La galerie Racim, sise avenue Pasteur, était bondée de monde samedi dernier à l’occasion de l’hommage appuyé rendu par Abderrahmane Ali-Khodja, fils du défunt peintre qui a laissé un legs précieux d’œuvres où resplendissent la profondeur et la magnificence de l’art pictural algérien.
Cet alchimiste tourmenté en véritable cérébral, tant il avait une relation passionnée et authentique à la peinture sous toutes ses dimensions esthétiques, était véritablement habité par la création et sa richesse picturale ; il fut surtout fut un grand amoureux de l’art qui laisse derrière lui une œuvre monumentale d’une portée plurielle.
Après l’hommage que lui a récemment rendu la Bibliothèque nationale, c’était au tour du président de l’UNAC, M. Laroussi, et à l’initiative du fils du défunt et de M. Mustapha Orif, directeur de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel, de présenter, face à une nombreuse assistance composée d’illustres peintres ayant côtoyé l’artiste ainsi que de personnalités de la scène politique tels que des sénateurs et maître Ali Haroun, des communications où les intervenants ont évoqué la vie et l’œuvre de l’artiste avec la projection de diapositives ainsi que le riche parcours artistique du peintre. M. Abderrahmane Ali-Khodja, visiblement ému par la grande affluence du public, a retracé l’itinéraire multiple et tumultueux de son père qui fut un artiste algérien complet dont la vie et le parcours furent intimement liés au destin de son pays. Ce n’est pas sans raison qu’il reçoit, après toutes ses nombreuses créations picturales, la médaille du Mérite national remise par le président Chadli en 1987 à Alger.
Né le 13 janvier 1923 dans une famille algéroise d’origine ottomane, Ali Ali-Khodja était le descendant du dey Khodja et le neveu des frères Racim. Orphelin à l’âge de 4 ans, sa mère sans ressources financières s’installe chez son frère Mohamed Racim… Après l’obtention de son certificat d’études, le peintre intègre en 1940 l’ancienne école des Beaux-Arts d’Alger située dans le quartier de la marine. Il enseigne la calligraphie et l’enluminure et aura comme condisciples des peintres comme Temmam, Ghanem et Yelles. C’est dans l’atelier de son oncle Mohamed Racim qu’il s’initie aux méthodes traditionnelles de la calligraphie à l’instar des peintres flamands de la Renaissance. Il présente sa première exposition et reçoit une bourse d’études. L’intervenant nous montre des images de miniatures réalisées par le peintre représentant des portraits de musiciennes algéroises et blidéennes. Cette période verra la participation du peintre à l’artisanat avec notamment la décoration de coffres. En 1947, Ali-Khodja est membre de la Société des arts orientalistes. Il se marie en 1952 et participa à sa dernière exposition durant la période coloniale et cesse toute activité pendant la guerre et sera mobilisé durant la grève des huit jours. Il échappe à une mort certaine lors d’un accrochage à la Casbah et aide les maquisards en leur préparant de faux papiers. A l’Indépendance, il reçoit la médaille du meilleur ouvrier de France, mais à quelques jours des accords d’Evian, il échappe de justesse à la horde criminelle de l’OAS et rejoint Boumerdès avec sa famille. Dès 1963, il se tourne vers la peinture, alors qu’il sera professeur à l’Ecole des Beaux-Arts ; un poste qu’il occupera de 1961 à 1994. A l’occasion du premier anniversaire de l’Indépendance, il élabore des timbres et réalise des affiches pour les floralies d’Alger et en 1969 celle du 1er Festival panafricain. Durant cette période, il rompt avec les techniques de la miniature et se tourne résolument vers la peinture à l’huile semi-figurative avant d’adopter l’aquarelle et la peinture abstraite. Il renoue avec le sens de la couleur après s’être consacré à la peinture animalière car, nous apprend son fils, il adorait les chats. Ce dernier dira que son père étaient beaucoup affligés de voir les reproductions mièvres de certains artistes, lui qui plaçait l’art comme préoccupation essentielle et croyait en une vision futuriste de la peinture. A la fin de sa vie, il découvre les merveilles de l’Internet et continue de peindre dans son atelier à El-Biar entre son chevalet et la musique de Chopin, de Bahdja Rahal ou de son vieil ami Ahmed Serri. A sa mort le 7 février 2010, alors qu’il est âgé de 87 ans, le grand peintre qui était resté un artiste toujours jeune d’esprit, curieux, pensif, enthousiaste et créateur, laisse à la postérité une œuvre inachevée et orpheline de son créateur. Il est enterré dans le caveau familial où reposent ses oncles maternels. A signaler qu’une belle exposition regroupant une trentaine d’œuvres de l’artiste se tient actuellement à la galerie.