Il rattache les services de renseignements à l’état-major de l’ANP: Gaïd Salah renforce ses pouvoirs

Il rattache les services de renseignements à l’état-major de l’ANP: Gaïd Salah renforce ses pouvoirs

Le chef d’état-major de l’ANP évite ainsi de se retrouver dans la situation du général Mohamed Lamari à qui échappait, à l’époque, le contrôle du DRS.

La mobilisation populaire que connaît l’Algérie depuis le 22 février n’a pas que poussé Bouteflika à la démission. Elle a également permis de redistribuer les cartes à l’intérieur du pouvoir. À commencer par l’institution militaire qui vient de récupérer les services de renseignements. Le chef d’état-major de l’anp vient, en effet, de reprendre, après le départ de Bachir Tartag, le coordinateur du Département des services de sécurité (DSS), le renseignement militaire. En fait, Gaïd Salah vient de fermer la parenthèse ouverte par Bouteflika en 2015, après la mise à la retraite du patron du DRS, le général Toufik, et la réorganisation des services qu’il dirigeait. En réintégrant les services de renseignements sous l’autorité de l’état-major, Gaïd Salah renforce son influence.

Il évite ainsi de se retrouver dans la situation du général  Mohamed Lamari à qui échappait, à l’époque, le contrôle du DRS. En effet, considérés comme la colonne vertébrale du système algérien, les services de renseignements ont profité de l’opacité de leurs actions et du mythe qu’ils ont entretenu autour de leurs chefs pour s’imposer comme un acteur incontournable du jeu institutionnel en Algérie. C’était le cas durant les 25 années de présence du général Mohamed Mediène, alias Toufik, à la tête du Département du renseignement et de sécurité (DRS). Né de la réforme de l’ancienne Sécurité militaire (SM), le DRS s’est imposé, au fil du temps, comme un instrument de propagande, d’infiltration des partis de l’opposition, des associations et des syndicats.

L’organisme est tellement redoutable que la vox populi lui a collé le sobriquet de “police politique”, une appellation inspirée des services de propagande des anciennes républiques socialistes de l’Europe de l’Est. Durant les années 1990 et jusqu’à sa restructuration en 2015, le DRS a accompagné les pouvoirs politiques. Érigé en contrepoids de l’état-major, ce service secret, qui comprenait la direction de la sécurité intérieure, celle de la sécurité extérieure et du contre-espionnage, avait le bras long pour le choix ou le maintien en poste des chefs d’État. Ainsi, c’est avec le soutien indéfectible du général Toufik, qu’Abdelaziz Bouteflika a réussi à obtenir un second mandat présidentiel en 2004, malgré l’opposition manifeste du chef de l’état-major de l’époque, le général Mohamed Lamari. C’est également avec l’appui du général Toufik, aidé d’Ahmed Gaïd Salah, nommé en 2004 chef d’état-major, que Bouteflika a réussi à amender la Constitution en 2008 pour briguer et obtenir l’année d’après un autre mandat à la tête de l’État.

C’est depuis 2009, qu’Abdelaziz Bouteflika, aidé de Gaïd Salah, a fait de la neutralisation du DRS une préoccupation. Pour porter l’estocade au général Toufik, qui a toujours entretenu le mystère autour de lui jusqu’à faire disparaître ses photographies de l’espace public, le chef de l’État et son allié, le chef d’état-major de l’armée, ont rappelé un homme politique, jusque-là honni du système : Amar Saâdani. Ce dernier est bombardé, en 2013, à la tête du FLN. Sa principale mission était d’attaquer frontalement le chef des services secrets, présenté comme le mal absolu. L’ancien président de l’APN est allé jusqu’à accuser le général Toufik de planifier son assassinat. Et en septembre 2015, Mohamed Mediène, déjà affaibli par l’action de ses services lors de l’attaque de Tiguentourine en janvier 2013, abdique.

Il est mis à la retraite et son service est officiellement démantelé. Le DSS, Département des services de sécurité, le nouveau service de renseignement qu’on lui substituera, est placé sous la tutelle de la présidence de la République. Son chef, Bachir Tartag, est même nommé conseiller à la présidence de la République. Dès sa prise de fonction, il prend soin de s’afficher en public. Il ne restait auprès du ministère de la Défense que les services de la Police judiciaire et la sécurité de l’armée.

Pour donner l’impression de fédérer les services de renseignements autour d’une seule entité, le général Athmane Tartag, dit Bachir, s’est vu confier tous les démembrements de l’ancien DRS. On s’est rendu compte très vite que la disparition de la police politique et l’instauration d’un état civil étaient une chimère vendue par Abdelaziz Bouteflika pour briguer un quatrième mandat sur un fauteuil roulant. Et c’est le porte-parole de cette option, Amar Saâdani lui-même, qui l’a confirmé, quelques jours avant la démission de son mentor.

La démission d’Abdelaziz Bouteflika a donc refermé cette parenthèse. Bachir Tartag, qui a tenté d’aider le “clan” Bouteflika à se maintenir, n’avait qu’à suivre son chef. Le général de corps d’armée, qui a pris beaucoup de pouvoirs ces derniers mois, au fur et à mesure que le champ d’action de l’ancien Président se réduisait, a, désormais, entre les mains, une nouvelle arme que constituent les services de renseignements. Quels usages en fera-t-il ?

Ali Boukhlef