Les obsèques du défunt auront lieu aujourd’hui, mardi 5 février, dans son village natal, à Ighzer Amokrane, dans la commune d’Ouzellaguen.
La nouvelle est tombée tel un couperet. Le célèbre cinéaste Abderrahmane Bouguermouh s’est éteint, dimanche après-midi, à l’âge de 77 ans, à l’hôpital Birtraria d’Alger, où il était hospitalisé depuis deux semaines. Le défunt souffrait d’une maladie chronique qui le rongeait depuis plusieurs années. Victime d’un accident de la circulation en 2007, il avait séjourné à plusieurs reprises dans des hôpitaux algériens et français.
Né le 25 février 1936 à Ouzellaguen, le cinéaste disparu est considéré comme le père du cinéma amazigh, puisqu’il est l’auteur du premier long métrage d’expression amazighe, “La colline oubliée”, réalisé en 1996. Une adaptation du roman portant le même titre, publié en 1952 par le défunt Mouloud Mammeri, une autre figure emblématique de la cause berbère.
Les deux hommes de culture se rencontrèrent pour la première fois, en 1957, et gardèrent des relations étroites. Après des études secondaires à Sétif, où il fut témoin des douloureux événements du 8 mai 1945, Abderrahmane Bouguermouh suivit une formation au Centre des hautes études cinématographiques de Paris, en 1960, avant de s’engager dans la réalisation des émissions de variétés pour la télévision française RTF. De retour de l’exil, en 1963, il fut membre fondateur du Centre national cinématographique algérien (CNCA), d’où il sera exclu une année plus tard à cause de ses idées progressistes et de son engagement pour la cause identitaire. Bravant l’omerta, l’enfant prodige d’Ouzellaguen avait déjà concocté, en 1965, le scénario d’un film d’expression kabyle, intitulé “Comme une âme”, écrit conjointement avec Malek Haddad, qui était aussi un écrivain engagé. Néanmoins, la commission de censure relevant du ministère de la Culture de cette époque-là avait opposé un niet catégorique, rejetant le choix de la langue amazighe. Les responsables de cette instance avaient suggéré au réalisateur de tourner le même film en arabe. Chose qu’il refusa. Après quoi, il repartit en France dans l’espoir de concrétiser son projet, en vain ! Il proposa de le réaliser en kabyle avec sous-titrage en français, mais, là aussi, il essuya un autre refus.
Dommage ! Ce projet qui devait être le premier film amazigh n’a pu voir le jour. Sa réalisation fut renvoyée aux calendes grecques. Entre 1965 et 1968, Abderrahmane Bouguermouh multipliera ses contacts en rencontrant en France un bon nombre d’intellectuels et de militants précurseurs de la cause amazighe et de la démocratie, parmi lesquels figuraient Taos Amrouche, Bessaoud Mohand Arab, Mouloud Mammeri, Dr Hanouz, Taous Mouloud Batouche, etc. Ce sont ces gens-là qui, d’ailleurs, donneront naissance à l’Académie berbère de Paris (Agraw Imazighen), en 1966. Vers la fin des années 1960, le pionnier du cinéma amazigh avait réalisé plusieurs courts métrages, dont celui intitulé “La grive”, sorti en 1967, qui eut d’ailleurs de nombreuses distinctions. Il assistera ensuite son ami Lakhdar Hamina dans la réalisation du film “Chronique des années de braise”, primé de la Palme d’or du Festival de Cannes en 1975. Le défunt cinéaste avait également réalisé une kyrielle de films et autres documentaires pour le compte de la télévision algérienne (ex-RTA), dont notamment “Les oiseaux de l’été” (1978), “Kahla ou Beida” (1980), “Cris de pierres” (1986)…
Ce dernier film étant son premier long métrage avait reçu beaucoup de prix à l’échelle internationale. Ce n’est qu’en 1996, que le rêve de Dda Abderrahmane, comme l’appelaient ses intimes, devient une réalité. Le premier film d’expression amazighe est fin prêt. En effet, après un long labeur semé d’embûches et de péripéties, “La colline oubliée” voit le jour. L’œuvre, qui constitue un fait historique qui marquera à jamais les annales du cinéma amazigh, se voulait un grand hommage à Mouloud Mammeri, auquel le réalisateur disparu dédiait son film.
Abderrahmane Bouguermouh, qui en avait fait une promesse solennelle, voire un défi, aura réussi, quand bien même laborieusement, à réaliser son rêve. Celui d’adapter le roman de son ami Mouloud Mammeri au cinéma. A noter que “La colline oubliée” a reçu le prix l’Olivier d’or, la plus haute distinction du Festival national du film amazigh, lors de son édition de l’année 2012. Une belle consécration en guise de gratitude au précurseur du cinéma amazigh. Parallèlement au 7e art dont il était un spécialiste, Abderrahmane Bouguermouh était un passionné de la littérature. Ainsi, il signera son premier roman en 2009, intitulé “Anza”.
K O