Il avait piloté l’avion entre Alger et Pékin avec une licence expirée «Le traitement de l’infraction nécessite du temps»

Il avait piloté l’avion entre Alger et Pékin avec une licence expirée «Le traitement de l’infraction nécessite du temps»

Le traitement de l’affaire du pilote qui a effectué le vol Pékin-Alger, le 11 février, avec une licence qui a expiré le 8 du même mois, continue de faire des remous au sein de la compagnie aérienne nationale Air Algérie. «Nous allons convoquer le pilote et lui demander les raisons de cet acte», a indiqué M. Boukhari, chef des pilotes à Air Algérie.

Pour lui, le traitement de cette question nécessite du temps «pour pouvoir établir les responsabilités dans une telle infraction.

Le chef des pilotes se défend et n’écarte pas la responsabilité directe du pilote qui pouvait refuser de piloter un avion en cas d’expiration de sa licence. Pour lui, la responsabilité incombe aussi à la direction du programme «chargée de contrôler ce type de document avant chaque vol». «Ma mission, selon la nouvelle organisation de la compagnie, est la gestion des carrières des pilotes en premier lieu.

C’est la direction de l’aviation civile qui délivre et renouvelle les licences d’exploitation», a-t-il ajouté. M. Boukhari a saisi par écrit la direction des programmes, pour prévoir un pilote et un équipage pour ramener l’avion de Pékin. Une réponse verbale lui a été fournie lui précisant que le pilote en question a eu l’accord du PDG. Nos tentatives de joindre M. Aouf, directeur des opérations aériennes, sont restées vaines. Yacine Amiar, du même service, nous informe que c’est le directeur des opérations qui est habilité à se prononcer sur cette affaire.

Outrés par cette situation, les pilotes de la compagnie nationale s’interrogent. «C’est un instructeur et pilote qui connaît la réglementation en vigueur. Sa qualité de responsable et d’ancien de la société ne peut pas lui permettre une telle infraction qui pose préjudice à la compagnie, à sa réputation et à celle des pilotes.» Pour eux, la direction de l’aviation civile ne peut pas valider une licence sans la présentation d’une pièce justificative après une visite médicale.

«On ne peut pas s’aventurer en mettant la vie de centaines de personnes en danger. On ne peut pas survoler le ciel européen avec une telle infraction de flagrant délit, c’est contraire à la réglementation nationale et internationale.

Déjà que notre compagnie est la cible de la communauté européenne qui la menace d’interdiction de survoler son ciel, on ne peut donc se permettre de tels comportements irresponsables», diront-ils. Les pilotes se demandent quelles sont les suites à donner à cette affaire. «Heureusement que ce n’est pas fréquent chez nous mais la réglementation prévoit des poursuites pénales», précisent-ils.

Silence inquiétant de l’aviation civile

Cet incident remet sur la table le problème de la retraite des pilotes. Wahid Bouabdellah, actuel président-directeur général d’Air Algérie, a décidé de mettre à la retraite tous les pilotes âgés de 60 ans. Une règle qui n’est pas appliquée à tous les pilotes dans la mesure où le pilote en infraction a dépassé l’âge de retraite de deux années.

«La réglementation internationale autorise le maintien des pilotes au-delà de 60 ans s’ils sont encore aptes à assurer leur travail. Mais la direction a décidé autrement et nous respectons ce choix mais on se pose des questions sur les circonstances de cette infraction», diront les pilotes. La gestion de ce dossier interpelle également le rôle de l’aviation civile qui maintient le silence.

La charge de travail et le gain facile fait que les pilotes et les membres de l’encadrement dépassent de loin la norme de travail instaurée par la réglementation internationale fixée à 100 heures par mois avec une permission de la dépasser une seule fois chaque six mois.

La bi-qualification ou la mise d’un pilote sur deux machines différentes est interdite par l’aviation internationale vu que cette pratique cause de la confusion des gestes et constitue une principale raison des crashs. Des lacunes sont déplorées en matière de formation vu que les pilotes passent des examens sous la direction de l’instructeur qui les a formés, mais pas par un examinateur neutre.

Ceci s’ajoute à la modification de la réglementation internationale du personnel navigant commercial sans amendement de l’OACI à travers le changement des classes pour des raisons loin d’être professionnelles. L’accumulation des fonctions est une autre infraction commise par certains pilotes de la compagnie nationale qui exercent en parallèle dans des compagnies étrangères en Tunisie, au Maroc et autres.

On déplore également l’autorisation d’exercice de pilotes daltoniens déclarés inaptes par le centre d’expertise d’Aïn Naâdja mais validés par la haute commission au moment où elle était dirigée par des intérimaires. Des sanctions n’ont jamais été prononcées contre le pilote qui a volé en instruction sans licence et sans certificat de navigabilité. Il a été mis en congé jusqu’à la retraite.

Nouria Bourihane