Deux ans c’est court dans la vie d’une nation, mais ça peut être long quand celle-ci y vit des changements majeurs. C’est le cas du monde arabe qui, en 2010, a décidé de changer sa destinée. Aujourd’hui, malheureusement et contre toute attente, le bilan n’est pas brillant. Le présent est fait de conflits fratricides alors que l’avenir est chargé de peurs et d’incertitudes.
La Tunisie fêtera le 17 décembre le 2e anniversaire du début de sa «révolution», la première du Printemps arabe. En octobre 2011, une Assemblée constituante a été élue, dominée par les islamistes du parti Ennahda, qui dirige le gouvernement. Moncef Marzouki, farouche opposant à Ben Ali, est élu à la présidence par l’Assemblée.
Mais les protestations économico-sociales n’ont cessé de se multiplier, ainsi que les attaques imputées aux groupuscules salafistes. Le pays est plongé dans une impasse politique, la rédaction de la future Constitution ayant pris des mois de retard en raison des désaccords sur la nature du futur régime.
En Libye la situation n’est guère plus enviable. En juillet, et aux termes de la première élection libre après un conflit qui aura fait 30 000 morts, une Assemblée nationale, la plus haute autorité politique, a été élue. En novembre, un gouvernement a pris ses fonctions pour conduire une nouvelle période de transition. Mais le pays fait face à une montée de l’extrémisme et la prolifération de milices. Toujours vers l’Est, en Egypte, Mohamed Morsi a été déclaré en juin vainqueur de la présidentielle (51,73%), après une longue transition jalonnée par des manifestations parfois meurtrières, devenant le premier islamiste et civil à diriger le pays le plus peuplé du monde arabe. Le pays traverse actuellement une crise politique profonde, marquée par des manifestations parfois meurtrières, qui divise le pays depuis le décret du 22 novembre par lequel M. Morsi a placé ses pouvoirs au-dessus de tout recours en justice. Il a finalement dû annuler ce décret mais a maintenu un référendum sur un projet controversé de Constitution qui se déroule aujourd’hui même. Au Yemen, en février 2012, le vice-président Abd Rabbo Mansour Hadi a été élu à la présidence pour une transition de deux ans, succédant à Ali Abdallah Saleh, en vertu d’un accord soutenu par les monarchies arabes du Golfe après un an de soulèvement (des centaines de morts). Saleh a accepté de quitter le pouvoir en échange d’une immunité pour lui et ses proches. Al-Qaïda a profité de l’affaiblissement du pouvoir central pour renforcer son emprise dans le Sud et l’Est. Toujours dans cette même région du Moyen-Orient, à Bahreïn, un soulèvement animé par des chiites réclamant une monarchie constitutionnelle a été maté en mars 2011 et des troupes des pays voisins s’y sont déployées, mais ce royaume du Golfe demeure secoué par des troubles. Enfin, en Jordanie, de petites mais régulières manifestations se déroulent depuis janvier 2011, appelant à des réformes. Un printemps que beaucoup d’observateurs qualifient de plus en plus d’«hiver arabe».
Lyès Sadoun