Nicolas Sarkozy entend créer un rassemblement qui transcende le clivage droite-gauche pour redonner des perspectives à une France plongée dans le désespoir en refondant complètement son modèle.
Pour le troisième acte de la mise en scène de son retour, Nicolas Sarkozy était au journal de France 2 dimanche soir. Après avoir annoncé vendredi sa candidature à la présidence de l’UMP sur son compte Facebook, et s’être exprimé dans les colonnes du JDD, l’ancien président a précisé un peu plus ses raisons, ses idées, ses intentions.
Nicolas Sarkozy a voulu donner l’image d’un homme plus calme et plus sage grâce à son expérience et au recul pris en deux ans – mais il est apparu parfois tendu et offensif. L’interview a débuté avec un retour sur sa défaite en 2012. « Si j’ai perdu, c’était ma responsabilité. Parfois on pense pourvoir réussir seul, hors il n’y a pas de réussite individuelle. J’avais la tentation de tout vouloir faire. Je voulais tellement m’engager, sans doute j’ai fait cette erreur. Avec 2 ans et demi de recul, j’ai rencontré beaucoup de Français. Ils essaient de comprendre. Avec le recul, je me suis rendu compte que j’ai pu blesser des gens. Si c’était à refaire, je ne le referais pas».
Son retour en politique, l’ancien chef de l’état le justifie par la situation de la France, qu’il a dépeint au long de l’entretien comme désabusée, en colère et peut-être prête à basculer dans la violence. «La question n’est pas de savoir si je suis l’homme providentiel ou pas. La France pour moi c’est comme une seconde nature, je l’aime. Pendant 2 ans et demi, je l’ai regardée, je n’ai jamais vu une telle colère, une telle absence d’espoir (…) Je ne veux pas que mon pays soit condamné entre le spectacle humiliant que nous avons aujourd’hui et la perspective d’un isolement total qui serait la perspective du Front National. Non seulement j’ai envie, mais je n’ai pas le choix».
« UNE ALTERNATIVE CRÉDIBLE QUI RASSEMBLE AU-DELÀ DES CLIVAGES HABITUELS, DROITE-GAUCHE »
L’ancien chef de l’Etat a balayé les doutes, formulés au sein de son propre camp, sur sa volonté de prendre la présidence du parti – «Pourquoi cela ne serait pas digne de moi ?». Nicolas Sarkozy a évité de se prononcer sur le maintien d’une éventuelle primaire à laquelle ses deux concurrents pour 2017, Alain Juppé et François Fillon, tiennent et que lui veut éviter. Pour le premier, il a dit avoir de «l’admiration», et avoir travaillé «sans nuage» pendant cinq ans avec le second – mais il avait été moins amène ce matin dans le «JDD».
Il a ensuite présenté son credo politique : «Je suis venu pour créer les conditions d’une alternative crédible qui rassemble les Français bien au-delà des clivages habituels, droite, gauche, centre, écologistes, libéraux, qui n’ont plus aucun sens. Le clivage gauche-droite est élimé comme un tapis qui aurait trois siècles». «Je veux dire aux Français qu’il y a des solutions», a-t-il dit en estimant que la question centrale pour lui, la recherche d’un système fiscal qui permette aux entreprises de rester en France et de doper la compétitivité, doit être «désidéologisée». «Notre modèle doit être complètement refondé», a-t-il ajouté, sans donner de précisions sur ses projets.
Un grande partie de l’interview a évidemment traité des affaires du pays, de leur conduite, et donc de l’action de son adversaire François Hollande. «Souvenez-vous du début du débat du second tour avec M. Hollande. David Pujadas, je crois, nous posait la question : ‘qu’est-ce que vous attendez de ce débat ?’ J’ai dit : ‘chacun d’entre nous doit dire sa vérité. je n’ai pas menti’. Qu’est-ce qu’il reste de la longue série d’anaphores, vous savez, ‘moi, président ?’ Une longue litanie de mensonges», a-t-il déclaré. «Quand on a dit: ‘je suis le candidat du pouvoir d’achat’ et que la première décision a été la suppression des heures supplémentaires, qui donnait un peu de pouvoir d’achat de plus aux salariés les plus pauvres, les moins riches et qui donnait de la souplesse aux entreprises. Mais ça crée beaucoup de frustration, beaucoup de colère».
« EST-CE QUE SI J’AVAIS QUELQUE CHOSE À ME REPROCHER, JE VIENDRAIS M’EXPOSER? »
«Je ne vais pas utiliser le temps que nous avons pour critiquer mon successeur. Au fond, il est son propre procureur. Ces deux dernières années ont été consacrées à démolir ce que nous avons fait parce que je l’avais fait (…) Depuis qu’il est au pouvoir, il y a un demi-million de chômeurs de plus. On peut me reprocher beaucoup de choses mais je pense qu’il est temps qu’il se rende compte que c’est lui le président, ce n’est plus moi», a-t-il continué. «Je ne juge pas Manuel Valls ou François Hollande sur les discours, je les juge sur les faits. Un jour, on nous explique qu’on va faire 21 milliards d’économie et avant même qu’on ait pu passer à la journée suivante, qu’on va faire des baisses d’impôts. On n’aura ni baisse de dépenses parce qu’il n’y a pas de volonté, ni baisse des impôts parce qu’il n’y a pas d’argent».
Nicolas Sarkozy a également évoqué les affaires judiciaires qui assombrissent son avenir. «Est-ce que vous croyez que si j’avais quelque chose à me reprocher, je viendrais m’exposer dans un retour à la politique comme aujourd’hui ? Est-ce que vous me prêtez deux neurones d’intelligence ?» a-t-il lancé, assumant cette fois sa «colère». «Toute la campagne présidentielle, on a expliqué aux Français que j’étais mouillé dans l’affaire Bettencourt, que j’avais extorqué de l’argent à une vieille dame. Deux ans et demi d’enquêtes, quatre perquisitions, 22 heures d’interrogatoire. A l’arrivée: non lieu. Qui me rendra mon honneur ? L’affaire Karachi: dix ans d’enquêtes. On m’a même suspecté d’être complice de la mort de nos compatriotes – les pauvres. Aujourd’hui, je suis lavé. Qui me rendra mon honneur ?». D’autres questions restent en suspens, comme l’affaire du viol du secret de l’instruction avec le magistrat Gilbert Azibert.
L’interview s’est conclue sur une question à propos du mariage pour tous : «J’ai vraiment détesté la façon dont ça a été mené. On a humilié la famille. On a humilié tout un tas de braves gens qui n’avaient jamais eu l’idée de descendre dans la rue, qui se sont sentis blessés parce qu’on touchait à ce qu’ils croyaient le plus profondément, leur amour pour la famille. On les a humiliés, ils se sont radicalisés. Beau résultat pour un président qui prétendait rassembler la France : il l’a divisée, il a monté les uns contre les autres comme jamais». Nicolas Sarkozy devrait tenir un premier meeting jeudi à Lambersart, dans la région de Lille.