L’islamiste Mohamed Morsi est devenu hier le cinquième président de la République d’Egypte et le premier à avoir été librement élu, succédant ainsi à Hosni Moubarak, renversé par une révolte en février 2011.
Mais même après son investiture, M.Morsi devra composer avec le Conseil suprême des forces armées (Csfa), à qui M.Moubarak avait remis le pouvoir en démissionnant sous la pression de la rue, et qui conserve de larges pouvoirs. «Je jure par Dieu tout-puissant de préserver le système républicain, de respecter la Constitution et la loi, de protéger entièrement les intérêts du peuple, et de préserver l’indépendance de la nation et la sûreté de son territoire», a déclaré M.Morsi devant la Haute Cour constitutionnelle. «Aujourd’hui, le peuple égyptien a posé les bases d’une vie nouvelle, d’une liberté totale, d’une vraie démocratie», a-t-il ajouté dans un bref discours. Le nouveau président s’est ensuite rendu à l’Université du Caire pour célébrer son investiture et doit de nouveau s’exprimer. La prestation de serment, prévue pour 11h locales (09h GMT) avait commencé avec près de deux heures de retard. La procédure d’investiture avait fait l’objet d’un bras de fer entre les militaires au pouvoir et les Frères musulmans, la junte estimant que M.Morsi devait être investi devant la Cour constitutionnelle, les islamistes insistant pour qu’il le soit devant le Parlement, officiellement dissous mais selon eux toujours légitime. Le président a finalement cédé mais avait défié l’armée vendredi en prêtant symboliquement serment devant des dizaines de milliers de personnes à Tahrir, «la place de la liberté et de la révolution» selon ses propres termes. «Vous êtes la source du pouvoir et de la légitimité, qui est au-dessus de tout le monde. Il n’y a de place pour personne, pour aucune institution (…) au-dessus de cette volonté», a-t-il lancé sous les vivats de la foule. M.Morsi devient ainsi le premier islamiste à accéder à la présidence de l’Egypte, dont les quatre précédents chefs d’Etat étaient tous des militaires. Son arrivée au pouvoir marquera un retournement dans l’histoire des Frères musulmans, fondés en 1928 et officiellement interdits en 1954 mais relativement tolérés sous Moubarak malgré les campagnes d’arrestations dont ils faisaient l’objet. M.Morsi lui-même a été emprisonné sous l’ancien régime. Mais la cohabitation s’annonce délicate avec le Conseil militaire, qui a récupéré le pouvoir législatif après la dissolution mi-juin de l’Assemblée, dominée par les islamistes. Les généraux gardent ainsi un droit de veto sur toute nouvelle législation ou mesure budgétaire qui n’aurait pas leur agrément et se réservent un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution, pierre angulaire du partage des pouvoirs dans l’avenir. Le nouveau président devra en effet gouverner alors que l’Egypte n’a toujours pas de Constitution, celle en vigueur sous M.Moubarak ayant été suspendue et la rédaction de la nouvelle ayant pris du retard. Même si sa victoire a été saluée par un bond record de la Bourse du Caire après des semaines de tension et d’anxiété, M.Morsi devra faire face à une situation économique difficile. Dès l’annonce officielle de sa victoire, il a commencé à travailler à la formation d’un «gouvernement de coalition» destiné à donner des gages d’ouverture et élargir son assise politique face aux militaires. M.Morsi a laissé entendre que son futur Premier ministre pourrait être une personnalité «indépendante». Dans un éditorial, le quotidien gouvernemental Al Ahram a réclamé hier du nouveau président qu’il prenne ses distances avec le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ, issu des Frères) et de former un gouvernement ouvert aux diverses forces politiques égyptiennes. Le quotidien indépendant Al-Chourouq a pour sa part demandé «la fin rapide de la période de transition, d’accélérer la rédaction de la Constitution et l’organisation d’élections législatives, sinon la situation restera instable». M.Morsi a battu le dernier Premier ministre de Hosni Moubarak, Ahmed Chafiq, lors de la première présidentielle après la révolte, dont le second tour s’est tenu les 16 et 17 juin. Il a obtenu 51,73% des voix.
Dans son premier discours, Morsi affirme
L’Egypte soutient les peuples palestinien et syrien
L’Egypte soutient les «droits légitimes» du peuple palestinien et veut l’arrêt de «l’effusion de sang» en Syrie, a déclaré hier le nouveau président égyptien, l’islamiste Mohamed Morsi. L’Egypte «se tient au côté du peuple palestinien pour qu’il obtienne tous ses droits légitimes», a déclaré M.Morsi dans un discours à l’université du Caire, juste après son investiture. «Nous allons oeuvrer à réaliser la réconciliation palestinienne», a-t-il ajouté, en allusion à des efforts pour rapprocher le mouvement Hamas qui contrôle la bande de Ghaza et le Fatah. Ces efforts, déjà engagés par Le Caire du temps du président Hosni Moubarak, renversé en février 2011, se sont poursuivis depuis sous le pouvoir de transition instauré par l’armée égyptienne. La victoire électorale de M.Morsi avait été célébrée dans la liesse à Gaza par le Hamas, qui appartient à la mouvance panislamiste des Frères musulmans dont est issu le président égyptien. M.Morsi avait, après l’annonce de sa victoire dimanche dernier, assuré qu’il respecterait les engagements internationaux de l’Egypte. Parmi eux figure le traité de paix de 1979 avec Israël. «Nous soutenons le peuple syrien», a-t-il en outre déclaré hier, ajoutant: «nous voulons que l’effusion de sang cesse» dans ce pays en proie depuis plus de 15 mois à des troubles marqués par des violences menées par des groupes armés contre le régime du président Bachar Al Assad.