Le terme rationalisation entre dans le jargon des ministres et le «parler-vrai» commence un peu à être usité.
Aux premières semaines de la baisse des prix du pétrole, le gouvernement a tenté d’amortir le choc en mettant en avant le «bas de laine» de l’Algérie. Les 200 milliards de dollars de réserves de changes de l’époque et les milliers de milliards de dinars du Fonds de régulation des recettes étaient brandis par les membres de l’Exécutif pour souligner la bonne santé financière du pays. Le mot d’ordre, à l’époque, était de dire que l’Algérie était à l’abri du choc. L’Exécutif affichait devant l’opinion nationale une forte détermination à ne pas céder aux cris de l’opposition et de certains experts qui agitaient l’effondrement immédiat de l’économie du pays.
En réponse, le gouvernement adopte une loi de finances complémentaire pour 2015, avec quelques nouveautés, à l’image de «la mise en conformité fiscale volontaire» et l’adhésion volontaire des travailleurs non salariés à la Cnas. L’objectif de ces deux mesures étant d’éponger l’argent qui circule dans le marché parallèle, dans une tentative de réduire les déficits budgétaires attendus. Aucune nouvelle taxe n’avait été prévue, mais le discours prend de nouvelles connotations.
Le terme rationalisation entre dans le jargon des ministres et le «parler-vrai» commence un peu à être usité par certains ministres, à l’image de celui du Travail qui a annoncé le non-renouvellement des départs à la retraite parmi les fonctionnaires. Premier choc, avec néanmoins quelques rectifications, notamment de la part de sa collègue de l’Education nationale qui souligne le maintien du programme de recrutement de son département. Il reste que le mot est lâché et la «rationalisation» connaît quelques applications concrètes. Entre autres, l’ajournement de projets d’infrastructures non encore lancés.
Une démarche qui ne touche pas directement au portefeuille du citoyen, lequel est tranquillisé sur son pouvoir d’achat, puisque les subventions sur les produits de première nécessité, comme le lait et la semoule sont maintenues. Le propos n’est donc pas franchement à l’austérité, mais le président de la République saisit l’occasion de célébrations d’événements nationaux pour s’adresser aux Algériens et évoquer la difficulté de la situation économique.
Le propos du chef de l’Etat se veut rassurant, mais les accents sont de plus en plus orientés vers une approche disciplinée de la consommation et des alertes sur la dangerosité de la situation économique. De fait, le citoyen intègre quelques concepts qu’il avait failli oublier durant les années de l’opulence. La société s’inquiète d’un futur annoncé catastrophique par certains «experts» et difficile par le gouvernement.
Ce dernier passe, dans son discours, à une phase plus «réaliste», mais avec le souci de ne pas provoquer une panique. Aussi, les membres de l’Exécutif évoquent avec un certain sens de la responsabilité la difficulté que traversent leurs secteurs respectifs. Des projets annulés, on en parle. Et lorsque la question de l’avenir des autres chantiers est posée, la réponse se veut rationnelle. «Ce qui peut attendre attendra», répondent les ministres.
L’austérité et l’implication des citoyens dans la crise sont soulevées «très timidement» dans la loi de finances 2016. Quelques dinars en plus dans les prix des carburants et du kilowatt d’électricité, font bondir l’opposition qui «enflamme» le Parlement. Une levée de boucliers qui fait quelque part le jeu de l’Exécutif qui présente les mesures prises dans la LF 2016, comme un moindre mal et annonce son intention de revoir le système de subventions, tout en veillant au pouvoir d’achat des couches sociales les plus défavorisées.
Le président de la République soutient la loi de finances et appelle le gouvernement à dire la vérité au peuple. Une étape supérieure dans la communication de crise est franchie.
Près d’un mois après l’entrée en vigueur de la LF 2016, les prix du pétrole ont poursuivi leur dégringolade, dans un climat social «faussement apaisé» et une opinion publique qui constate au jour le jour que la catastrophe annoncée n’est toujours pas au rendez-vous, au moment où les membres du gouvernement poursuivent leur «mission» de communication sur un ton, cette fois, clair, à l’évocation des perspectives économiques futures. Malgré la «douche froide» que subissent les finances du pays, le gouvernement refuse de parler d’austérité et tente d’épargner à un maximum d’Algériens les effets de la crise. Il s’appuie pour cela sur le FRR et l’imposant matelas que représentent les réserves de changes. Dans le même temps, il agit sur les importations et met le paquet pour réaliser des substitutions à ces importations en travaillant sur certaines filières rentables. La question qui se pose est de savoir si l’Algérie résistera jusqu’à 2020, année où de nombreux experts annoncent une remontée des prix du pétrole. En attendant, en termes de communication, l’Etat algérien a choisi «la méthode douce». Aujourd’hui, les Algériens donnent l’impression d’avoir saisi le message, mais attendent également quelques gestes forts, à l’image d’une communication plus offensive du Premier ministre, mais également de profonds réaménagements dans la configuration gouvernementale.
Une petite équipe, de grands ministères rassemblant plusieurs secteurs et pourquoi pas un véritable plan «courageux» pour la gestion de la crise qui n’en est qu’à ses débuts.