Hydrocarbures : Des prévisions pour un baril plus cher en 2017

Hydrocarbures : Des prévisions pour un baril plus cher en 2017

L’expert Mourad Preure a affirmé hier, au forum de la sûreté nationale, que l’Algérie fait face «une crise passagère qui peut durer deux ans à peu près». Serein, l’expert et ancien cadre à la Sonatrach a estimé que notre pays a la capacité pour dépasser cette conjoncture. Il prédit une hausse des prix du pétrole vers la fin de l’année 2016, début de l’année 2017. Il insiste «les prix vont être réorientés vers la hausse».

Pour l’expert, il faut garder son sang-froid mais il préconise en même temps de comprendre que la logique de l’industrie pétrolière a changé. Il explique «qu’aujourd’hui la puissance des pays pétroliers ne repose plus seulement sur le niveau de leurs réserves ou sur le niveau de leur production, mais sur la compétitivité de leurs acteurs, de la puissance de leurs compagnies pétrolières». Il résume «la puissance pétrolière en Algérie réside dans l’expertise et dans la compétitivité de Sonatarch». Il enchaîne «le gisement le plus important dans notre pays, c’est l’intelligence des Algériens, il n’est pas dans le sous-sol».

Il recommande une alliance entre Sonatarch, nos universités et les centres de recherche du pays afin de trouver des solutions technologiques qui réorienteront nos moteurs de croissance. Car il faut comprendre, une fois pour toutes, que le marché pétrolier est convulsif et qu’il est dans sa nature instable. Pour l’expert, «il sera beaucoup plus instable dans le futur». Il dira également qu’il faut aussi comprendre que l’industrie a changé et que les hydrocarbures sont devenus très technologiques, plus difficiles à produire et à découvrir. La solution pour lui est d’opérer un reversement de perspectives stratégiques. Autrement dit, c’est donner une impulsion à nos acteurs en renforçant les articulations entre Sonatrach et l’Université et la recherche nationale.

L’expert a estimé qu’il n’est pas normal que l’université d’Ouargla ne soit pas un leader mondial dans les technologies pétrolières. Et de penser qu’il n’est pas normal aussi que les universités de Laghouat et d’Oran ne soient pas des leaders dans l’industrie gazière. Il poursuit ses remarques en estimant qu’il n’est pas normal aussi que Sonatrach ne soit pas accompagnée par des PME nationales dans les services pétroliers. Il recommande carrément de revoir complètement notre façon de voir l’industrie pétrolière et gazière.

Pour l’expert, notre pays a atteint un niveau d’excellence industrielle et technologique dans le domaine énergétique, la question aujourd’hui est d’aller plus loin. Il ne s’agit pas de rester dans une «situation d’exportateur». Et justement, dit-il, dans des moments de crise, il ne faut surtout ne pas rester dans la posture du gibier, mais il faut se mettre dans la posture du chasseur et courir après le gibier. Il recommande en fait à Sonatrach de se préparer à l’après-crise, «je pense que le niveau des investissements de Sonatrach est cohérent. Les pétroliers ne raisonnent pas sur une année, ils raisonnent sur une échelle de 5 à 10 ans au minimum». Pour lui, Sonatrach doit aujourd’hui maintenir ses investissements et surtout elle doit se muscler sur le plan technologique et managérial. Elle doit également, selon l’expert, se déployer à l’international. Il conclut «la puissance pétrolière de Sonatrach ne doit pas reposer que sur les réserves qui sont en Algérie».

«Si je suis capable de découvrir et produire du pétrole, je le produis là où il se trouve, il faut que Sonatrach sorte de ce marché domestique». Il rassure encore une fois, «il ne faut pas paniquer, l’oiseau n’a pas confiance dans la branche sur laquelle il se trouve, il a confiance dans la vigueur de ses ailes», a-t-il mentionné. L’expert insiste sur le fait qu’on est en face d’un épisode baissier et on ne fait pas face à un choc baissier comme ce fut le cas en 1986.

«Nous avons 12 milliards de barils de réserves en Algérie, les Etats-Unis à 48 milliards de barils de réserves, le niveau de réserves de la Libye et l’Arabie Saoudite à 260 milliards de barils», ajoute Preure. Et ce dernier de poursuivre «les Etats-Unis n’ont que 48 milliards de barils de réserves, ils ne sont pas en mesure de bouleverser l’industrie pétrolière mondiale sur le long terme».

Le scénario d’une hausse des prix des hydrocarbures vers l’année 2017 et 2018 est plausible car, explique-t-il encore, «on est en face à un épisode baissier, il y a une pression, il y a une offre plus importante et on a une demande qui a ralenti. Les prix vont augmenter». L’argument de Preure est que «la Chine est en train de passer d’un modèle de croissance tiré par les exportations vers un modèle de croissance tiré par la demande interne». Il affirme que la Chine est en train de changer son mode de croissance, en augmentant les salaires pour les Chinois et si 1,3 milliard de Chinois vont tirer la croissance, «ça va être le turbo» et du coup la hausse des prix de l’or noir.

La baisse des prix des produits agricoles à l’échelle internationale, pas pour longtemps

Fouad Chehat, directeur général de l’INRAA, n’a pas exclu lors de son intervention une hausse des prix des produits agricoles et alimentaires à l’échelle internationale, notamment si les prix des hydrocarbures connaîtront une hausse, comme le présagent les experts vers la fin de l’année 2016 et début 2017. Il avertit en précisant que «la volatilité des prix des produits agricoles est devenue phénoménale depuis 2006». Il poursuit «on n’a jamais connu une assez grande instabilité des prix des produits alimentaires, et donc, il ne faudrait surtout pas prendre au pied de la lettre la tendance à la baisse des prix des produits agricoles».

Chehat préconise l’intensification de la production nationale, notamment les productions agricoles principales, au lieu de se limiter à réduire le volume des importations par des calculs tantôt baissiers ou haussiers, «cela s’applique également au secteur des hydrocarbures», dit-il. Il a appelé à plus d’engagement et de souplesse de la part de l’administration, pour encourager les agriculteurs à faire augmenter les rendements et améliorer la qualité de la production et surtout à moderniser les moyens et les mécanismes d’intervention dans le secteur.

Il a recommandé également la diversification de la production agricole, «on a beaucoup de produits qui sont ignorés ou abandonnés par l’économie nationale. Personne ne s’en occupe, dont certains produits qui ont été exploités après l’indépendance et abandonnés après». Le DG de l’INRAA cite à tire d’exemple le figuier de Barbarie qui permet aujourd’hui au Mexique de faire rentrer, chaque année, 2 milliards de dollars, «alors que chez nous il est considéré comme une chose qui ne sert à rien». Il précise qu’il s’agit d’un fruit dont on peut utiliser la peau pour la production de médicaments. Et qu’on peut produire avec sa raquette des aliments pour le bétail, et du coup, on importera moins d’orge pour les ovins. Il poursuit en affirmant qu’on peut même produire à partir de ses graines une fois écrasées des huiles qui seront utilisées dans le domaine pharmaceutique et la cosmétique. Pour le conférencier, il s’agit d’un exemple parmi tant d’autres, et qu’il faut juste se mettre au travail.

Pour Fouad Chehat, la crise qui menace notre pays n’est pas économique mais financière, «pour la simple raison qu’on n’est pas dans une situation de surproduction ou qu’on ne trouve pas où vendre le surplus». Il a recommandé plus d’engagement pour moderniser le secteur agricole et la filière de l’aquaculture. Il conclut «l’Algérie n’est pas prise à la gorge sauf si les hommes l’abandonnent».