Il a séduit les Maliens qui ont suivi la cérémonie de signature de l’accord de paix , Ibrahim Boubacar Keita, le rassembleur

Il a séduit les Maliens qui ont suivi la cérémonie de signature de l’accord de paix , Ibrahim Boubacar Keita, le rassembleur

La cérémonie de signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation vendredi dernier à Bamako a bénéficié d’une couverture médiatique qui a dépassé les attentes des autorités maliennes. Une page de l’histoire malienne vient d’être tournée, avec quelques regrets qui n’ont pas amenuisé l’espoir des présents.

 

“Nous voulons la paix.” C’est avec ce message, inscrit sur une banderole, qu’a été accueilli le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keita, par les membres de l’association malienne à son arrivée au CICB (Centre international de conférences de Bamako), imposant édifice implanté au bord du fleuve Niger, à Bamako. IBK, comme il se désigne lui-même, était la star du jour, un jour historique pour des Maliens fatigués de se faire la guerre. Son discours y était pour quelque chose. “Il m’a surpris par ce qu’il a dit”, déclare Sina, la quarantaine au compteur. “J’étais impressionné de le voir discourir, sans regarder ses feuilles”, soutient, pour sa part, Drissa, chauffeur de taxi. “Quand on dit les choses avec son cœur, poursuit-il, une main sur le cœur, l’autre collée au volant de sa voiture, il ne sert à rien de lire sur une feuille pour transmettre son message”.

En apparence désintéressés, les Bamakois n’en reviennent pas encore de ce qu’ils ont vu et entendu à la télévision. “C’est la première fois que nous entendons notre président accuser le Conseil de sécurité de l’ONU d’être partial dans ses rapports sur les violences armées dans le Nord”, explique Daya, une des hôtesses d’accueil, le sourire radieux, le regard aussi vif que les couleurs printanières de sa robe, confectionnée spécialement pour cet événement. Aussi, le président malien, fortement applaudi, a fait forte impression, y compris chez les membres de la médiation internationale qui l’ont écouté assidûment. La salle était bondée. Certains invités et participants se sont contentés d’écouter le discours fleuve d’IBK, dans une des deux salles réservées aux journalistes. Pari réussi pour le président malien ? Oui, car il a réussi à fédérer une majorité de Maliens autour d’un seul objectif : rétablir la paix dans son pays.

En véritable réconciliateur, il a appelé les mouvements du Nord, qui n’ont pas encore signé l’accord de paix, à se joindre aux partisans du dialogue constructif au Mali. “D’ici, je fais appel à mon frère Bilal Ag Acharif pour signer cet accord. Cher frère Bilal, tu peux me faire confiance”, lance le chef de l’État malien à l’adresse du leader du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), un des membres les plus radicaux de la Coordination des mouvements de l’Azawad. Vendredi, excepté les plus radicaux des mouvements armés qui n’ont pas signé l’accord de paix, des chefs de tribus et coutumiers, marchant avec peine, des chefs religieux, chef de partis d’opposition et anciens rebelles ont tenu à marquer cet événement par leur présence. Réputés pour être discrets, certains anciens rebelles du Nord-Mali ont répondu également présent aux sollicitations des journalistes qui, coincés dans le hall du CICB, par les éléments de la police, n’ont pu se faire une place dans la salle de conférences qu’après d’intenses négociations avec les organisateurs de la cérémonie. Les ordres étaient strictement suivis. Stationnés à l’entrée de l’établissement, les policiers, les soldats des forces armées maliennes, contrôlaient, tour à tour, tous les invités. Les appareils téléphoniques étaient interdits dans la salle de conférences.

Les routes menant au CICB étaient bloquées tout au long de l’après-midi et jusqu’au départ de l’ensemble des responsables politiques locaux et des chefs d’État étrangers.

Il fallait se déplacer sur plusieurs centaines de mètres pour trouver un taxi. Les mesures de sécurité étaient telles que même les journalistes de l’ORTM (Office de radiodiffusion et télévision du Mali) ont subi le même traitement que leurs confrères étrangers. Ce qui leur a inspiré un des sujets de leur journal télévisé, en marge de la large couverture qu’ils ont assurée, malgré les mauvaises conditions de travail qu’ils ont remarquablement surmontées jusqu’à la clôture de la cérémonie de signature, vers 21 heures. “Ce qui importe pour nous, c’est la réussite de cette cérémonie. Le président a montré aujourd’hui une véritable capacité à convaincre le monde qu’il veut la paix”, tout en refusant le chantage, se félicite Soumaila, technicien de l’ORTM qui a passé toute la journée sous un soleil de plomb, à assurer une transmission ininterrompue de la cérémonie de signature de l’accord.

L. M.