«Les Algériens ont produit du jeu, mais n’ont pas eu de finisseur.»
Directeur technique national de la Fédération française de football, Gérard Houllier, a assisté à la Coupe du monde en qualité d’expert technique de la FIFA.
Il a donc suivi le tournoi en le scrutant d’un regard technique qui, ajouté à son expérience professionnelle comme entraîneur et de sélectionneur, le met dans une excellente position pour analyser, pour nos lecteurs, les performances des sélections africaines durant le Mondial qui vient de s’achever.
On attendait beaucoup de la participation africaine à ce Mondial, surtout que la compétition s’est déroulée en terre africaine, mais il y a une désillusion au final. Comment analysez-vous les prestations des sélections africaines ?
Si on prend les sélections séparément, on peut dire que le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et même l’Algérie ont des formations qui pouvaient passer au moins aux huitièmes de finale.
L’Algérie est passée tout près de le faire contre les Etats-Unis ; la Côte d’Ivoire est tombée dans un groupe extrêmement difficile et elle n’a pris conscience de ses possibilités qu’à la fin, cela sans oublier que Didier Drogba était blessé ; cela a été probablement plus décevant pour le Cameroun qui a donné l’impression de ne pas pouvoir surmonter ses problèmes internes ; le Nigeria est tombé dans le groupe de l’Argentine et face à cette équipe, elle a encaissé un but sur corner, ce qui a un peu freiné son parcours.
L’Afrique du Sud aurait pu aller loin, mais il est regrettable qu’il y ait eu ces décisions défavorables de l’arbitre lors du match face à l’Uruguay (expulsion du gardien de but sud-africain, ndlr). Bien sûr, la grande satisfaction est le Ghana qui n’a pas été loin d’une place en demi-finale avec ce penalty raté à la dernière seconde des prolongations suite à la main de Suarez.
Quelle est votre appréciation d’ensemble ?
Dans l’ensemble, j’ai trouvé le football africain en progrès. Les équipes sont mieux structurées. Simplement, je leur dirai : lâchez-vous un peu ! Maintenant qu’il y a plus de rigueur tactique dans leur jeu, il faudrait que cette discipline s’accompagne de ce qui fait la force des Africains, à savoir la créativité, l’imagination et l’inattendu.
Cela va venir. Peut-être que le Ghana n’était pas loin de trouver le mixage adéquat. Autre point : j’ai trouvé les gardiens de but en progrès, plus particulièrement ceux du Ghana, du Nigeria et de l’Algérie. C’était un poste déficitaire par le passé. J’aime toujours voir une équipe africaine jouer parce que ça représente une joie et une expression différentes.
Maintenant, il y a aussi un inconvénient : jouer la CAN au mois de janvier. Si on jouait un championnat d’Europe en janvier et la Coupe du monde cinq mois plus tard, personne ne pourrait tenir le coup. C’est impossible ! Je dirai même que c’est physiquement insurmontable. J’ai appris qu’à partir de 2013, la CAN se jouera durant les années impairs. C’est une très bonne chose car, autrement, les joueurs seraient essorés.
Ne pensez-vous que pas que, dans leur tête, les joueurs africains ne soient pas conquérants ?
Je ne le pense pas. J’ai trouvé le Ghana audacieux, même si ce n’était pas assez. C’est juste que les équipes africaines doivent apprendre à prendre des risques. Je leur dis : dorénavant, attaquez !
Qu’avez-vous trouvé de bon et de mauvais dans les prestations de la sélection d’Algérie ?
Je résumerai mon appréciation en deux phrases. Le bon, c’est que les joueurs ont joué en équipe. C’était justement une belle équipe, capable de produire du jeu. Le moins bon, c’est qu’ils n’ont pas eu de finisseur.