Deux messages audio successifs appelant notamment les habitants à «nettoyer» Tripoli sont, pour l’heure, les seuls signes donnés par le dirigeant libyen, après la chute de son QG Bab El-Aziziya, hier soir. A maintes reprises, il avait affirmé qu’il ne quitterait jamais son pays et qu’il était prêt à entrer en résistance.
Interrogé par la chaîne d’information France 24 sur le lieu où M. Kadhafi pourrait se trouver, M. Abdeljalil, président du Conseil national de transition (CNT), a répondu : «Dieu seul le sait… J’imagine qu’il a quitté Tripoli. Je ne crois pas qu’il soit assez courageux pour être resté à Tripoli jusqu’à maintenant», tout en insistant pour dire que «la bataille n’est pas finie, elle s’achèvera avec l’arrestation de Kadhafi… Et j’espère qu’il va être capturé vivant, afin qu’il puisse être jugé et que le monde puisse connaître ses crimes». Selon lui, le sort de Mouammar Kadhafi, est celui de «l’opinion dominante parmi les membres du CNT qui est de juger le raïs et sa bande en Libye», indique-t-il et ce, «dans le cadre d’un procès équitable».
«Pour cela, nous voulons qu’il soit pris vivant et traité différemment de la façon dont le colonel traitait ses adversaires», précise-t-il. «Il reste encore des poches de résistance dans la ville (de Tripoli) et une grande concentration de troupes dans la région de Syrte», ajoute-t-il dans un entretien publié ce matin par le quotidien italien La Repubblica. Mouammar Kadhafi a affirmé dans un nouveau message audio diffusé aujourd’hui, s’être promené incognito dans Tripoli et avoir appelé à nouveau les habitants à «nettoyer» la capitale des rebelles qui en ont pris quasiment le contrôle. «Je me suis promené incognito, sans que les gens me voient, et j’ai vu des jeunes prêts à défendre leur ville», a affirmé le colonel libyen dans ce message diffusé par la chaîne Arrai basée en Syrie. «Je rends hommage à ces jeunes», a-t-il ajouté, sans préciser quand s’était déroulée sa tournée. Il a appelé «les habitants de Tripoli, les tribus, les jeunes, les vieux à sortir dans les rues et nettoyer Tripoli des rats».
Le dirigeant libyen avait déjà affirmé antérieurement dans un autre message sonore diffusé dans la nuit par la chaîne de télévision al-Orouba et repris par le site internet d’al-Libiya, la chaîne de son fils Seïf al-Islam, qu’il s’était retiré de son quartier général à Tripoli pour des «raisons tactiques». «Bab El-Aziziya n’était plus qu’un tas de décombres… et nous nous en sommes retirés pour des raisons tactiques», a-t-il dit.

«Nous allons transformer la Libye en un brasier»
Le porte-parole du régime, Moussa Ibrahim, a, pour a part, lancé un appel aux volontaires et assuré que plus de 6 500 personnes étaient arrivées à Tripoli ces dernières heures pour rejoindre les rangs des partisans de Kadhafi. «Les volontaires peuvent venir en Libye et nous allons leur fournir armes, munitions et entraînement», a-t-il déclaré tout en menaçant : «Si les bombardements se poursuivent, nous allons transformer la Libye en un brasier et nous saurons protéger les civils des gangs et de l’alliance des croisés», a insisté le porte-parole, se référant aux forces de l’OTAN. «Les forces armées libyennes ont arrêté plusieurs commandants militaires des révolutionnaires de l’OTAN (les rebelles)», a-t-il affirmé.
Des élections dans huit mois
Des élections seront organisées en Libye dans huit mois, a affirmé Mustafa Abdeljalil, le président du CNT, dans un entretien publié aujourd’hui par le quotidien italien La Repubblica. «Dans huit mois se tiendront les élections législatives et présidentielle. Nous voulons un gouvernement démocratique et une Constitution juste. Surtout, nous ne voulons plus être isolés du monde comme nous l’avons été jusqu’à maintenant», affirme-t-il. «La nouvelle Libye doit être un pays différent du passé et fondé sur les principes de liberté, d’égalité et de fraternité», souligne-t-il.
Bilan : plus de 400 morts en trois jours
Les combats qui se déroulent depuis trois jours à Tripoli ont fait plus de 400 morts et 2 000 blessés, a annoncé, hier, le président du Conseil national de transition (CNT), organe politique des rebelles libyens, Moustapha Abdeljalil. «Selon nos premières informations, le nombre de tués pendant l’opération qui a duré trois jours est d’un peu plus de 400. Et les blessés sont au nombre de 2 000», a déclaré M. Abdeljalil. Au cours de ces combats, les rebelles ont capturé près de 600 soldats pro-Kadhafi, a-t-il ajouté, tout en précisant que la bataille ne s’achèvera qu’avec l’arrestation de Mouammar Kadhafi. Auparavant, dans la nuit de dimanche à lundi dernier, le porte-parole du régime libyen affirmait que 1 300 personnes étaient mortes dans les dernières 24 heures à Tripoli qualifiant les combats de «véritable tragédie».
Les journalistes coupés du monde
Une trentaine de journalistes étrangers étaient confinés, hier soir, privés d’électricité dans un hôtel de Tripoli. Les journalistes à l’hôtel Rixos sont, pour la troisième nuit d’affilée, coupés du monde, sans télévision ni internet et avec un réseau de téléphonie mobile très perturbé. Ils sont cloîtrés au premier étage du bâtiment, qui est toujours gardé par des hommes armés du régime.
Alors que des images de la prise du complexe résidentiel de Bab el-Aziziya passaient en boucle sur plusieurs chaînes internationales, les gardes affirmaient aux journalistes que le QG du colonel Kadhafi n’était pas tombé aux mains de la rébellion. «Tout va bien», répètent-ils aux journalistes qui ont le sentiment d’être pris en otage, selon le journaliste de l’AFP sur place. L’hôtel a été touché hier par plusieurs balles perdues et des tirs sporadiques étaient entendus de temps en temps dans l’établissement. Les journalistes portent leur gilet pare-balles et leur casque et ont accroché des banderoles sur lesquelles ils ont écrit : TV, Presse, ou en encore en arabe : «presse, ne tirez pas».
Medvedev : il y a toujours «deux pouvoirs» en Libye
Le Président russe Dmitri Medvedev a estimé aujourd’hui qu’il y avait toujours «deux pouvoirs» en Libye et appelé à des négociations entre le régime de Mouammar Kadhafi et les rebelles pour parvenir à un accord de paix. «En dépit des succès des rebelles, Kadhafi et ses soutiens ont toujours une certaine influence et un potentiel militaire. Nous voulons qu’ils s’assoient à la table des négociations et parviennent à un accord de paix. En réalité, il y a deux pouvoirs dans le pays», a déclaré M. Medvedev. Le Président russe a indiqué que la Russie est prête à établir des relations avec les rebelles libyens s’ils parviennent à unir le pays. «Si les insurgés ont assez de force, d’esprit et de possibilités pour unir le pays sur une nouvelle base démocratique, alors naturellement nous allons étudier la question d’établir avec eux des relations».