Il est à 10% depuis 4 ans, Le chômage va-t-il encore stagner en 2013 ?

Il est à 10% depuis 4 ans, Le chômage va-t-il encore stagner en 2013 ?

Depuis 1999, le taux de chômage n’a cessé de baisser pour passer de 35% à 10%. C’est une bonne performance, mais depuis quatre ans, on n’avance plus. Le taux de chômage stagne depuis 2009, preuve que la bataille de l’emploi s’essouffle et qu’il faut encore de nouvelles idées.

Les programmes de relance de la croissance ont permis de ramener le taux de chômage autour de 10% actuellement. Des chiffres officiels qui ne sont pas sérieusement remis en cause, mais il est avéré, aujourd’hui, que cette performance est discutable à plusieurs niveaux. On savait, en effet, que le taux de chômage n’est pas le même pour toutes les catégories.

Ce taux varie selon le genre, la classe d’âge et le niveau d’instruction. Par exemple, il s’établit à 8,1% chez les hommes et 19,1% chez les femmes. Le taux d’activité des jeunes de 15 ans et plus s’établit à 41,7% avec 68,9% pour les hommes et 14,2% pour les femmes. Sur une population active de 9,73 millions de personnes, on compte 1,47 million de femmes (15,1% du total).

Le chômage touche principalement les jeunes, notamment les 15-24 ans, avec un taux de 21,5%, soit un actif sur cinq. La proportion des filles au chômage est de 37,5% et celle des garçons de 18,7%. Enfin, sans noyer le lecteur en chiffres impossibles à retenir, ajoutons que le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a atteint 21,4%.

D’une part, comme on le constate, la lutte contre le chômage n’avance pas partout de la même manière. De l’autre, elle semble même ne plus avancer du tout depuis quelques années, puisqu’on n’arrive pas à faire baisser le chômage en dessous des 10% et tout indique que les autorités semblent trouver cette barre psychologique comme un seuil tolérable, alors qu’il s’agit de plus d’un million de chômeurs.

Selon les chiffres officiels, le chômage était à 11,3% en 2008, il est passé à 10,2% en 2009, pour se stabiliser à 10% en 2010, 2011 et 2012. Si dans les programmes du gouvernement, l’emploi, et singulièrement celui des jeunes, a été mis au cœur des priorités, il faut se poser la question de savoir les raisons de cette stagnation.

Première remarque, cette situation a commencé après que le déploiement de tout un arsenal juridique et institutionnel soit arrivé à ses limites. Parmi les outils de lutte contre le chômage, figurent les emplois temporaires, la retraite anticipée, le micro-crédit et la micro-entreprise.

On a même montré des signes de compréhension de la nouvelle donne en matière d’emploi en intégrant les notions du capital humain et de l’économie fondée sur la connaissance. Cet effort, sans trop de succès jusque-là, a au moins le mérite de chercher à adapter les cycles productifs aux formations aux normes internationales.

Cependant, malgré l’effort de stimulation des entreprises, avec parfois des largesses au patronat traduites par la précarisation de l’emploi, l’offre reste insuffisante et marquée par des dysfonctionnements.

Dans une enquête sur l’emploi auprès des ménages, datant de 2011 et qui demeure d’actualité puisque rien ne bouge, l’accès à un poste passe dans 40,6% des cas par le «piston», 15,7% par concours ou examen et 14,2% par contact de l’employeur. Preuve que les autorités ont complètement échoué dans la régulation du marché de l’emploi, seuls 7% des postes sont pourvus par le biais de l’Agence nationale pour l’emploi (ANE) et 3,8% par les établissements de formation.

En revanche, là où cela marche le mieux, c’est dans les emplois temporaires. On parle ici du Daip, de l’Ansej, de l’Angem, de la Cnac, des CPE, des CTA et des sous-programmes tels que l’Esil, les Tuphimo et l’IAIG. Bien qu’ils aient contribué à faire baissé les statistiques du chômage, ils ne sont absolument pas une réussite en soi, car il s’agit encore de faire du social sans rien construire de durable.

En tout cas, tous ces dispositifs ne nous ont pas donné une nouvelle économie qui soit à même de fonctionner par elle-même et le tout reste très dépendant de l’aide publique (crédits, salaires, indemnités…). Il suffit qu’un gouvernement révise le dispositif ou que la banque se montre plus pressée à se faire rembourser pour qu’un pan des emplois créés soit détruit.

Au vrai, ce type d’emploi ne résout rien ni pour le chômeur qui dispose d’un revenu mais sans sortir de la précarité ni pour l’administration ou l’entreprise, où aucune capitalisation en matière de savoir-faire n’est réalisée.

Le chômeur est ainsi provisoirement inséré, mais il n’est en rien préparé à passer à une étape supérieure. Il est donc grand temps de faire le bilan de ces politiques. Qu’ont-elles permis vraiment et que sont-elles en train d’empêcher aussi, car elles représentent par certains endroit une perte de temps fort dommageable ?

L’exemple le plus probant reste celui des dispositifs d’insertion des jeunes diplômés, sur lesquels on a dit mettre le paquet. A ce jour, les entreprises ou les administrations, qui ont joué le jeu, ne reçoivent pas toujours l’apport attendu en savoir-faire ou en innovation. Pour la plupart des jeunes qui bénéficient de différents types de contrats de pré-emploi, la question de leur régularisation reste encore posée. D’où un profond malaise chez les jeunes insérés qui n’ont aucune motivation à s’investir complètement dans ce premier emploi.

Quelles leçons tirer de ces expériences ? La plus évidente, c’est que la bataille de l’emploi s’essouffle, parce que la formation professionnelle et l’enseignement supérieur ne suivent plus. Malgré la multiplication de nouvelles filières dans les deux secteurs, malgré la hausse de l’investissement public, c’est la qualité de la formation qui est à mettre en cause, parce que nos responsables ont l’esprit obnubilé par les objectifs quantitatifs auxquels ils doivent répondre.

Au lieu de prendre le temps d’une véritable réforme au service du développement, formation professionnelle et enseignement supérieur ont pour priorité d’absorber tout ce qui sort de l’école, les recalés comme les lauréats. Les systèmes d’évaluation sont dépassés et les valeurs, comme la rigueur et l’effort, tendent à disparaître (exemple du phénomène grandissant, favorisé par internet, du plagiat dans les mémoires et les thèses de fin d’études dans les universités).

On le constate donc, malgré tout ce qui a été dit, les réformes dans ces deux secteurs ont échoué dans leurs objectifs principaux. Il n’y a qu’à poser la question aux chefs d’entreprises qui cherchent des ingénieurs précis, des ouvriers qualifiés, des artisans fiables, des comptables comprenant le PCN, des secrétaires maîtrisant le courrier, etc.

En vue d’une meilleure adéquation avec le marché du travail, voici une piste de travail pour une tâche nationale d’une extrême urgence.

Deuxième leçon, et contrairement à ce que dit souvent le patronat privé, le problème de la lutte contre le chômage n’est pas dans la rigidité du code de travail, que l’on juge trop social et qui freine la compétitivité de l’entreprise. On soutenait, en effet, qu’il suffit de libéraliser la loi sur le travail pour que les chefs d’entreprises soient libres de recruter et de licencier suivant l’intérêt de l’entreprise et qu’au final le jeu de la concurrence fera que les plus qualifiés seront récompensés et, au moins, que chacun occupera la place qu’il mérite.

Mais dans la réalité, ce raisonnement est complètement faux. C’est le patronat privé qui est rigide, arc-bouté sur ses intérêts immédiats, alors que les jeunes chômeurs sont prêts à tout pour décrocher un emploi et le garder. A cause de l’intensité du chômage, les jeunes acceptent des emplois sous-qualifiés et parfois sous-payés. Ils montrent une attitude flexible en matière d’emploi, d’horaires et de mobilité géographique.

En revanche, les employeurs sont réticents à l’embauche des demandeurs d’emploi sans expérience, même si dans le cadre des incitations au recrutement, les cotisations sociales et les charges patronales imputables à l’emploi des jeunes sont prises en charge par les pouvoirs publics. Voilà au moins une certitude sur laquelle les libéraux ne sauraient nous induire en erreur, quand la réforme du code du travail sera remise sur le tapis.

Nabil Benali