Hopitaux publics et prives en Algerie : Les enjeux de la privatisation des soins en Algérie

Hopitaux publics et prives en Algerie : Les enjeux de la privatisation des soins en Algérie

L’un des plus anciens hôpitaux en Algérie, et qui demeure en activité jusqu’à ce jour, est l’hôpital ex-Maillot, actuel hôpital Mohamed-Lamine Debaghine ; il a été construit durant la période ottomane, par Hassan Pacha en 1797 et a été aménagé par le Dey Hussein en 1820. Il a été occupé et modernisé par l’administration française à partir de 1830 et reste le doyen des établissements hospitaliers en Afrique du nord. On l’appelait l’hôpital du Dey.

L’autre ancien hôpital est l’établissement hospitalier Mustapha Pacha, qui a été fondé durant la colonisation française en 1854 et demeure l’un des plus grands centre hospitalier d’Afrique. L’hôpital Mustapha-Pacha n’est pas seulement un établissement hospitalier, c‘est aussi un hôpital de Faculté disposant de grands services d’enseignement.

D’autres hôpitaux, construits durant la colonisation, comme celui de Béni-Messous, de Birtraria, de Douéra et de Parnet à Hussein-dey, sont aussi d’anciens centres hospitaliers qui ont été beaucoup fréquentés par les patients de l’Algérois.

A l’indépendance, après le départ massif des médecins français, le système de santé a été disloqué, malgré la présence de quelques médecins algériens, français d’ici et d’outre-mer. Il a fallu l’apport de médecins étrangers venus principalement des pays de l’est, des russes, des roumains, et aussi des cubains, pour compenser le vide laissé par le corps médical français.

Les autorités algériennes de l’époque ont mis en place une organisation et un plan de formation médicale et paramédicale destinés aux étudiants algériens qui avaient le niveau requis. En parallèle, l’Etat algérien, devant la croissance de la population, entame un programme de construction de centres de santé et de polycliniques pour pouvoir désengorger les centres hospitaliers universitaires (CHU) existants.

Il a également tracé une politique de santé basée sur la lutte contre les maladies infectieuses contagieuses, telle que la tuberculose.

Pierre Chaulet (1930-2012), un médecin algérien d’origine française, militant nationaliste durant la guerre d’Algérie, travaillait en médecine à l’hôpital Mustapha où il donnait des cours de pathologie respiratoire et de thérapeutique avec son collègue Djilali Larbaoui dès janvier 1964, et crée avec celui-ci en mai 1965 le « Comité algérien de lutte contre la tuberculose » qui a grandement contribué à l’éradication de cette maladie en Algérie.

A partir des années 1970, l’Algérie enregistrait, chaque année, de nouveaux diplômés dans la santé, médecins, assistants, infirmiers, sages-femmes et gestionnaires paramédicaux. De là, le système de santé commence à s’améliorer et à s’organiser, et donnera des résultats probants dans la couverture de la santé des citoyens, principalement dans les hôpitaux des grandes villes.

Il est vrai, qu’à l’époque, il y avait de la qualité dans tout le corps médical et nos écoles de santé et nos universités étaient réputées pour la compétence et la qualité des professeurs et formateurs. A tel point que, dans les années 80, nos voisins Tunisiens, Marocains et Africains venaient suivre, gratuitement, leur formation médicale et paramédicale dans les universités et instituts algériens .

e décret n° 88-204 du 18 octobre 1988 a fixé les conditions de réalisation, d’ouverture et de fonctionnement des cliniques privées ; dans son article 5, il est stipulé que la capacité de la clinique doit être de quinze à quatre vingt dix lits. Puis revu, dans le décret modifié de 2002, comme suit : La capacité minimale d’une clinique est fixée à sept lits. On peut remarquer, à travers cette modification, la facilitation à ouvrir une clinique avec un minimum de lits pour les patients.

D’ailleurs de nombreuses cliniques peuvent être consacrées comme « hôpital » si elles répondent aux conditions de la loi. Hôpitaux privés veut tout simplement dire que certaines prestations seront financées par les caisses d’assurance. C’est ce qui se fait dans les pays où coexistent les systèmes de santé public et privé. Pour ceux qui sont favorables à cette démarche, il est préférable de payer certaines prestations des hôpitaux privés que d’envoyer les Algériens se soigner à l’étranger. Ils estiment que le secteur de la santé publique ne pourra jamais, au stade où sont les choses en matière de gestion et de salaires, atteindre un niveau appréciable de prestations. Et comme l’Algérie a décidé de ne plus envoyer de malades à l’étranger à partir de 2009, il va falloir trouver des solutions de qualité que les hôpitaux publics ne peuvent prendre en charge.

Dans certaines cliniques privées, les tarifs priment sur l’éthique et des professionnels regrettent que le

processus de déontologie de la médecine n’ait jamais été respecté.

tre malade est le mal que le commun des mortels voudrait certainement s’éviter. De nos jours, le plus dur est d’attraper une maladie et de ne pas pouvoir bénéficier d’une prise en charge adéquate que ce soit dans un hôpital public ou dans une clinique privée

Les cliniques privées implantées dans la seule ville d’Alger ne désemplissent jamais ou presque. Pourquoi et comment se fait-il que des malades atterrissent chez le privé, tandis qu’il y a au moins un hôpital dans chacune des villes du pays ? Aujourd’hui, il n’est un secret pour personne : de nombreux citoyens soupçonnent légitimement la complicité des personnels de certains hôpitaux publics, lesquels orienteraient volontairement des patients vers des cliniques privées.

Pour les convaincre, ils leur font souvent avaler la pilule que l’hôpital n’aurait pas les moyens de les prendre convenablement en charge. D’où l’acceptation presque automatique de nombreux patients condamnés à se soigner dans les délais. Se faisant souvent convaincre de cette urgence, certains citoyens dépourvus de moyens, recourent même à la vente de leurs biens pour se permettre une prise en charge dans une clinique privée. Les cliniques privées répondent-elles réellement aux normes requises pour recevoir et traiter les malades dans différentes spécialités ? ‘’Non, pas forcément’’, selon un citoyen qui déclare avoir été arnaqué par les responsables d’une clinique privée. ‘’Ils ne voient devant eux que la cagnotte à empocher, ils font du commerce avec la santé des humains, ce sont des sangsues !’’ dénonce ce père de famille, qui a épuisé ses économies de plus d’une vingtaine d’années, pour aider sa femme à se soigner dans une clinique privée, avant qu’elle soit réorientée vers un hôpital public. C’est le cas aussi de ces parents d’une famille qui ont été priés de payer la facture des soins de leur fille, hospitalisée dans une clinique privée à l’ouest du pays, même après le décès de la malade ! Pour les convaincre à payer, les responsables de cette structure privée avaient alors inventé le mensonge que la malade, morte, était en consultation et que personne ne pourra donc la voir. ‘’Il a fallu que nos parents déboursent la sommes exigée pour enfin récupérer la dépouille de notre soeur’’, confient les frères de la défunte ! Des professionnels regrettent que le processus de déontologie de la médecine n’y soit jamais respecté.’’C’est devenu une pratique courante dans certaines cliniques privées ; des médecins généralistes se font souvent passer pour des spécialistes et arnaquent des malades. C’est immoral !’’, dénonce un praticien spécialiste, sous le couvert de l’anonymat. En outre, ce médecin remet en cause l’indisponibilité pluridisciplinaire dans les cliniques privées. ‘’Comment se fait-il qu’on mette en place plusieurs spécialités alors que la structure ne s’y prête pas ?’’, s’interroge-t-il. ‘’Beaucoup de cliniques privées n’ont pas les moyens de leur politique’’, déplore notre source, pour qui la plupart de ses structures ne respectent pas les cahiers des charges définis par le ministère de tutelle. Sur la totalité des cliniques privées agréées par l’État, rares sont celles qui répondent aux dispositions requises par la loi régissant ce secteur. Pour certains, ouvrir une clinique privée en Algérie est plus une affaire commerciale qu’un investissement dans le domaine de la santé, c’est-à-dire un investissement visant le développement de la structure et l’amélioration des prestations. Loin s’en faut. Alors que l’hôpital public est à l’agonie, les cliniques privées affichent des profits sans précédent sur le dos des patients et de la sécurité sociale. Soulignons que la Loi 85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé dit, dans son article 2 du chapitre des principes fondamentaux, ce qui suit : ‘’La protection et la promotion de la santé concourent au bien être physique et moral de l’homme et à son épanouissement au sein de la société, et constituent, de ce fait, un facteur essentiel du développement économique et social du pays’’. De l’avis des spécialistes, le système national de santé est, aujourd’hui, insuffisant par rapport à la demande. Ce système, qui n’a pas prévenu les phénomènes de la croissance démographique et de la multiplication de nouvelles pathologies, a engendré une gestion catastrophique avec comme résultats : hôpitaux saturés, médicaments en rupture de stock, personnel médical et paramédical insuffisant et parfois non qualifiés, matériel obsolète. A cela s’ajoute la vétusté des équipements et des structures dont les grands CHU de la capitale, (Mustapha-Pacha, Bab El-Oued, ex-Maillot, Béni-Messous, Birtraria) datant de l’époque coloniale. En plus, le manque criant de médicaments de base est constamment signalé au niveau des hôpitaux. Par conséquent, les citoyens, livrés à leur détresse, ont davantage perdu confiance en les compétences du secteur public, et en les moyens des hôpitaux. De nombreux patients algériens, y compris les plus démunis, se trouvent de plus en plus contraints de se soigner dans des cliniques privées .

Un patient dans un hôpital public est indigné par la qualité des prestations dans le service des urgences médicales ; «C’est la désolation !» lance-t-il aux nombreux patients qui attendent leur tour, assis sur des sièges métalliques inconfortables. «C’est insupportable, je ne pourrais pas tenir, j’ai peur de vomir encore ici», se plaint une jeune fille auprès de sa mère et de son père qui l’accompagnent. «C’est cela qu’on appelle un service des urgences médicales d’un grand CHU de la capitale ?» s’interroge, d’une voix grave, un homme d’une quarantaine d’années souffrant de maux de tête depuis deux jours.

«Ils vont me faire une injection, j’en suis sûr. Je me demande ce que je fais ici. J’aurais dû partir directement chez un spécialiste privé», lance un jeune, debout, parmi une masse humaine, attendant son tour à l’entrée d’une salle de soins. «Aucun agent pour veiller au respect de l’ordre ; c’est à toi de te rappeler de la dernière personne qui est arrivée avant toi », dit une patiente âgée à une autre femme, venue en compagnie de sa mère diabétique. « Le parterre est propre, mais une odeur des plus nauséabondes se dégage des sanitaires, juste en face du bureau du médecin. C’est carrément l’odeur de l’urine, disons le sans détour. Et c’est insupportable », ajoute-elle.

«Ce n’était pas comme ça avant. Il y avait une certaine pression sur le service, mais il y avait aussi un certain ordre et aussi une hygiène appréciable. Les agents de nettoyage, de sécurité et les infirmiers étaient à cheval», lance nerveusement un homme âgé, assis près de la porte d’entrée de la salle d’attente. Il ajoute : «Aujourd’hui, la situation s’est complètement dégradée et personne ne peut dire pourquoi ce laisser aller. Le bureau d’inscription se trouve dans un endroit complètement retiré, peu visible au visiteur qui doit s’y rendre pour remplir la fiche verte et remettre la somme symbolique de 100 DA».

«Nous sommes obligés de nous montrer accueillants et agréables», dit une assistante médicale pour essayer de calmer les esprits. «Nous faisons de notre mieux pour bien les orienter», dit un agent de sécurité. «Je ne vous dis pas combien de menaces nous recevons chaque jour de certains citoyens. Des menaces de coup de couteau», poursuit-il indigné.

«Cela fait des années que les responsables en charge du secteur de la Santé promettent et s’engagent à améliorer le fonctionnement des services de Santé, toutes spécialités confondues et partout dans le pays la situation ne fait qu’empirer », témoigne un ancien cadre de la santé venu accompagner son voisin malade; il ajoute : «Des sommes colossales ont été investies dans la réalisation de nouveaux établissements et de nouveaux services, l’acquisition de matériel, qualifié de performant, et l’augmentation des salaires des personnels médicaux, paramédicaux et autres employés, mais les choses vont de mal en pis. Ça se dégrade de jour en jour, sans raison apparente ; c’est la lente agonie du secteur de la santé publique où la qualité des prestations ne cesse de régresser».

Dernièrement, le 16 décembre 2014, le bureau de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) à Laghouat dénonce «l’état déplorable de l’hôpital Docteur Saadane» pour enfants où plusieurs malades sont décédés à cause de cette situation. Cette association impute «la totale responsabilité aux dirigeants et au corps médical et paramédical pour leur implication directe dans la situation catastrophique dans laquelle se trouve cet établissement hospitalier». La LADDH déplore aussi «le manque flagrant de médecins en activité au sein de l’hôpital. Un manque d’effectif aggravé par un manque d’éthique avérée à la répartition des heures de travail ».

S’agissant du système de rendez-vous, le président du Conseil national de l’ordre des médecins, M. Bekkat Berkani Mohammed explique, dans une revue médicale nationale, que «le secteur public respecte, en règle générale, le système de rendez-vous, car les médecins ont un planning de consultations à respecter. Il y a des spécialités qui drainent beaucoup de monde comme l’ophtalmologie, la gynécologie et la cardiologie. Ces derniers appliquent tous ce qui est en leur possible pour satisfaire la demande importante ; chose qui n’est pas toujours possible». ‘’Mais les rendez-vous dans les EPH et EPSP ne sont pas respectés’’ se plaigant des patients. M. Berkani relève un autre point, à savoir «le manque de spécialistes dans plusieurs disciplines. La formation de ces médecins spécialisés n’est pas suffisante en nombre». L’ouverture en 1988 des cliniques privées et leur généralisation vers le début des années 1990 n’ont fait que précipiter l’agonisant secteur public. Les hôpitaux publics ne cessent, depuis, de subir une véritable saignée de leur personnel qualifié. Les propriétaires, des professeurs du secteur public pour leur majorité, de ces structures privées proposant alors des salaires et des conditions de travail bien meilleures que le public. En dépit de l’interdiction, le personnel n’ayant pas encore quitté le secteur public ne se prive pas de cumuler un deuxième poste chez le privé .