Les hommes de main du MSP redonnent la charge contre le ministre du Commerce
En s’attaquant au ministre du Commerce tout en faisant du pied au pouvoir, le parti islamiste veut récupérer le ministère du Commerce avec sa réintégration dans l’Exécutif.
La pression s’accentue sur le ministre du Commerce Amara Benyounès. Après la pseudo victoire obtenue par les islamistes à travers l’annulation de la décision de Amara Benyounès, relative à la vente libre d’alcool, les hommes de main du MSP redonnent la charge contre le même ministre. Ils le rendent responsable du licenciement de 40 cadres du ministère. Pour eux, Amara Benyounès veut imposer l’idéologie de son parti. «Il mène la vie dure aux employés qui font montre de leur obédience islamiste. Il irait jusqu’à restreindre au maximum l’utilisation de la langue arabe dans l’étiquetage des produits importés et des enseignes de commerces», accuse Mourad Arroudj, député du MSP, au quotidien Echourouk.
D’un autre côté, au moment où la Cnltd affiche un refus catégorique de toute discussion avec le pouvoir, une aile du MSP fait pression sur la direction du parti pour l’amener à revoir sa position et entrer dans un gouvernement d’union nationale qui pourrait être envisagé à la veille de la révision de la Constitution. «J’annonce qu’on va lancer immédiatement une série de consultations, au nom du Mouvement, avec toutes les parties, pouvoir et opposition, en perspective de cette vision», a indiqué Makri aux cadres de sa formation, histoire de se maintenir à la tête du MSP.
Pour bon nombre d’observateurs la juxtaposition de ces deux attitudes du MSP, fait entrevoir de sa part une véritable offre de service au pouvoir. En s’attaquant au ministre du Commerce tout en faisant du pied au pouvoir, le parti islamiste veut récupérer le ministère du Commerce avec sa réintégration dans l’Exécutif.
Il faut dire que le département du commerce a toujours été géré par un responsable du MSP et fait les beaux jours des hommes d’affaires de ce parti. Lesquels, généralement versés dans le commerce international entretenaient, avec l’aide des responsables du MSP, la «bazardisation» de l’économie nationale. L’arrivée de Amara Benyounès à la tête du commerce a remis en cause bien des situations jadis établies. Ceux qu’on disait victimes des «agissements du ministre» n’ont pas été renvoyés mais sommés de changer de méthode de travail. D’où l’acharnement soutenu contre Benyounès, qui a l’air d’être une pièce maîtresse à abattre dans la stratégie du MSP. Les contradictions qui traversent le parti, à savoir le courant islamiste pur et dur face «affairistes» qui y trouvaient leurs aises, semblent s’être exacerbées au point où la formation de Mahfoud Nahnah en arrive à un point de rupture. La solution sera dans un jeu de compromis et de compromission au sein du MSP entre les politiques et les affairistes. Pour l’heure et à en croire la tendance de Abderrezak Makri, le congrès tranchera. Mais cela pourrait ne pas suffire aux contradicteurs de l’actuel président du MSP qui préconisent une offre de service directe et sans délais avec le pouvoir, tout en maquillant cette démarche par le souci d’un consensus national, comme seul le MSP sait en «coudre».
Il faut souligner que la grogne des affairistes est assez perceptible dans les rangs du parti et les menaces de cesser les subventions commencent à se faire jour, au risque de provoquer l’implosion du parti. Les observateurs qui connaissent assez bien les rouages de la formation islamiste parlent d’une cassure imminente, si aucune des deux tendances n’accepterait de faire marche arrière. Celle de Makri qui a endossé une démarche «dialoguiste» en direction du pouvoir pour gagner du temps est actuellement en porte-à-faux avec cette même initiative et est accusée d’avoir échoué. Par ailleurs, sur la scène politique ces revirements de positions du MSP ne suscitent aucun étonnement. Le parti de Makri y est habitué, quitte à laisser choir ses convictions récentes allouées à la Cnltd.
Face à ce bouillonnement au sein du MSP et cette «offre» de gouvernement d’union national qui ne saurait tarder, le pouvoir ne pourra être insensible dans le sens où pareilles perspectives garantiraient une nouvelle approche plus consensuelle dans la formulation des amendements à la Constitution. Il reste cependant que cela suppose une prise de risque non négligeable, au sens où il va falloir convaincre le MPA et Amara Benyounès, principal cible du MSP. Effectivement, les tensions qui pourraient naître entre les partis du pouvoir, à savoir le RND, le FLN, et l’AAV, suite à cette nouvelle donne, risquent de compromettre lourdement les chances de voir une révision consensuelle s’établir prochainement.
Toute l’interrogation réside pour l’heure dans le fait de savoir, si le pouvoir pourrait accepter de remettre le secteur du commerce entre les mains des islamistes, pour réussir un rassemblement de la scène politique autour de la révision de la Constitution. Pour les observateurs, le jeu sournois du MSP n’arrivera pas à suffisamment allécher le pouvoir et pour cause, le risque d’ouvrir la porte des dérives paraît trop présent.