« Il faudra changer de prénom » : pendant 20 ans de travail en France, Mohamed a été… Antoine

« Il faudra changer de prénom » : pendant 20 ans de travail en France, Mohamed a été… Antoine

Actuellement à la retraite, Mohamed Amghar, ancien ingénieur chez une société à Rungis, de 1997 à 2017, poursuit son ancienne entreprise aux prud’hommes. Il réclame réparation pour discrimination et harcèlement moral.

En effet, au moment de signer son contrat d’embauche il y a plus de 20 ans, son supérieur lui aurait demandé « de changer de prénom« . Cette exigence, vécue comme un choc et une profonde blessure, a motivé sa démarche de poursuivre en justice l’entreprise en question.

Pendant 20 ans au bureau et avec ses clients, et avec ses clients, Mohamed a donc été Antoine Amghar. Ses cartes de visite, mais aussi tous les documents officiels liés à son travail, étaient à ce nom ou à celui de Mohamed – Antoine.

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LG Algérie

Mohamed Amghar : « pendant 20 ans, mon employeur m’a imposé le prénom d’Antoine »

Le 11 décembre 2019, Mohamed Amghar alors âgé de 63 ans et ingénieur commercial à la retraite, a saisi le tribunal des Prud’hommes. Il y a déposé une requête contre son employeur, l’accusant de discrimination raciale et de harcèlement moral. Au cœur de l’affaire, une exigence formulée lors de l’embauche en novembre 1996 : l’entreprise lui aurait imposé de changer de prénom.

« Il m’a dit un peu gêné, il faudra changer de prénom… Le sentiment que j’avais, c’était la colère et aussi la honte, parce que j’étais coincé, j’avais trois enfants, je n’avais pas dit non« , a raconté Mohamed Amghar.

Né en France de parents algériens, Mohamed a connu une enfance modeste. Son père, arrivé à Paris en 1946, a débuté sa carrière dans des conditions difficiles, travaillant sur le Faubourg Saint-Antoine, où selon lui, « il tirait des charrettes pleines de bois, car à l’époque, un Arabe coûtait moins cher qu’un cheval« .

Malgré les épreuves, ce père a toujours inculpé à ses enfants l’importance du travail scolaire, y voyant le seul moyen d’améliorer leur situation sociale.

Harcèlement moral et violation de la vie privée

Père de trois enfants et dans la quarantaine, Mohamed s’est retrouvé dans une situation difficile après avoir quitté son ancien travail. En tant que commercial performant et bien rémunéré, il a régulièrement reçu des « Awards » pour le dépassement de ses objectifs. Cependant, la plupart de ces récompenses étaient associées au nom d’Antoine.

Il a précieusement conservé ces éléments, ainsi que tous les autres documents officiels, comme preuve de sa double identité, qui était même visible sur ses fiches de paie.

Après son départ de l’entreprise, Mohamed a entamé des poursuites contre son ancien employeur. En 2018, son avocate avait mis l’entreprise en demeure pour une résolution à l’amiable, mais la direction avait rejeté toute responsabilité.

Après un premier revers en 2022, Amghar a obtenu un gain de cause en appel début 2025. La Cour a reconnu que l’entreprise en question n’avait pas justifié l’utilisation du prénom Antoine et l’a condamné à verser environ 30 000 euros pour discrimination, harcèlement moral et atteinte à la vie privée.

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