Jamais, depuis que l’Armée nationale populaire a cessé d’être muette, sa communication n’a été aussi remarquée qu’à la suite du drame d’Oum El-Bouaghi. Après les communiqués relatifs au bilan du crash de l’avion militaire et, surtout, le message du chef de l’État, ministre de la Défense, voilà que le vice-ministre de la Défense adresse un message à tout le peuple algérien pour son élan de solidarité.
Un message qui donne lieu à plusieurs lectures. D’abord, pourquoi ce message ? Gaïd Salah a-t-il parlé en tant que vice-ministre de la Défense ? Ou en tant que chef d’état-major ? S’il l’a fait en tant que membre du gouvernement, la logique aurait voulu que ce soit le Premier ministre qui le fasse.
Mais si c’est en tant que chef d’état-major, là, on entre dans une autre dimension. C’est au nom de l’Armée que le général de corps d’armée parle. Et le timing n’est pas fortuit : au moment où l’armée s’est retrouvée mêlée au débat politique et où des risques de dissensions, pouvant influer sur la stabilité du pays et sa crédibilité à l’échelle internationale, ont apparu au grand jour, il était plus qu’indispensable de faire cesser les hostilités. Et c’est le président Bouteflika, chef suprême des armées, qui a dû intervenir pour faire comprendre à tout le monde que la stabilité et l’homogénéité de l’Armée étaient une ligne rouge que personne n’avait le droit de franchir.
Gaïd Salah vient, donc, confirmer cette correction de tir et marteler, dans son message, que l’élan de solidarité ayant suivi le drame d’Oum El-Bouaghi comportait des “signes manifestes et indéniables de la solidité des attaches qui lient le peuple algérien à son Armée”. À décoder : la récente agitation politico-médiatique autour de l’armée n’a, en rien, affecté sa cohésion, encore moins la sympathie et la confiance dont elle jouit auprès de la population. Mais ce qu’il faut retenir de la sortie de Gaïd Salah, c’est qu’elle intervient après celle du chef de l’État. Simple redondance ? Ou affirmation qu’il faudrait compter avec l’Armée en cette phase cruciale que vit le pays ? En tout cas, dans son message, le vice-ministre de la Défense a annoncé la couleur, en déclarant : “Bénis soient ces sentiments populaires nobles et sincères, qui impriment en nous, en tant que militaires, les marques de reconnaissance d’estime et de respect que nous voue le peuple et qui nous incitent et encouragent davantage à toujours aller de l’avant avec détermination et résolution dans le but suprême de préserver le legs de nos vaillants chouhada et perpétuer le message de novembre”.
Là, on est carrément dans le domaine du politique et l’Armée entend le faire savoir. D’ailleurs, l’audience accordée le jour même à Louisa Hanoune, présidente du PT, constitue la parfaite illustration du rôle politique que l’armée entend jouer en cette phase particulière. Même si, au sein de l’Armée, beaucoup de hauts gradés ont plaidé, depuis plus d’une décennie, pour le retrait de l’Armée de la sphère politique, l’incertitude qui entoure la présidentielle d’avril prochain la replace au cœur du débat politique, mais surtout au cœur du centre de décision.
Est-ce pour cette raison que le président Bouteflika a adressé son message de condoléances au vice-ministre de la Défense ? Tout porte à le croire, sinon, l’on s’attendrait à ce que le chef de l’État adresse de pareils messages aux autres ministres du gouvernement, lorsque leurs secteurs respectifs sont touchés par un événement majeur.
Depuis la dernière hospitalisation du président Bouteflika, Gaïd Salah a pris du galon et s’est vu confier, outre la responsabilité de l’état-major, le vice-ministère de la Défense et la commission nationale de sécurité. Il est l’une des rares personnalités à être constamment reçue par le président Bouteflika depuis son dernier AVC.
Ce qui lui confère une stature de personnage de premier rang et, surtout, d’interlocuteur incontournable dans ce qui se trame pour l’après-avril 2014.
A B