Il a déjà purgé 10 ans de prison pour avoir tué un terroriste : Mohamed Gharbi attend liberté

Il a déjà purgé 10 ans de prison pour avoir tué un terroriste : Mohamed Gharbi attend liberté

Rarement la cause d’un condamné algérien n’a suscité autant de mobilisation de la part des ses concitoyens. Condamné à mort, peine commuée à 20 ans de réclusion, pour avoir tué un terroriste repenti, Mohamed Gharbi a déjà purgé 10 ans de prison. Pour sa famille, pour ses amis et ses soutiens, c’est amplement suffisant pour bénéficier d’une liberté conditionnelle. Mercredi 29 juin, ils se mobilisent une fois de plus pour obtenir son élargissement. Décryptage d’un cas judiciaire pas comme les autres.

Où en est l’affaire Mohamed Gharbi ?

Elle soulève polémique depuis des années, mais jamais on en a autant parlé que ces derniers mois. Justement depuis qu’un groupe de jeunes regroupés autour d’un collectif appelé LMG (Libérez Mohamed Gharbi) ne cesse de se mobiliser par différents moyens pour défendre la cause de cet ancien moudjahid condamné pour avoir tué en 2001 un terroriste repenti qui le menaçait de mort.

Certes ils ont réussi à obtenir une grâce présidentielle en sa faveur, mais ils se battent encore pour arracher une libération conditionnelle. Ses soutiens, ses amis organisent ce mercredi 29 juin à 13h, un sit-in devant le ministère de la Justice pour demander aux autorités compétentes de débloquer son dossier.

Qu’est que l’affaire Gharbi ?

Un cas sans doute inédit, sinon rare, dans les annales de la justice algérienne. Membre des groupes de patriotes, des supplétifs de l’armée engagés dans la lutte anti-terroriste, Mohamed Gharbi, aujourd’hui âgé de 75 ans, a été arrêté dimanche 11 février 2001 après l’assassinat d’Ali Merad, un repenti ayant activé au sein de l’AIS (Armé islamique du Salut), une organisation terroriste dirigée à l’époque par Madani Mezrag.

Menacé à maintes reprises par Ali Merad, Gharbi a donc décidé de se faire justice.

Au terme d’un premier procès qui s’est déroulé en janvier 2004, après trois ans de détention préventive, le prévenu a été condamné à 20 ans de réclusion, peine aggravée lors d’un procès en appel tenu en juin 2009, en une peine de mort.

Le 22 juillet 2010, la Cour Suprême rejette le pourvoi de la défense, confirmant ainsi la peine de mort. Suite à la mobilisation citoyenne, le condamné a obtenu en le 4 décembre 2010 une grâce présidentielle. Depuis, ses soutiens s’activent en faveur d’une remise en liberté.

Pourquoi suscite-t-elle polémique et indignation ?

La condamnation de Mohamed Gharbi provoque l’indignation dans la mesure où, expliquent-ils ses amis, le condamné n’a pas bénéficié de la même mansuétude accordée par l’Etat aux terroristes. Dans le cadre de la politique de réconciliation nationale, des milliers d’activistes islamistes, notamment des émirs, ont été graciés sans le moindre jugement pour de graves faits de terrorisme alors que Mohamed Gharbi continue de croupir en prison.

L’indignation est d’autant plus grande que l’homme, vieux et malade, est un ancien moudjahid qui a décidé de reprendre les armes pour défendre la République contre les terroristes.

« L’Etat a amnistié des assassins de policiers et d’intellectuels, des tueurs qui ont commis des massacres à grande échelle, des égorgeurs de femmes et de bébés, mais il refuse d’accorder une grâce à un vieux moudjahid. C’est proprement scandaleux », s’offusque Khaled, un des membres du comité de soutien de Mohamed Gharbi.

Pourquoi son dossier bloque ?

Après la grâce qui lui a été accordée samedi 04 décembre 2010, Mohamed Gharbi a vu sa peine commuée à 20 ans de réclusion. Ayant purgé le 11 février dernier la moitié de sa peine, soit dix ans de prison, le condamné a introduit une demande de libération conditionnelle au près du directeur de la prison de Khenchela, à l’Est d’Algérie.

En vertu de l’article 134 portant organisation pénitentiaire, le détenu est éligible à une remise en liberté dans le cas où il a déjà purgé la moitié de sa peine. Ce qui est le cas pour Mohamed Gharbi.

Ce dernier a fait suivre cette demande au juge d’application des peines de la cour d’Oum El Bouaghi. Les avocats de Mohamed Gharbi affirment que le dossier est depuis bloqué au ministère de la justice. Pourquoi autant de retards dans cette procédure judiciaire ?

Trois possibilités de réponses : Le ministère gagne du temps sans aucune intention de libérer l’ancien patriote ; le ministère est particulièrement occupé par d’autres affaires ; il fait jouer la montre en attendant d’avoir le consensus autour de cette affaire épineuse.

Que dit le ministre de la Justice Tayeb Belaiz ?

Le ministre de la Justice a mis beaucoup de temps avant de réagir à la polémique que soulève l’affaire. Une fois sorti du silence, Tayeb Belaiz n’aura fait que la raviver sans y apporter de vraies réponses.

« Le dossier sera examiné par la commission d’application des peines du ministère de la Justice dès qu’elle sera transmise, a-t-il déclaré récemment. Une première demande pour bénéficier de la liberté conditionnelle motivée par des raisons de santé qui lui a été refusée ». Pourquoi ce refus ?

Selon le ministre, la commission (composée d’un président de chambre au niveau de la Cour suprême, du directeur des établissements pénitentiaires, d’un directeur du ministère et d’un membre du Conseil supérieur de la magistrature) a soumis l’intéressé à des spécialistes. Ces derniers ont affirmé, après examen, que son état de santé n’était pas incompatible avec son emprisonnement. D’où le rejet de sa demande.

Des explications qui n’agrée pas Me Smaïn Chama, l’avocat de Gharbi. Celui-ci soutient qu’un dossier complet a été présenté au ministère depuis plus de 4 mois, toutefois il reste bloqué pour des raisons inexplicables. Des considérations politiques freinent-elles l’étude de ce dossier ? L’avocat ne l’exclut pas.

Que compte faire le comité de soutien de Mohamed Gharbi ?

Le collectif LMG qui a varié dans les méthodes de mobilisation depuis septembre dernier se montre déterminé à poursuivre le combat pour la libération de Mohamed Gharbi. En attendant d’engager de nouvelles actions, ils attendent une éventuelle grâce à l’occasion du 5 juillet, fête de l’indépendance.