Il dit tout au Buteur Cadamuro : «Je préfère jouer en D2 espagnole et être compétitif plutôt qu’en Liga et faire une croix sur la sélection»

Il dit tout au Buteur Cadamuro : «Je préfère jouer en D2 espagnole et être compétitif plutôt qu’en Liga et faire une croix sur la sélection»

De retour après une légère blessure qui lui a coûté juste une sortie face à Alcorcon, Liassine Bentaiba Cadamuro enchaine les matchs avec Majorque. Après un long mutisme, Liassine se livre en exclusivité aux lecteurs du Buteur et revient plus longuement sur ses débuts réussis avec sa nouvelle équipe, son expérience en Ligue des champions avec la Real Sociedad et évoque aussi le Mondial 2014 ainsi que pleins d’autres sujets touchant à la sélection nationale. Entretien !

Votre blessure fait partie du passé, 4 fois titulaires en autant de rencontres…

Exactement, ça fait plaisir. Lors de mon troisième match face à Gijón, j’ai été touché aux ischios, mais ce n’était pas grand-chose, juste une histoire de quelques jours. Le staff médical a préféré me préserver à Alcorcon pour que je sois opérationnel face à Alicante. D’ailleurs, ça s’est bien passé d’un point de vue personnel, je n’ai pas ressenti la moindre gêne physique, je suis en pleine possession de mes moyens.

Une défaite à domicile qui vient freiner votre ascension, mais rien n’est perdu, vous n’êtes qu’à deux points des play-offs. L’accession en Liga, c’est votre objectif ?

Oui, c’est frustrant car on rate les trois points d’un rien à chaque fois. On a grillé quelques jokers mais, heureusement, on est encore dans la course, il ne faut pas paniquer. On ne va pas se cacher : la montée en Liga est clairement notre objectif.

Vous avez effectué une énorme préparation avec la Real Sociedad et vous avez même joué en Championnat et en Ligue des champions, qu’est-ce que vous gardez de cette compétition prestigieuse ?

Un grand souvenir. Le match de barrage à Gerland m’a marqué. L’ambiance était extraordinaire. Et, quand on rentre sur la pelouse et que la musique de la Ligue des Champions retentit, ça fait ressurgir tous les rêves de gosse, que je n’imaginais pas réaliser un jour. Mais, une fois sur le terrain, on gère la pression. Ce que ce match m’a appris, c’est qu’on s’adapte au niveau de l’adversaire et on finit par se surprendre à mettre en difficulté les plus grands. La preuve, on s’impose à Lyon sans la moindre expérience et sans prendre de but alors que c’est une équipe bien armée offensivement.

Vous auriez pu rester à la Real Sociedad et vous battre pour une place de titulaire, qu’est-ce qui a motivé votre désir de changer d’air, cet hiver ?

À un moment donné, il faut savoir ce que l’on veut ! Nous n’avons plus de temps à perdre. Je préfère jouer en seconde division espagnole et défendre les couleurs de mon équipe nationale plutôt qu’en Liga et faire une croix sur mon pays. Donc, c’est un sacrifice pour le bien de la sélection.

La consigne de Halilhodzic vous a-t-elle influencé ?

En grande partie, oui. Vahid a été très clair avec nous : si on veut prétendre faire partie du groupe, il faut jouer avec son club. Et il a tout à fait raison ! Puis, d’un point de vue personnel, si je veux être performant avec la sélection, il me faut du rythme, et pour cela, il faut que j’accumule du temps de jeu. L’Algérie reste ma priorité.

Parlez-nous de votre adaptation à Majorque ?

Ça s’est fait assez rapidement. Les joueurs, l’entraîneur et tout le staff, ainsi que chacun des employés du club qui bosse dur au quotidien, ont été super avec moi ; ils ont tout fait pour que je sois le plus à l’aise possible, pour le bien de l’équipe. J’ai été récompensé en étant titularisé quatre jours seulement après mon arrivée.

Votre entraîneur à Majorque vous a vite remis dans l’équipe-type contre Hercules, malgré le fait que vous aviez manqué le match précédent pour blessure, il vous fait confiance ?

À peine arrivé à Majorque, j’ai eu une discussion avec l’entraîneur. Il a été sincère avec moi : ce sont les meilleurs qui jouent, et c’est tout ce que je demande, je ne souhaite aucun privilège ! Donc, à moi de lui prouver qu’il peut me faire confiance ! Car cette confiance me fait du bien, elle me permet de me libérer davantage, c’est ce dont j’avais besoin. Pour le moment, ça me sourit hamdoullah. Ici, je sens que je vais progresser ; et je vais pouvoir m’en servir pour rendre de meilleurs services à la sélection.

Vous êtes assez à l’aise dans l’axe et comme arrière droit, quel est votre poste de prédilection ?

J’ai été formé à Sochaux en tant qu’arrière central, même si j’ai parfois joué milieu défensif également. Mais, j’aime beaucoup le poste de latéral aussi. J’ai la chance de pouvoir évoluer à plusieurs postes, mais quel que soit le poste, je défendrais les couleurs de mon pays avec le même acharnement.

En sélection, vous aimez être en concurrence en défense centrale ou sur les flancs ?

Déjà, faut savoir qu’en Algérie, notre groupe est tellement uni qu’il n’y a pas de concurrence. Je sais que ça peut paraître difficile à comprendre mais on se soutient tous de la même manière, qu’on joue ou qu’on ne joue pas. On a tous le même objectif, et il est purement collectif ! Après, on a la chance aussi d’avoir de très bons éléments à tous les postes, donc que ce soit central ou latéral, je serai tout simplement au service du pays et de mon sélectionneur.

L’Algérie dans le groupe H de la Belgique, comment analysez-vous ce groupe ?

Très difficile, comme les sept autres groupes. Il n’y a pas d’équipe facile dans une Coupe du monde ! La Belgique présente de grands talents et sera la favorite de notre groupe. La Corée du Sud, ça joue très vite. Et, enfin, la Russie, c’est particulièrement bien organisé sur le terrain. Pour battre ces trois équipes-là, nous aurons tout intérêt à bien suivre les consignes de notre entraîneur.

D’aucuns pensent que, mis à part la Belgique, les autres équipes sont à notre portée ?

Oui mais nous aussi nous sommes à leur portée. Ce sera très équilibré. Chaque détail va compter sur le terrain. C’est pour cette raison qu’il nous faudra être très rigoureux face aux recommandations de Vahid.

Les fans des Verts seront nombreux au Brésil pour vous soutenir, si on vous dit que les 2500 places réservées au public algérien ont été épuisées en l’espace de quelques jours, qu’est-ce que vous avez à dire ?

Ça ne surprend plus personne. Nous avons les meilleurs supporters du monde, ils le prouvent à chacune de nos rencontres. Le football, c’est bien plus qu’un simple sport pour eux. Il faut le réaliser pour mieux comprendre leur ferveur. Un voyage au Brésil est un énorme sacrifice pour eux, contrairement à d’autres pays. Il faut absolument le leur rendre sur le terrain…

Pour rendre heureux vos supporteurs, il faut aller au second tour, ça sera historique…

La concentration et la détermination seront les clés. Si l’on veut espérer pouvoir se qualifier pour le second tour, il nous faudra fournir un combat de gladiateurs sur le terrain. Et, inch’Allah, on récompensera nos supporters exceptionnels.

Connaissez-vous des joueurs belges ou avez-vous déjà joué des internationaux belges ?

Oui, bien sûr. J’ai notamment joué contre Courtois et Alderweireld qui évoluent à l’Atletico Madrid. Quant aux autres, ils sont tous connus, il n’y a que de très grands joueurs dans cette équipe.

L’attaque des Diables rouges marche fort, des noms comme Fellaini, Hazard ou Lukaku, vous font-ils peur ?

Non, si on a peur, on reste à la maison… J’ai eu ce privilège de pouvoir me confronter directement à des joueurs comme Cristiano Ronaldo et Messi, tout comme ont pu aussi le faire régulièrement Brahimi, Feghouli, Lacen ou encore Yebda. On a encore plein d’autres joueurs en sélection qui ont déjà eu affaire aux plus grands clubs d’Europe et donc aux plus grands joueurs. Donc, ce sera très dur, c’est une certitude, mais vous pouvez compter sur nous pour ne reculer devant personne.

Lors d’un entretien, vous avez avoué votre rêve de jouer une CAN et un Mondial au Brésil avec l’Algérie, que ressentez-vous maintenant que vous avez réalisé cela ?

Je n’y suis pas encore, au Brésil. Ça dépendra de mes performances et donc de Vahid. Quant à la CAN, on en discute entre nous dans l’équipe. Il nous tarde la prochaine pour que l’on se rachète de la précédente. Mais, chaque chose en son temps, on va tout d’abord pleinement se concentrer sur la Coupe du monde. En tout cas, je peux vous assurer que si je vais au Brésil, ça ne sera pas en touriste.

Régulièrement convoqué depuis votre intégration en sélection, vous avez envie de jouer cette Coupe du monde ?

Comme tout bon citoyen qui rêve de faire briller son pays sur la scène mondiale… Qui, devant son poste de télévision, n’a pas eu envie d’entrer sur le terrain pour aider son pays ?! C’est irrationnel mais c’est dans les tripes de tout Algérien.

À chaque fois que vous êtes aligné par Halilhodzic, vous contractez une blessure et cela vous pénalise en club, vous ne regrettez jamais votre engagement pour le pays, bien sûr…

Jamais ! Je préfère me blesser en me disant que j’aurais tout donné pour mon pays, plutôt que de jouer à 50 % pour rentrer chez moi en bon état. Il est évident que cela m’a souvent pénalisé : je n’ai pas pu récupérer ma place en club car, ça peut se comprendre, l’entraîneur n’a pas souhaité changer une équipe en pleine forme qui n’obtenait que de bons résultats. On pense que je suis fragile mais je ne me blesse pas tout seul : mes deux seules grosses blessures sont survenues d’un attentat du défenseur libyen au match aller et d’un gros coup d’un partenaire à l’entraînement. Mais, mon engagement restera le même en sélection, il n’y a aucun souci à se faire là-dessus. Puis, je suis en train de retrouver du rythme avec Majorque, ce qui me rend plus serein et plus solide physiquement.

Parlez-vous avec vos camarades de Majorque de cette Coupe du monde ?

Oui, forcément. Surtout qu’ils savent que, si je suis sélectionné par Vahid, je ne jouerai pas les derniers matches de championnat avec eux. Mais, ils le comprennent. La sélection est ma priorité et on ne peut même pas parler de sacrifice, car n’importe qui à ma place souhaiterait pouvoir faire honneur à son pays.

Vous avez joué beaucoup en Liga, que pouvez-vous dire des performances de Feghouli, cette année notamment contre le FC Barcelone ?

Il prouve à chaque match qu’il fait partie des plus grands ! Sa prestation face au Barça en est la preuve. Très peu de joueurs sont capables de réaliser une telle prestation contre eux. Pourvu qu’il continue ainsi, il honore le pays…

Brahimi à Granada fait de belles choses aussi…

Brahimi est juste exceptionnel mach’Allah ! Il me régale ! Il est très talentueux et mérite plus de reconnaissance dans le championnat espagnol.

Avez-vous suivi le mercato de vos camarades et quel est votre avis ?

Chacun d’entre nous cherche du temps de jeu. Que certains soient partis ou restés, je peux vous assurer que chaque membre de l’équipe nationale a pris sa décision en fonction du bien de la sélection. Nous sommes tous très concentrés sur notre objectif de juin.

Slimani Ballon d’Or, trouvez-vous que c’est mérité ?

Bien sûr ! Rendez-vous compte, avec le Sporting Portugal, qui est une grande équipe, il ne lui a souvent fallu que quinze petites minutes pour marquer…

Ghoulam à Naples, c’était risqué mais là il s’impose, êtes-vous étonné ?

Pas du tout ! Faouzi est si talentueux lui aussi. Il a fait le bon choix, car il a vraiment le niveau pour s’imposer dans cette grande équipe européenne. Et il l’a prouvé face à de gros calibres comme la Roma et le Milan AC alors que c’étaient ses tout premiers matches avec son nouveau club.

Comment avez-vous vécu le lendemain de la qualification de l’EN au Mondial ?

Comme un gosse… Le soir-même, on a pleuré comme des gosses… Le lendemain, on n’a pas réalisé de suite. On a surtout pensé aux supporters, on n’a pas oublié qu’on était à leur place quand on était plus jeune ! J’y étais moi-même encore il y a quatre ans… Mais, ce n’est que le début du parcours. Il faut faire bonne figure à présent.

Et là, vous aurez 3 jours de stage, le 2 mars pour remémorer tout ça ensemble, inch’Allah…

C’est un régal de retrouver les copains ! Croyez-le ou non, cette équipe nationale est une vraie famille ! On a effectué un gros travail basé sur la continuité, depuis deux ans pour ma part, un peu plus pour les autres, ce qui nous a réellement soudés. Cette équipe ne cesse de progresser, en grande partie grâce à Vahid et son staff. On est tous sur le même bateau. Et c’est important car ça rend le travail moins difficile ! D’ailleurs, il faudra profiter de ces trois jours pour étoffer cette progression et nous donner un maximum d’armes pour rivaliser avec ces trois grandes nations que sont la Belgique, la Corée du Sud et la Russie. Donc, le 2 mars, on se retrouvera pour travailler, pas pour se remémorer ce fameux 19 novembre. Mais, travailler en famille est un réel plaisir, alors il nous tarde.

Que pensez-vous du match face à la Slovénie et cet adversaire ?

Il ne faut pas oublier que la Slovénie a failli disputer les barrages du Mondial. Ce sera donc un très bon test pour nous, et un bon choix de la part de notre fédération et notre sélectionneur, car nous avons deux équipes européennes dans notre poule.

Pour finir cet entretien, un mot au public algérien qui vous a adopté en si peu de temps ?

Je les remercie chaque jour pour leur soutien. Leur présence est indispensable, nous avons tous besoin qu’ils continuent à nous supporter de la sorte. Je veux que ma famille là-bas soit fière de moi, mais aussi et surtout que les Algériens soient fiers de leur pays. Nous ne partons pas à vingt-trois au Brésil, nous partons à 40 millions…