Le mal est donc profond au point «qu’il faut (le) contrecarrer avec énergie et persévérance», soutient le Premier ministre
Une défaillance qui a la particularité de diluer les responsabilités au point où l’on ne sait pas qui est honnête et qui ne l’est pas parmi les fonctionnaires.
Abdelmalek Sellal a adressé à un certain nombre de ses ministres une lettre tout à fait symptomatique de l’état d’esprit dans lequel se trouve l’Exécutif au lendemain de la chute des prix des hydrocarbures.
La baisse des recettes financières à laquelle avait fait écho, à l’époque, une flambée des importations a mis le gouvernement devant l’impératif de revoir la mécanique qui régit le commerce extérieur. Très vite, on a découvert le pot aux roses. Des transferts illégaux de la devise forte, sous couvert d’importations bidons ont été réalisés à coup de dizaines de milliards de dinars. Pour preuve, sitôt la prise de conscience opérée, il a été enregistré une baisse de la facture des importations.
Pareille coïncidence ne saurait passer inaperçue et appelait forcément des enquêtes sur le terrain pour démêler l’écheveau. Y a-t-il eu investigation opérée par des services spécialisés après le gros scandale révélé par l’APS sur une fraude d’une valeur de 420 millions de dollars? La question est de mise, lorsque dans sa lettre le Premier ministre affirme: «Il a été porté à ma connaissance la multiplication des cas de fraude à l’importation.» C’est dire que l’affaire soulevée par l’agence de presse publique n’est pas un cas isolé, mais relèverait d’une pratique plus courante que l’on ne croit, «constituant ainsi une source de préoccupation sérieuse pour les pouvoirs publics, au vu des préjudices appréciables portés à l’économie nationale», affirme, à juste titre, Abdelmalek Sellal dans son courrier.
Le mal est donc profond au point «qu’il faut (le) contrecarrer avec énergie et persévérance», soutient le Premier ministre dans sa lettre, d’ailleurs reprise par l’APS.
Y a-t-il eu enquête? On pourrait répondre par l’affirmative à cette question, à la lecture de la lettre du Premier ministre qui revient sur «les subterfuges utilisés par les fraudeurs», mais aussi et surtout sur «les complicités» dont ces fraudeurs «disposent» au sein de l’administration algérienne. Cela vaut un aveu sur l’existence au sein des structures publiques du commerce extérieur et des finances, d’un solide courant de corruption, tellement ancré dans les travers de l’administration qu’un mécanisme judiciaire traditionnel ne puisse suffire à y faire face.
Le Premier ministre n’évoque pas seulement la complicité dans les directions, mais parle aussi de «failles du système de contrôle mis en place».
Une défaillance qui a la particularité de diluer les responsabilités au point où l’on ne sait pas qui est honnête et qui ne l’est pas parmi les fonctionnaires chargés du contrôle. Résultat: le système commercial national s’en trouve totalement miné et incapable d’arrêter la saignée, même si les premières mesures prises par le gouvernement ont réduit quelque peu de l’intensité de la fraude. Il reste néanmoins que ces interventions n’ont pas démasqué le système frauduleux mis en place par de véritables criminels en cols blancs. Pour y parvenir, le Premier ministre préconise la mise en oeuvre de «mesures urgentes et opérationnelles à l’effet d’endiguer ce phénomène et d’atténuer ses effets sur l’économie, notamment sur nos réserves de changes et sur le maintien des équilibres internes et externes», insiste le Premier ministre.
Cela dit et au-delà de la prise de conscience, il ressort des propos du Premier ministre que l’heure est grave et que le commerce extérieur est très sérieusement gangrené.