Un président de la République peut-il être élu par procuration ? Dans l’absolu, assurément pas. Pourtant, l’on s’achemine doucement vers la mise en scène de ce scénario si l’option du quatrième mandat ne se contredit pas par un coup de théâtre inopiné, telle une sortie médiatique de M. Bouteflika pour annoncer son intention de ne pas se présenter à la présidentielle de 2014.
Évidemment, il est peu probable, eu égard aux développements survenus ces dernières semaines sur la scène politique, dont principalement la conglomération de plusieurs partis politiques (FLN, RND, TAJ, PRA, MPA…) autour de la reconduction du président Bouteflika à la plus haute fonction dans les commandements de l’État, que le scrutin du printemps prochain donne un résultat autre que celui pronostiqué ou plutôt finement suggéré par les relais des arcanes du pouvoir. Il n’en demeure pas moins que, cette fois-ci, le quatrième mandat s’annonce davantage comme un coup de force qui défie autant le destin d’une nation que celui de l’homme.
Déjà, la machine électorale mise au service de la réélection de M. Bouteflika à la magistrature suprême semble bien chancelante. Le FLN ne peut objectivement légitimer la démarche avec un secrétaire général élu à la hussarde et toujours contesté par une fraction importante du vivier militant du parti. Il n’est pas logique non plus que le RND apporte en grande fanfare sa caution au quatrième mandat par la voix d’un secrétaire général intérimaire, fut-il le président du Conseil de la nation, et donc, deuxième personnage de l’État au plan constitutionnel. La future direction du rassemblement, plus habilitée à entériner ce type de décisions, car élue par le 4e congrès prévu pour les 24 et 25 décembre prochain, se prévaudra peut-être d’une position politique différente vis-à-vis de la prochaine élection présidentielle. Le PRA est en proie à une crise interne aiguë. Le Taj et le MPA sont des partis en construction dont on ne connaît pas encore l’ancrage réel dans la population.
Sur quelle base électorale s’appuieront, de ce fait, les artisans d’un énième quinquennat pour le président Bouteflika pour valider ce ticket supposé gagnant ? D’autant que, jusqu’alors, les arguments avancés, çà et là, et bâtis autour de “la préservation de la stabilité par la continuité”, ne sont pas si convaincants. L’on peut concéder, par souci d’honnêteté, que durant les quinze dernières années, des programmes de développement économiques ambitieux ont été initiés. Leur mise en œuvre a, néanmoins, accusé des retards considérables et a consommé des budgets hallucinants. L’image de l’Algérie est ternie, par ailleurs, par les scandales liés à la corruption, à l’instar de l’affaire Khalifa et de celle de Sonatrach, pour ne citer que les deux cas les plus édifiants, par l’archaïsme de l’administration centrale et de proximité, par la baisse du niveau de l’enseignement, par la dévaluation du dinar, par le sinistre du système de santé, etc. Pourquoi insister alors pour continuer dans une voie qui a montré, certes, du bon, mais aussi beaucoup de mauvais ? Au-delà, il faut reconnaître qu’Abdelaziz Bouteflika a brillé dans les années 1960/70 par son intelligence, son charisme et sa maîtrise de l’art de la diplomatie étrangère.
Son retour aux affaires de l’État, en 1999, a montré aussi un homme possédant une forte personnalité, un dynamisme impressionnant et un verbe acerbe. Si le choix porté, à l’époque, sur sa personne pour remplacer Liamine Zeroual à la tête du pays, se justifiait par des impératifs qui échappent, jusqu’à présent, au raisonnement du commun des citoyens, pourquoi miser encore aujourd’hui sur un homme âgé et malade ? Du plus jeune ministre des Affaires étrangères en 1963, Abdelaziz Bouteflika est en voie de devenir, s’il est réélu en 2014, l’un des chefs de l’État les plus âgés en Afrique (le doyen étant Robert Mugabe, président du Zimbabwe à l’âge de… 89 ans). Sinon, la tendance mondiale est au rajeunissement du personnel investi des fonctions suprêmes de l’État.
À ce titre, les exemples foisonnent : Barak Obama, président des États-Unis, a 52 ans ; son homologue français, François Hollande, a 59 ans. Pena Nieto, président du Mexique, et Mohamed VI, roi du Maroc, n’ont pas encore atteint le cap de la cinquantaine (respectivement 47 et 49 ans). Cristina Kirchner d’Argentine, Dianel Ortega du Nicaragua, Hassan Rouhani d’Iran, Dilma Roussef présidente du Brésil… flirtent à peine avec les 60 ans. Indépendamment de l’âge, l’état de santé du président Bouteflika lui permet-il de se conformer aux obligations d’une candidature à la présidentielle, lesquelles sont imposées par la morale et le respect dus à l’électorat davantage que par les lois ? Tout postulant à la magistrature suprême est astreint, selon les usages, d’annoncer lui-même son intention de ce mettre en lice pour la présidentielle. Aux échéances règlementaires, il est tenu de déposer son dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Il doit également animer les 21 jours de la campagne électorale. L’heureux élu est soumis à la condition constitutionnelle de prêter serment le jour de son investiture… En la matière, la liste des obligations est longue. Le chef de l’État, fortement éprouvé par son accident vasculaire, a-t-il récupéré assez de capacités physiques pour faire face, à courte échéance, aux contraintes préalables à la réalisation du quatrième mandat ? Difficile à dire, dès lors que ses apparitions publiques sont circonscrites, depuis bientôt une année, à quelques sporadiques audiences de courtoisie.
S. H