« Ne croyez pas qu’il est facile de réformer la justice. Il faut mener des batailles et des batailles.» Ceci est un aveu du ministre de la Justice, Garde des sceaux qui a animé aujourd’hui une conférence de presse au siège de la Cour d’Alger, mise en congé pour la circonstance. Un aveu qui renseigne sur la résistance dans le secteur à tout changement allant dans le sens de l’amélioration du fonctionnement de Dame justice et du retour de confiance du justiciable.
Tayeb Louh paraissait très déterminé. Et il ne s’est pas entouré de salamalecs pour le signifier aux magistrats, dont certains étaient présents dans la salle à son invitation. Il a notamment affirmé avec insistance qu’il allait s’attaquer à la réforme du ministre Public. Pour lui, fini les parquetiers installés derrière les bureaux attendant les procès-verbaux ou les rapports de la police judiciaire. Désormais, avec la révision du code de procédure pénale, ils seront tenus de tout contrôler à commencer par l’enquête préliminaire. « J’ai d’ailleurs donné des instructions fermes à travers une note que j’ai adressé à l’ensemble des parquetiers pour qu’ils soient présents et aient l’œil sur les affaires traitées par la police judiciaire. » Et en guise de serment, l’ex-ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a lancé : « soyez certains que je la mènerai cette réforme. Et je n’ai pas pour habitude de prendre des engagements sans les respecter ». Et d’ajouter : « Des mécanismes et moyens seront mis en place pour donner plus de prérogatives aux parquetiers dans la gestion de l’action publique. Les procureurs se doivent, quand ils ont vent d’une affaire, de s’autosaisir et enclencher l’action publique. Il faut rendre sa force au pouvoir de la loi.
Toujours dans ce cadre, le Garde des Sceaux a indiqué que ces réformes seront menées conformément aux recommandations de la commission nationale de réforme de la justice. En somme, il a déterré après plus d’une décennie le rapport de ladite structure, dont il a fait lui-même partie et que présidait le défunt Mohand Issaâd. Et que les avocats ne cessaient d’appeler à sa mise en application à travers la promulgation des textes de lois.
A ce propos justement, le ministre a indiqué que la révision du code de procédure pénale sur laquelle se penche une commission au niveau de son département touchera le fatidique problème de la détention préventive. En attendant, il a appelé les magistrats à appliquer la présomption d’innocence que certaines robes noires ont transformé, avec dérision, en la présomption de culpabilité.
Des procès en visioconférence
Par ailleurs, mondialisation oblige et avec le changement des relations internationales, le Garde des sceaux a affirmé qu’une réforme de la formation des magistrats sera incessamment entamée pour leur permettre la spécialisation et faire face au crime transnational. « La nouvelle vision de la législation nationale vise à l’introduction de nouveaux standards en matière des droits de l’homme, conformément aux engagements internationaux de l’Algérie aussi bien dans le domaine pénal que dans le domaine pénitentiaire particulièrement en matière de politique de réinsertion du détenu pour prévenir la récidive », a notamment indique le ministre de la Justice déclinant ainsi sa feuille de route.
Tayeb Louh a par la suite évoqué les projets de lois concernant son secteur qui ont été adopté le 27 août dernier par le Conseil des ministres. Il s’agit de celui relatif à la répression de la violence àl’encontre les femmes, la protection des enfants, celui relatif à la création d’un fonds de la pension alimentaire, évalué à un milliard de dinars et enfin le projet de loi concernant la signature électronique. A ce propos, un centre de personnalisation de la carte à puce sera inauguré dans une dizaine de jours.
Sur un autre plan, le ministre a annoncé que dans le cadre de la réforme, les enfants mineurs coupables de délit seront auditionnés dans l’enquête préliminaire en présence de leur avocat. Par ailleurs, les interrogatoires, voire même les procès dans les tribunaux se dérouleront également en visioconférence.
Enfin, à propos de la mort du joueur camerounais de la JSK, le Garde des sceaux a souligné que l’auteur de l’acte ne sera pas le seul à être jugé, mais toute personne qui se serait rendue responsable de manière directe ou indirecte en ne prenant pas les mesures préventives pour éviter la violence dans le stade.
Faouzia Ababsa
