L’absence d’une échéance électorale immédiate donne au gouvernement toute la latitude d’agir sur la crise.
Alors que l’opposition politique redouble de férocité, la presse nationale multiplie les alertes et les économistes et experts financiers annoncent l’imminence d’un désastre économique qui risque d’emporter le pays, le gouvernement lui, reste zen et ne semble être ni inquiété ni angoissé par ces tableaux noirs qu’on lui dresse à chaque détour.
D’ou tire-t-il cette attitude zen? Nous cache-t-il une vérité sur certains chiffres? Pour les observateurs, il y a un élément capital qui «prémunit» le gouvernement Sellal. C’est l’absence d’une échéance électorale immédiate. Ce «repos» électoral donne en effet, à l’équipe gouvernementale cette posture d’insouciance face à la crise annoncée. Si cette crise avait coïncidé avec une période électorale, les choses auraient évolué tout autrement.
Les coupes budgétaires, le recul sur certains grands chantiers structurants seraient un véritable carburant pour l’opposition. Il serait alors très difficile au gouvernement de justifier ou de convaincre de sa démarche.
M.Sellal et son équipe doivent alors s’ingénier à trouver le moyen de faire accepter des mesures douloureuses à une population qui a pris le goût des dépenses.
N’ayant pas profité de l’embellie financière pour booster les exportations hors hydrocarbures et réduire la tendance boulimique des importations, le gouvernement se retrouve à puiser dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Mais jusqu’à quand? Ce qui rajoutera de l’eau dans le moulin de l’opposition. Mais Sellal est un homme politique chanceux. N’ayant pas d’élection en perspective, il a toute la latitude d’agir sur la crise. Dans un premier temps, il procède avec ce que les spécialistes de la com politique appellent les éléments de langage.
Une magique méthode qui consiste non seulement à faire avaler des couleuvres mais à les rendre succulentes. Ainsi, au lieu de parler de plan d’austérité, il s’agira plutôt «de la rationalisation des dépenses».
Mais qui osera être contre la rationalisation des dépenses et de ne pas lutter contre le gaspillage même en temps d’opulence? Au lieu d’annoncer publiquement l’abandon de certains chantiers on affirme qu’il faut prioriser la commande publique et au lieu d’oser annoncer la remise en cause des subventions, le gouvernement tergiverse et préfère opérer des coupes «ciblées».
Pourtant, à ce niveau, le consensus est quasiment réalisé parmi la majorité des acteurs économiques nationaux quant à la nécessité de réorienter les subventions. Par petites touches, le gouvernement avance sans bruit et fait des coupes budgétaires nécessaires pour réduire les déficits.
La loi de finances 2016, après celle complémentaire de 2015, a relevé un certain nombre de taxes dans les budgets des ménages, mais sans faire trop de mal. Or, ramené aux recommandations des experts, le «petit lifting» fiscal est loin en tout cas des attentes.
La même démarche est opérée par exemple dans le cas de la bancarisation de l’argent de l’informel. On a dit que dans un premier temps, cette opération souffrait d’une intransigeance et de l’autorité de l’Etat ainsi que de mesures de coercition pour contraindre les récalcitrants.
L
e gouvernement annonce la mesure sans brusquer les tenants de la «ch’kara», c’est quelques semaines après qu’il brandit les mesures coercitives. En aval, et toujours sans bruit, il impose aux agents immobiliers et à toute action immobilière l’obligation d’utiliser le chèque pour un certain seuil. Une mesure qui va dans le sens de la bancarisation de l’argent de l’informel. On comprend donc que la technique consiste à diffuser à doses homéopathiques les décisions sans choquer les populations. C’est la méthode soft. Ça passe mieux et sans dégâts. Mais cela peut-il durer face à une situation qui se dégrade chaque jour davantage? Les citoyens peuvent-ils se suffire d’éléments de langage?