Le président de Talaie El Houriat considère que le gouvernement «improvise» et que la LF 2016 «relève d’une démarche purement comptable».
Dans une rencontre avec les militants et cadres de son parti, de la wilaya d’Annaba, Ali Benflis, président de Talaie El Houriat, a démonté tout l’argumentaire arboré par le gouvernement pour justifier ses politiques actuelles en l’accusant ouvertement d’improvisation.
«Le gouvernement improvise; il n’a pas d’autre ambition que celle de limiter les dégâts autant que faire se peut et n’a pour autre horizon que celui que lui offrent les réserves de changes et le peu qui reste dans le Fonds de régulation des recettes qui lui tiennent lieu de bouées de sauvetage avant le naufrage économique annoncé», a-t-il déclaré, avant de s’interroger: «Que pouvions-nous dire d’autre lorsque nous constatations qu’après une décennie d’embellie financière sans précédent et 800 milliards de dollars dilapidés dans des plans de relance qui n’ont absolument rien relancé, ni industrie ni agriculture ni tourisme? Que pouvions-nous dire d’autre lorsque nous constations, au moment du bilan, que le Trésor public, le gardien des deniers de la collectivité nationale, a été saigné à blanc par la surfacturation des projets, l’octroi douteux des marchés publics de gré à gré, la fraude à une large échelle dans le commerce extérieur, l’évasion fiscale, la fuite des capitaux et la corruption? Un membre du gouvernement, n’a-t-il pas reconnu que la fraude au commerce extérieur s’élevait à 30% des transactions commerciales d’un montant de 60 milliards de dollars, soit 18 milliards confirmant ainsi ce que j’avais moi-même déclaré en février 2015? Que pouvions-nous dire d’autre lorsque nous constations la véritable entreprise de contrefaçon que constitue la loi de finances 2016? Le cadrage macroéconomique de cette loi n’est-il pas déjà dépassé par les événements avant même qu’elle soit signée?»
Mais Ali Benflis ne s’est pas contenté de poser des questions. Il a en effet fourni moult détails sur «ce virage dangereux» qu’aurait effectué l’Algérie pour expliquer son opposition à la LF 2016. «Cette loi n’établit-elle pas le taux de change à 98 DA pour un dollar alors même qu’il est en cet instant de 107 DA pour un dollar?
Cette loi ne projette-t-elle pas le prix du baril de pétrole à 45 dollars sur le marché international, alors même qu’il n’est plus que de 36 dollars, aujourd’hui? C’est-à-dire en dessous du prix de référence de 37 dollars retenu pour le calcul des budgets de fonctionnement et d’équipement? Cette loi ne fixe-t-elle pas le taux d’inflation à 4% alors que le Cnes l’a déjà estimé à 6% pour le seul premier semestre 2015?
Cette loi n’aspire- t- elle pas à un taux de croissance de 4,6%, alors même qu’un tel taux n’a jamais été atteint même durant la décennie d’opulence financière et qu’il ne sera que de 2,3% en 2015 selon tous les experts nationaux? Cette loi ne postule-t-elle pas une évolution du PIB à hauteur de 18.700 milliards de DA en se basant sur un taux de croissance de 4,6% alors même que ce taux est notoirement hors d’atteinte? Cette loi ne fixe-t-elle pas le montant des exportations du pays à 26,4 milliards de dollars en prenant pour référence un prix du baril de pétrole à 45 dollars, alors même qu’il n’est plus que de 37 dollars? Voilà un modèle de cadrage macroéconomique dont la seule caractéristique susceptible de lui être reconnue est le manque de rigueur et de sérieux», a-t-il argumenté.
Le chef de file de Talaie El Houriat a en outre pointé du doigt le fait que ce soit «le budget d’équipement qui subit les coupes les plus sévères- 17% – alors que le budget de fonctionnement et le train de vie de l’Etat ne sont concernés que par une réduction symbolique de 3%», une autre façon de dire que le gouvernement est en train de faire payer à la population ses propres erreurs. Et pour la résumer, il a indiqué quer la LF 2016 relève, au mieux, «d’une démarche purement comptable et qu’elle laisse le pays sans une stratégie anticrise digne de ce nom», tout en précisant qu’une «plus grande maîtrise des comptes de la nation est certes nécessaire mais elle demeurera dépourvue de sens et sera sans effets aussi longtemps que ne sera pas prise en charge la grande problématique des réformes structurelles profondes dont dépend l’avènement d’une économie nationale dynamique, performante et compétitive». C’est pourquoi, fort d’une présence massive à la rencontre de son parti, Ali Benflis milite pour des réformes profondes, mais des réformes aussi bien économiques que politiques.
«Ces réformes structurelles absolument indispensables ont une forme comme elles ont un contenu: il s’agit de dépolitiser l’acte économique et de débureaucratiser l’acte de production et de désenclaver l’économie nationale par rapport à son environnement mondial […].
Elles devraient nous permettre aussi de moderniser notre système bancaire, de bâtir un marché financier aux normes internationales, de mettre une Bourse fonctionnelle à la disposition du monde des affaires et de procéder à la refonte de notre système fiscal», a-t-il détaillé non sans souligner que «des réformes structurelles d’une telle ampleur et d’une telle profondeur supposent de la volonté et du courage politiques dont ne peut disposer qu’un pouvoir politique légitime et à l’autorité incontestée».