Il revendique un statut de langue officielle pour Tamazight : Le FLN fait… sa révolution

Il revendique un statut de langue officielle pour Tamazight : Le FLN fait… sa révolution

“On s’est rendu compte qu’accorder un statut de langue officielle à tamazight est de nature à renforcer l’unité nationale et surtout une certaine symbiose entre les Algériens”, explique-t-on au BP du FLN.

Perçu comme étant le porte-drapeau, du moins pendant les dures années du parti unique, de l’unicité politique, culturelle et linguistique d’une Algérie pourtant plurielle, le Front de libération nationale (FLN) vient peut-être de faire sa deuxième… révolution. Reçu jeudi par Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de la Présidence dans le cadre des consultations sur la révision constitutionnelle, son secrétaire général, Amar Saâdani, s’y était rendu avec une proposition inédite, voire révolutionnaire pour ce parti : un statut de langue officielle pour tamazight.

C’est là une avancée notable qui mérite d’être saluée et qui ne manquera pas de bousculer certaines idées reçues sur la question identitaire, nœud gordien de la crise algérienne. Il reste qu’une telle proposition, faite par le FLN, ne peut que susciter des interrogations sur les motivations réelles de l’ex-parti unique qui n’est pas connu pour être un fervent militant de tamazight même si, en 2001, il a voté, à l’instar du RND et des partis islamistes comme le MSP, en faveur de l’amendement constitutionnel du président Bouteflika octroyant un statut de langue nationale à tamazight.

Cette rupture brutale de l’ancien parti-État avec la vision fantasmagorique de la nation algérienne n’est-elle pas le fruit d’une manœuvre politique, surtout que les militants historiques de l’officialisation de tamazight ont tous ou presque boudé les consultations d’Ouyahia ? Joint au téléphone, Saïd Bouhedja, membre du bureau politique et chargé de communication du FLN, oppose un démenti catégorique. “Notre proposition est le fruit de notre conviction. Pour nous, tamazight n’est pas un fonds de commerce comme c’est le cas pour certains”, rétorque-t-il.

Une telle proposition fait-elle l’unanimité au sein du plus vieux parti algérien ? La réponse de M. Bouhedjja ne souffre aucune ambiguïté. “On a étudié la question au niveau des kasmas et mouhafadhas. Notre position est le résultat d’un travail en profondeur.” Autrement dit, la direction comme la base sont sur la même longueur d’onde. Déroulant son argumentaire, le responsable du FLN ira jusqu’à désavouer ceux qui voyaient dans l’officialisation de tamazight un danger pour la cohésion du pays. “On s’est rendu compte qu’accorder un statut de langue officielle à tamazight est de nature à renforcer l’unité nationale et surtout une certaine symbiose entre les Algériens”, explique M. Bouhedja. Une assertion qui va certainement dérouter les partisans d’une langue officielle unique, si elle ne donnerait pas cours à une levée de boucliers.

Il est vrai qu’en dehors des formations politiques, le FFS et le RCD notamment, acquises depuis longtemps à l’idée d’une nécessaire réhabilitation de tamazight, le FLN n’est pas le seul parti à demander un statut officiel à cette langue : le Parti des travailleurs de Louisa Hanoune l’a devancé depuis longtemps et le parti d’Amar Ghoul, Taj, vient de faire de même. Reste maintenant à savoir si la proposition de ce trio recueillera l’assentiment du chef de l’État à qui revient le dernier mot. “Nous, nous n’avons fait que proposer”, a lâché M. Bouhedja. Serait-ce une façon d’exprimer des doutes quant aux chances réelles de voir une telle proposition retenue par celui qui détient le pouvoir de décision ? La question reste posée.

A. C.