M. Soltani est entré en campagne électorale avant la lettre
«Jamais je n’accepterai d’être ministre. Quant à la présidentielle, c’est une ambition légitime», proclame le leader du Mouvement de la société pour la paix.
Bouguerra Soltani lève le voile sur ses objectifs politiques. Le poste d’un ministre ne l’enthousiaste plus, en revanche il affiche tout haut ses ambitions: un Soltani «présidentiable». Dans une interview accordée au quotidien arabophone Djazair News, le président du Mouvement de la société pour la paix, estime son ambition d’être, un jour, président de la République algérienne, tout à fait légitime.
«Jamais je n’accepterai d’être ministre. Quant à la présidentielle, c’est une ambition légitime», a-t-il glissé. Juste une ambition ou un forcing politique? En politique rien n’est fait au hasard. Cette énième étrange sortie du président du MSP n’est pas hasardeuse. Pour son entourage, M. Soltani est entré en campagne électorale avant la lettre. C’est la remarque qui lui a été faite par son allié du RND, Ahmed Ouyahia, lors d’une de ses sorties médiatiques. Sans le citer nommément, M. Ouyahia a estimé que les menaces de retrait du MSP de l’Alliance présidentielle, s’inscrivent dans un climat électoral. Les observateurs de la scène politique nationale estiment que le leader du MSP a entamé sa campagne depuis le début du soulèvement populaire dans certains pays arabes. Il a tenté de se démarquer du pouvoir, lever le pied de l’Alliance présidentielle et chercher un soutien de l’étranger. En un mot, il fait de l’activisme. Mais que cache Soltani derrière ce forcing? d’autant que le président du MSP doit faire face à des échéances autrement plus complexes. Ainsi, le MSP doit préparer son congrès ordinaire prévu pour le premier semestre de 2013. Ce qui veut dire une année avant l’élection présidentielle, prévue en 2014. D’ici là, il doit encore mettre un peu d’ordre dans son parti qui tire à hue et à dia. D’aucuns se demandent même si M.Soltani sera encore en charge du parti à l’échéance 2013 et s’il sera reconduit pour un troisième mandat. La décision reviendra aux instances du parti. Or, le règlement intérieur est clair. Le président ne peut, selon ce règlement, briguer plus de deux mandats. Dans cette situation,
M. Soltani ne pourra se présenter candidat à l’élection présidentielle que s’il est d’abord réélu pour un autre mandat à la tête de sa formation. Dès lors, le président du MSP va-t-il s’efforcer de faire modifier la règle qui lui barre la route à un troisième mandat à la tête du parti? Une hypothèse écartée par le majlis eec-choura. Selon une source proche de cette instance, la possibilité de modifier l’article limitant les mandats n’est pas à l’ordre du jour. En outre, M. Soltani avait affirmé, lors de la dernière réunion du conseil consultatif, qu’il n’envisageait pas briguer un autre mandat. Pour lui, deux mandats étaient suffisants. Il défendait le même principe visant l’incarnation de l’esprit de l’alternance à la tête de la direction du MSP. L’ambition politique, et surtout le «vent vert» qui souffle sur le Monde arabe, ont-ils fait changer d’avis M. Soltani? Pourquoi un tel revirement? Les observateurs expliquent que la conjoncture régionale a fait changer d’avis à M. Soltani. Plus explicites, ils avancent le fait que la résurgence des islamistes dans le Monde arabe en changeant la donne a motivé le successeur au défunt cheikh Nahnah. Selon la même source, la victoire des islamistes d’Ennahda en Tunisie, le PJD au Maroc et des islamistes (Frères musulmans et salafistes) en Egypte, a inspiré M. Soltani qui veut tenter la même expérience. Au lendemain de la victoire de la formation de Rached Ghannouchi, le chef de file du MSP s’est précipité à Tunis pour aller féliciter de vive voix le parti islamiste tunisien. Il se prépare à refaire le coup avec le PJD marocain. Ces démarches ne sont pas fortuites. En ayant recours au soutien étranger, M. Soltani tente de s’imposer d’abord, au sein de sa formation afin qu’il soit accepté comme candidat de consensus. En tissant ses relations avec les islamistes de la région, le président du MSP songe à s’imposer comme la seule alternative pour les candidats islamistes en Algérie. C’est une affaire, donc, de leadership islamo-islamiste. La concurrence que lui impose un certain redoutable Abdallah Djaballah -président d’un parti non encore agréé -, le fait redoubler d’effort et réactiver ses liens avec les islamistes de la région du Maghreb. Entre les deux hommes, le courant passe plutôt mal que bien. Une alliance entre ces deux leaders islamistes reste aléatoire et peu probable, voire impossible. Chacun jouera donc ses cartes à fond. Pour y arriver, Djaballah doit d’abord assurer un agrément à son parti. Quant à M. Soltani, il est appelé à trouver un autre moyen pour éteindre le feu dans sa maison et convaincre ses militants de lui renouveler leur confiance, dans le cas certes, où, il serait éligible à un troisième mandat au sein de son parti. Un pari qui s’annonce déjà très difficile vu les ambitions des uns et des autres.