Il a essayé de regrouper la mouvance islamiste sous sa bannière, Le pari fou de Mokri

Il a essayé de regrouper la mouvance islamiste sous sa bannière, Le pari fou de Mokri

Habitué aux manoeuvres de coulisses, aux effets d’annonces et de manches, l’actuel patron du parti créé par le défunt Mahfoud Nahnah a tenté de jouer sur l’image de ce dernier pour faire accroire que son parti aurait une chance de regrouper les islamistes sous sa bannière, afin d’aller en rangs serrés aux prochaines élections présidentielles. Les choses ne traînent vraiment pas avec un «trublion» comme Abderrezak Mokri à la tête du MSP.

Mettant à profit une cérémonie censée rendre hommage au défunt Mahfoud Nahnah, il a essayé de ratisser le plus largement possible et, partant, de faire accroire que son parti serait devenu leader de la mouvance islamiste depuis que c’est lui qui en a pris le commandement.

De fait, la présence très remarquée de Amar Ghoul, transfuge de ce parti, actuellement président de Taj, et de Lakhdar Benkhellaf, bras droit de Djaballah, le président du FJD, en avait surpris plus d’un. Cela, d’autant plus qu’il est de notoriété publique que le président du FC, Abdelmadjid Menasra, un autre transfuge du MSP, est en négociation pour réintégrer le bercail.

Or, les choses sont loin d’être aussi simples qu’elles le paraîssent. Que l’on en juge. Le MSP ne désespère toujours pas d’avoir un jour son grand soir, en lieu et place du crépuscule dans lequel il continue de baigner depuis plusieurs années déjà.

Renonçant définitivement à sa « doctrine » qui consistait à garder deux fers au feu, après son entrisme outrancier, qui l’avait fait vivre, évoluer et dépérir sous le giron du pouvoir près d’un quart de siècle durant, il vient de décider de passer à l’opposition pure et dure.

Le parti du défunt Mahfoud Nahnah, on s’en souvient, avait naïvement cru qu’il pourrait surfer sur la vague du printemps arabe en 2010, et que la mouvance islamiste allait l’emporter en Algérie, comme elle l’avait fait en Tunisie et en Egypte.

Naïvement, en effet, car même si l’aile islamiste devait l’emporter un jour chez nous, cela ne pourrait jamais être celle d’un MSP décrédibilisé, peuplé par une faune d’opportunistes et d’affairistes, qui n’ont plus rien d’islamiste que le nom. Naïvement aussi, car l’Algérie a déjà connu son propre printemps en 1988. Depuis, les années de larmes et de sang, dont elle vient de sortir exsangue et éprouvée, l’ont immunisée contre toute entreprise aventureuse.

Or, le MSP fait mine d’ignorer superbement de pareilles vérités, tout simplement axiomatiques. Bref, et avant d’en être arrivé à l’étape actuelle, et dont il sera question un peu plus loin dans le texte, le MSP de Bouguerra Soltani avait tenté de garder deux fers au feu, ne sachant trop quelle tendance allait finir par l’emporter.

Quittant avec fracas l’Alliance présidentielle (moribonde désoremais), il avait créé dans la foulée une alliance verte (dont le mûrissement rapide a fini par la faisander), avec les deux carcasses vides laissées par Djaballah.

Dans la foulée, n’osant pas provoquer une crise institutionnelle (seule attitude requise s’il était vraiment passé à l’opposition), il s’était contenté de dire qu’il ne ferait pas partie de la future coalition gouvernementale.

Cela avait fait dire, non sans ironie, à pas mal d’observateurs avertis de la scène politique algérienne, que ce parti trouve beaucoup de mal à se départir de son opportunisme congénital, puisqu’il aurait ainsi pu rester au pouvoir plusieurs années encore, du moins tant que le président Bouteflika ne se sera pas décidé à procéder à un remaniement gouvernemental.

EFFETS D’ANNONCES ET DE… MANCHES

Et même au lendemain de ce fameux remaniement, Bouguerra Soltani, l’ancien président de ce parti, n’avait pas osé prendre les mesures disciplinaires qui s’imposaient face à l’insubordination de l’un de ses ministres, Mustapha Benbada en l’occurrence.

L’arrivée d’un « pur et dur » comme Abderrezak Mokri, à la tête de ce parti, comme le prévoyait en son temps notre journal, prenant à contre-courant pas mal de lectures et d’analyses prétendument sourcées, avait de quoi radicaliser la ligne politique de ce parti.

Or, il est chimérique pour le MSP d’espérer un jour regagner sa crédibilité perdue, face à un peuple blasé par la politique, ne croyant plus aux fausses promesses de politiques qui ne courent que derrière les promotions et la réussite sociales. Nihiliste, le MSP l’est sans doute devenu.

Développant un sentiment très proche de la « litost », une expression venue d’Europe de l’Est qui peut être expliquée par « fuite en avant », il vient d’élargir son alliance à d’autres partis, encore moins crédibles que lui, et de se livrer à une provocation monumentale en ramenant un « imam » de la pire engeance qui soit, venu lancer à partir de chez nous un appel au djihad en Syrie.

C’est dire, en tous cas, que des partis comme le TAJ de Ghoul ou bien le FJD de Djaballah ne peuvent en aucune manière marcher dans cette « combine » et accepter que le MSP devienne leur leader.

Mokri a juste tenté de jouer sur les effets d’annonce. Mais l’illusion aura été de très courte durée, puisque des sources proches de ces deux partis nous ont indiqué avoir accepté d’être présentes à cette rencontre par « simple respect pour le défunt Mahfoud Nahnah ».

Entendre par là que la mouvance islamiste, une fois de plus, va aborder la prochaine élection présidentielle en rangs dispersés. Sachant qu’elle a déjà perdu une grande partie de son réservoir électoral, force est de prédire qu’elle ne devrait pas peser lourd sur la balance, pour peu qu’elle trouve en face d’elle des candidats crédibles et porteurs de vrais projets de société.

Wassim Benrabah