« Il faut agir sur la tendance à la judiciarisation de la société »

« Il faut agir sur la tendance à la judiciarisation de la société »

L’avocat et président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), Me Noureddine Benissad, estime que la volonté du ministre de la Justice d’introduire le bracelet électronique « est peut-être une bonne chose, mais je pense qu’il faut agir en amont et agir plutôt sur la tendance à la judiciarisation de notre société en lui substituant des mécanismes alternatifs de conciliation ».

Sollicité par le Jeune Indépendant pour commenter les principales mesures contenues dans le projet de loi portant réforme du code des procédures pénales annoncé récemment par le ministre de la Justice, Garde des sceaux, M. Tayeb Louh, Me Benissad a tenu à préciser, de prime abord, qu’il n’a pas pris connaissance du contenu du projet de loi portant amendement du code des procédures pénales.

Cependant, le défenseur des droits de l’homme a tenu à indiquer que « la Constitution consacre certains principes relatifs aux droits de l’homme, et notre pays a ratifié les principales conventions internationales se rapportant aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits de l’homme qui garantit le droit à un procès équitable, la présomption d’innocence, la détention comme mesure exceptionnelle, le délai raisonnable pour être jugé, l’indépendance de la justice et du barreau, etc. ».

Partant de ce constat, le président de la LADDH estime qu’« il faut donc donner un sens à tous ces principes en mettant en conformité la colonne vertébrale de la législation pénale, en l’occurrence le code des procédures pénales, avec les principes contenus prescrits par les textes susmentionnés ».

« L’indépendance de la justice, souligne-t-il, a pour corollaire l’élaboration de règles qui permettent, dans tous les domaines, un procès équitable ».

Interrogé sur ses priorités en ce qui concerne la réforme de ce texte judicaire fondamental, M. Benissad déclare : « En tant qu’association des droits de l’homme, nous militons pour une identification et une définition précises des pouvoirs des forces de l’ordre qui peuvent être amenées à participer officiellement à la mission de l’autorité judiciaire ; une réglementation stricte de la garde à vue par le biais d’une procédure pénale sauvegardant les droits du suspect à la dignité et à l’intégrité physique. »

Dans la foulée, l’avocat ajoute que « le lieu de la garde à vue doit être connu et accessible, que la présence d’un avocat aux premières heures de la garde à vue est une garantie à un procès équitable, de même que le strict respect de l’égalité des armes (entre l’accusation et la défense) tant en règles de pouvoirs légaux que de moyens légaux) ».

« Ceci implique, note-t-il, des règles de procédure contraignantes dont la violation doit être sanctionnée ; de même que le respect des droits de la défense lors de la garde à vue, de l’instruction préliminaire et du procès doivent faire l’objet de règles de procédure claires, précises et contraignantes ».

Au sujet de la détention préventive d’une personne, le défenseur des droits de l’homme estime que celle-ci est en principe une mesure exceptionnelle », mais force est de constater, relève-t-il, que « c’est devenu une règle au mépris des conventions internationales et du code des procédures pénales ».

Me Benissad plaide pour « des mesures alternatives à la mise en détention, que l’on applique rarement » et déplore « le recours à la prison » qu’il trouve « excessif ».

« Nous avons à peu près 60 000 détenus, tous régimes confondus, et la France, par exemple, en est au même nombre, en sachant que le nombre d’habitants en France avoisine le double de notre pays. C’est un exemple à méditer », dit-il.

Abordant la question du recours devant la Cour suprême, Noureddine Benissad estime que c’est un droit et qu’« il y a de l’exagération dans les recours formulés par les ministères publics. Ces derniers, dès lors qu’ils sont les représentants de la société, doivent apprendre aussi à requérir des relaxes ou des acquittements quand c’est nécessaire ».

Sur un autre registre, le président de la LADDH dit que le principe de la présomption d’innocence « doit devenir une réalité, aussi bien dans la législation que dans les faits ». « C’est ainsi, ajoute-t-il, que nous pouvons prétendre à la construction d’un Etat de droit. Aujourd’hui, on est loin de cette optique ».