François Hollande a affronté mardi le cri d’alarme d’organisations qui l’ont vivement interpellé sur la progression de la grande pauvreté en France et mis en garde contre la stigmatisation des exclus et chômeurs, y compris par ses propres ministres.
Pour la deuxième fois en une semaine, le chef de l’Etat était sur le terrain pour une visite consacrée à des questions sociales, avec la volonté manifeste de renouer le lien brisé avec les Français qui ne sont que 16% à lui accorder leur confiance, selon un dernier sondage.
Comme à Angoulême jeudi où il dressait le bilan du 3e « plan autisme », François Hollande s’est rendu à Clichy-la-Garenne, aux portes de Paris, pour dresser celui d’un plan de lutte contre la pauvreté lancé il y a un peu moins de deux ans.
Après une visite des locaux de l’Agence du don en nature (ADN) qui collecte les invendus des industriels pour les redistribuer aux organisation caritatives -une « start-up sociale » selon sa propre expression-, le président est entré dans le vif du sujet lors d’une table-ronde.
Et si le ton de la dizaine de dirigeants d’organisations caritatives de premier plan qui l’entouraient est resté policé, leurs interpellations ont été sans détours.
Thierry Kuhn, président d’Emmaüs France, a déploré les « paroles, y compris au plus haut niveau de l’Etat, sur la stigmatisation des chômeurs », évoquant le « projet de contrôle renforcé des chômeurs » avancé début septembre par le ministre du Travail François Rebsamen.
« Encore trop de discours publics continuent à entrer dans la stigmatisation des chômeurs », a regretté de la même manière le président du Collectif Alerte, François Soulage.
A ces interpellations, le chef de l’Etat a répondu par un discours de principe, comme s’il voulait définitivement effacer les mots de son ex-compagne Valérie Trierweiler qui l’avait accusé de mépriser les pauvres, les « sans-dents », selon une expression dont il avait vivement contesté la paternité.
« Les pauvres dans notre pays sont des citoyens non pas comme les autres mais à l’égal des autres », a-t-il martelé, soulignant que la pauvreté était « une blessure pour celles et ceux qui sont concernés » et « une humiliation pour la République ».
‘Marée de la pauvreté’
Pour François Hollande, « la solidarité n’est pas un supplément d’âme » mais « un principe républicain qui ne passe pas par l’Etat mais par l’ensemble de la société française ».
« La fierté collective, c’est de permettre que nous puissions, non pas supprimer, éradiquer la pauvreté mais faire en sorte que tous ceux qui sont loin puissent être ramenés, raccrochés, repris par l’action collective », a-t-il enchaîné avant d’insister: « C’est ça qui fait non pas seulement la dignité d’un individu mais la fierté d’une nation ».
Très écouté par le chef de l’Etat auquel il avait inspiré son pacte de responsabilité, Louis Gallois, président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), avait appelé auparavant à « une parole politique forte (…) face à la marée de la pauvreté ».
Quant à Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, il avait pointé le « renoncement » du président à l’une de ses promesses de campagne, la garantie universelle des loyers qui ne concerne finalement plus que les jeunes salariés et les personnes en situation précaire.
Signe des temps, le directeur général de la Croix-Rouge française, Stéphane Mantion, a lancé une « alerte importante », évoquant ses propres « bénévoles qui deviennent des bénéficiaires », étant eux-mêmes frappés par la misère sociale.
En 2011, selon la dernière enquête en date de l’Insee sur ce sujet, 8,7 millions de personnes, soit 14,3% de la population, vivaient en dessous du seuil de pauvreté (977 euros mensuels).
Si l’ancien leader de la CFDT François Chérèque, chargé du suivi du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, a estimé que ses principaux objectifs étaient atteints, il a déploré la « grande complexité » d’un plan décliné en 61 mesures et 7 axes.
Les points noirs, a-t-il souligné, restent l’hébergement d’urgence et le logement avec des « retards dans la construction de logements sociaux et très sociaux » et la fusion du RSA et de la prime pour l’emploi toujours en suspens.
« Il nous reste encore beaucoup à faire », a reconnu la secrétaire d’Etat à la lutte contre l’exclusion, Ségolène Neuville.