C’est une longue histoire, que tout le monde connaît à Tlemcen, il n’y a pas une seule personne qui ignore, en effet, l’affaire du camping de Mansourah. A vrai dire, elle reste unique dans les annales de la justice. Il est impossible de dresser les contours de cette affaire, tant certaines choses n’ont jamais pu être clarifiées. Le début du cauchemar que vit cet investisseur commence en 1993.
Abdelhafid Benmaâmar était encore un jeune homme âgé de 29 ans, il a cru en ses capacités, car il a travaillé dur dans une société étrangère, il a mis toutes ses économies sur un projet, qui, au début, ne posait aucun problème pour sa réalisation. De quoi il s’agit : l’intéressé avait acquis une assiette de terrain dans la commune de Mansourah pour ériger un motel et une station d’essence.
Après avoir rempli tous les critères imposés par le cahier des charges, il obtient, après un an d’attente, l’accord de l’APC et de la daïra de Mansourah.
Le pays traversait alors une époque sanglante, lors de cette décennie, personne ne pensait à investir le moindre sou, il fallait surtout survivre, certains ont préféré l’exil. Cependant, Abdelhafid Benmaâmar voulait forcer un peu le destin, il a osé, il a cru en ce pays, au moment même où l’Etat encourageait les investisseurs privés à s’impliquer dans l’activité et la promotion du tourisme. Disposant de toutes les autorisations, il sollicite «un prêt bancaire de 1,1 milliard de centimes auprès de la BNA et la BADR, les travaux sont lancés et tout semblait marcher, sans aucune contrainte. En 1995, la moitié du projet était réalisée, avec notamment l’installation complète des équipements de la station d’essence. Cependant, les premières inquiétudes commencent à se manifester quelque temps plus tard, le nouvel exécutif opposa un refus catégorique au projet en voie d’achèvement. Les causes du refus restent tout de même évasives et surtout tardives : on reproche à l’investisseur d’avoir bâti sur un ancien cimetière colonial du village de Mansourah.
Il est vrai qu’à cet endroit, existait un cimetière, mais cet alibi ne peut pas tenir la route pour une seule raison, le cimetière en question était abandonné, il n’y avait presque plus de tombes et la commune de Tlemcen, à l’époque, avait érigé un camping municipal qui a accueilli des milliers de touristes en provenance ou en partance vers le Maroc, pendant plus de 20 ans.
Ceci, d’une part. D’autre part, la cession de ce terrain s’est faite en conformité avec la loi. Il faut dire qu’à l’époque, il y avait la loi du milieu et d’un certain lobby qui pouvait tout se permettre. Si ce projet ne répondait pas aux exigences du terrain, il ne fallait pas délivrer un permis de construire et arrêter les travaux sur-le-champ.
Cet entrepreneur, qui a trouvé refuge avec ses enfants sur les hauteurs d’Alger, est aujourd’hui cloué au lit, atteint d’un triple accident vasculaire cérébral (AVC), il est aujourd’hui âgé de 64 ans, il peut à peine parler. Ruiné, il veut au moins récupérer sa maison à Tlemcen. D’une voix à peine audible, il nous fait part, au téléphone, de son dernier souhait : «Je suis gravement malade, je suis au crépuscule de ma vie, je ne voudrais pas laisser cette affaire empoisonner l’avenir de mes enfants, je souhaite vivre mes derniers jours à Tlemcen, ma ville natale.»
Rappelons qu’en 1997, le Conseil d’Etat a rendu un jugement en sa faveur, jugement qui désavoue la décision des autorités locales. Alors comprend qui peut à ce dramatique feuilleton. On n’a pas voulu s’attarder sur les différentes péripéties et les personnages impliqués dans cette affaire, qui continue à faire l’objet de nombreux commérages à Tlemcen. Au bout de ce tunnel, peut-être qu’il y a un petit espoir, pour que justice soit faite. Le président de la République a ordonné l’ouverture d’une enquête : Abdelhafid Benmaâmar a été reçu dans la journée du 23 juin par le procureur général de Tlemcen, espérons que son calvaire prendra fin.
M. Zenasni.