétaire général du FLN. Puis, plus tard, il sera nommé chef du gouvernement. Un parcours et une carrière politiques pleins et auxquels il ne manquait que la dernière marche, celle du pouvoir suprême. Chose que Bouteflika ne tolérera jamais à personne, de son vivant…
K. A.ABDERRAHMANE BELAYAT, COORDINATEUR DU BUREAU POLITIQUE DU FLN ET L’UN DES MENEURS DU MOUVEMENT DE REDRESSEMENT :
Analysant la première partie du communiqué repris par l’APS où l’on annonce qu’il a été mis fin aux fonctions de Abdelaziz Belkhadem en qualité de ministre d’Etat, conseiller spécial à la présidence de la République, ainsi qu’à toutes ses activités en relation avec l’ensemble des structures de l’Etat, Belayat dira que «celui qui a le pouvoir de nomination a aussi le pouvoir de mettre fin à cette fonction». Toutefois, il précise que les raisons de ce limogeage n’ont pas été communiquées. Quant à la seconde partie du communiqué où l’on parle de mettre fin aux fonctions de Belkhadem au sein du FLN et interdire sa participation aux activités de l’ensemble de ses structures, Belayat souligne que Belkhadem n’a pas de fonction au sein du parti. «Il est militant et membre du Comité central», précise-t-il. Et d’expliquer que la qualité de militant est protégée par le statut. «Elle ne peut être enlevée que dans le cadre d’une procédure qui doit passer par le conseil de discipline au niveau national.» Idem pour la qualité de membre du Comité central. «Elle ne peut être enlevée que par le congrès. La suspension passe par le conseil de discipline puis par le Comité central», dit-il. Selon lui, il ne faut pas «préjuger» avant le conseil de discipline où «l’intéressé a le droit de se défend.
SAÏD BOUHADJA : RESPONSABLE DE LA COMMUNICATION AU FLN :
«Le président a pris la décision de mettre fin aux fonctions de M. Belkhadem suite aux comportements et aux décisions politiques que ce dernier avait prises et qui vont à l’encontre de la nature de la place qu’il occupe au sein du gouvernement. Les agissements et l’attitude de Belkhadem dénués de toute morale ont touché à l’image du gouvernement.»