Hollande ou Sarkozy ? Alger n’a pas « voté » mais préfère le socialiste

Hollande ou Sarkozy ? Alger n’a pas « voté » mais préfère le socialiste

Hollande ou Sarkozy ? Sarkozy ou Hollande ? Si officiellement Alger n’a pas de candidat préféré, si encore les officiels algériens n’ont pas commenté les résultats du premier tour de l’élection présidentielle française, l’arrivée probable du socialiste François Hollande au pouvoir le 6 mai devrait donner une nouvelle tonalité aux relations algéro-françaises.

Sur l’Algérie, François Hollande ne marche guère sur les traces de son rival. Mais pas du tout.



Avant même ce fameux premier tour, les Algériens ont effectué des travaux d’approche en direction du candidat socialiste arrivé en tête devant le président sortant.

L’ambassadeur sollicite Ayrault

Selon nos informations, l’ambassadeur d’Algérie à Paris, Missoum Sbih, en poste depuis 2005, a sollicité et obtenu au cours de la dernière semaine de la campagne électorale française une rencontre avec le président du groupe parlementaire PS, Jean-Marc Ayrault, possible Premier ministre en cas d’élection de Hollande.

Si rien n’a filtré de cette entrevue entre l’ambassadeur algérien et le conseiller-spécial du candidat socialiste, tout porte à croire que les Algériens veulent anticiper sur l’avenir.

Certes l’arrivée probable au pouvoir d’un président socialiste, le premier depuis François Mitterrand (1981-1995), ne devrait pas bouleverser substantiellement les rapports entre les deux pays, mais elle ne constituerait pas moins un tournant.

Tournant car le député de la Corrèze, 58 ans, qui dit vouloir être un « président normal » et dont le père fut un partisan de l’« Algérie française », veut refonder les liens entre les deux pays sur de nouvelles bases. Plus apaisées, moins conflictuelles que ne l’ont été celles qui ont marquées le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Bien qu’il se soit rendu deux fois en Algérie, d’abord en novembre 2006 comme ministre de l’Intérieur, puis en visite d’Etat en décembre 2007, Nicolas Sarkozy aura échoué à refonder ces relations.

Signes patents de cet échec, l’enterrement en décembre 2007 en grande pompe du traité d’amitié initié par Jacques Chirac lors de sa tournée historique en Algérie en mars 2003.

Traité d’amitié enterré

L’autre signe évident de cet échec est l’annulation de la visite d’Etat que devait effectuer en France le président Bouteflika. Visite troquée par le président algérien en échange de sa participation au sommet de l’Union pour la Méditerranée en juillet 2008.

En cinq ans d’exercice, Nicolas Sarkozy aura donc échoué à dépassionner ces relations entre Algériens et Français.

François Hollande ferait-il mieux ? S’il n’a pas évoqué pour l’heure une éventuelle visite officielle en Algérie dans le cas où il serait élu président, il a en revanche, et contrairement au président Sarkozy, envoyé trois signaux forts en direction des Algériens au cours des sept derniers mois.

17 octobre 1961

La première fois lundi 17 octobre 2011 lors de la commémoration des massacres du 17 octobre 1961 à Paris. Sur le pont de Clichy, à Paris, François Hollande avait rendu un hommage symbolique aux manifestants algériens massacrés lors de ces manifestations.

« Je voulais être là, fidèle à la promesse que j’avais faite. Je suis venu témoigner de ma solidarité aux enfants, petits-enfants de ces familles endeuillées par ce drame.

Il faut que la vérité soit dite. Sans repentance, ni mise en accusation particulière. Reconnaitre ce qui c’est produit. Aujourd’hui je le fais en tant que socialiste. Ensuite, ce sera sans doute à la République de le faire… »

A l’époque, les Algériens avaient apprécié ce geste de la part de cet homme qui avait séjourné en Algérie au cours des années 1970 à l’occasion d’un stage qu’il avait effectué comme élève à l’ENA.

19 mars 1962

Le deuxième geste est sous la forme d’une tribune publiée dans Le Monde et le quotidien algérien El Watan lundi 19 mars 2012, à l’occasion du cinquantenaire de la signature des accords d’Evian en mars 1962 qui ont mis un terme à plus de sept ans de guerre d’Algérie. Encore une symbolique.

« La France et l’Algérie ont un travail en commun à mener sur le passé pour en finir avec la guerre des mémoires ».

L’objectif du candidat socialiste ? « Passer à une autre étape, afin d’affronter les défis commun en Méditerranée ».

François Hollande, qui a effectué une visite en décembre 2010 en Algérie à l’invitation du Front de libération nationale (FLN), avec lequel le parti socialiste entretient de bonnes relations, émettait le souhait que l’avenir « se construise ensemble ».

11 avril 2012

Le troisième geste qui n’est pas moins fort et moins symbolique a été adressé lors du décès le 11 avril de l’ancien président algérien, Ahmed Ben Bella, lequel avait reçu François Hollande dans sa villa à Alger en décembre 2010.

En saluant la mémoire de Ben Bella, le candidat socialiste, né deux mois et demi avant le début de l’insurrection du 1er novembre 1954, a glissé, une fois de plus, message à l’adresse des Algériens :

« Cinquante ans après l’indépendance de l’Algérie, et quelques semaines après l’anniversaire des accords d’Evian, je forme le vœu que les peuples algérien et français puissent s’engager dans une nouvelle ère de coopération ».

Hollande ? Plutôt sympathique

Contrairement à Nicolas Sarkozy dont l’image auprès des Algériens demeure négative, François Hollande suscite plutôt de la sympathie.

Si le premier n’a cultivé aucune proximité avec l’Algérie – hormis ces deux voyages comme candidat puis comme président -, le second a tissé des liens avec d’anciens amis de l’ENA, mais aussi avec des responsables du FLN qui siège au côté du PS au sein de l’Internationale socialiste.

Bien moins connu du public algérien que le président actuel, l’ex-premier secrétaire du parti socialiste se dit pas moins « ami de l’Algérie » et n’hésite pas à rappeler qu’il s’y rend à « peu près tous les quatre ou cinq ans ».

De plus, il est favorable au vote des étrangers aux élections locales, ne stigmatise par les immigrés et surtout il n’a l’intention de renégocier, comme Nicolas Sarkozy, les accords de 1968 entre Alger et Paris pour limiter les entrées des Algériens en France.

Que doit faire le prochain locataire de l’Elysée pour retisser ces liens dénoués ?

Pour François Hollande, le nouveau chef d’Etat français doit donner une nouvelle impulsion à la relation franco-algérienne en évoquant « le passé », en reconnaissant « l’épreuve que cela a été pour la population algérienne », mais sans pour autant que la France ne présente des « excuses » ou fasse acte de « repentance » comme le réclame une partie de la classe politique algérienne.

Certes. Mais pour cela, il faudrait que de l’autre côté de la Méditerranée, une nouvelle génération de dirigeants algériens, trentenaires, quarantenaires ou cinquantenaires et n’ayant pas connu la guerre d’Algérie, accède au pouvoir.