Le Premier ministre britannique, David Cameron (à gauche) et le président français, François Hollande, veulent armer les rebelles syriens
Le conflit en Syrie, entré hier dans sa 3e année, risque de s’internationaliser avec les menaces du régime de Bachar al-Assad de frapper au Liban et l’intention de Paris et Londres de livrer des armes aux rebelles.
Alors que la rébellion la plus longue et la plus sanglante du dit «Printemps arabe» a fait plus de 60.000 morts selon l’ONU, les militants antirégime ont appelé à des manifestations avec comme mot d’ordre «Deux ans de sacrifices vers la victoire» dans la guerre contre le gouvernement de Damas. Le Haut commissaire de l’ONU aux réfugiés Antonio Guterres a lancé à Beyrouth un cri d’alarme face aux risques d’embrasement. «Si le conflit syrien se poursuit, il y a un réel risque d’explosion au Moyen-Orient et il sera impossible de répondre à ce défi tant sur les plans humanitaire, politique ou sécuritaire». De très violents combats ont eu lieu avant l’aube dans plusieurs villages syriens frontaliers du Liban, dans la région stratégique de Homs qui relie le nord au sud de la Syrie, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (Osdh, basé en Grande Bretagne). 20 rebelles et 22 soldats y ont été tués jeudi.
Alors que des militants libanais anti-Assad sont accusés de faciliter l’infiltration de rebelles via la frontière, le ministère syrien des Affaires étrangères a menacé jeudi de frapper en territoire libanais les «bandes armées» passant clandestinement en Syrie. «Les forces syriennes font preuve de retenue en ne frappant pas ces bandes à l’intérieur du territoire libanais (…) mais cela ne durera pas indéfiniment», a-t-il averti dans une lettre adressée aux Affaires étrangères libanaises. L’armée syrienne a tiré durant le conflit sur des zones frontalières libanaises, mais c’est la première fois que la Syrie menace officiellement et publiquement de frapper au Liban, un pays resté 30 ans sous tutelle syrienne et qui est divisé entre partisans et adversaires du président Assad. Pour Nikolaos van Dam, grand spécialiste de la Syrie, «les menaces syriennes doivent être prises très au sérieux.
Si le régime syrien pense que cela va servir ses intérêts, il ne va pas hésiter à attaquer les forces de l’opposition syrienne en territoire libanais». Dans une rare démonstration d’unité, les 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU se sont dits d’ailleurs «très inquiets» des «incidents frontaliers répétés» entre la Syrie et le Liban, en citant des tirs meurtriers «par-dessus la frontière, des incursions, des enlèvements et un trafic d’armes». Autre risque d’internationalisation, la France et la Grande-Bretagne poussent à une levée rapide de l’embargo européen sur les armes pour pouvoir en envoyer aux rebelles. Ces deux pays ont même laissé entendre qu’ils pourraient le faire unilatéralement en cas de maintien de l’embargo. «Nous avons comme objectif de convaincre nos partenaires à la fin mai, et si possible avant. Nous allons employer notre sens de la diplomatie. Si d’aventure, il devait y avoir un blocage d’un ou deux pays, alors la France, elle, prendrait ses responsabilités», a dit le président François Hollande au sommet européen de Bruxelles où le dossier syrien doit être évoqué. «Nous devons aller plus loin car depuis deux ans, il y a de la part de Bachar al-Assad la volonté claire d’utiliser tous les moyens pour frapper son propre peuple», a-t-il indiqué, en évoquant «des craintes sur l’utilisation des armes chimiques». Avant lui, le Premier ministre britannique David Cameron a lui aussi dit que son pays pourrait se désolidariser de l’embargo. Les Etats-Unis, qui refusent pour le moment d’envoyer des armes aux rebelles de crainte qu’elles ne tombent aux mains de jihadistes, ont affirmé qu’ils soutiendraient «toutes sortes d’appui à l’opposition syrienne». Le régime Assad, qui assimile les rebelles à des «terroristes», a dénoncé les intentions franco-britanniques alors que l’opposition les a saluées.