Hollande affirme ne pas être venu en Algérie faire « repentance ou excuses »

Hollande affirme ne pas être venu en Algérie faire « repentance ou excuses »

Le début « d’un nouvel âge » entre la France et l’Algérie : c’est la volonté de François Hollande, qui a débuté mercredi 19 décembre une visite de trente-six heures outre-Méditerranée, où il a été accueilli par une foule en liesse. Le président français a affirmé qu’il n’était pas venu en Algérie « faire repentance ou excuses ».« Je viens dire ce qu’est la vérité, ce qu’est l’histoire », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse au premier jour de son déplacement.

« CE VOYAGE, IL EST SUR L’AVENIR »

« Il y a une vérité à dire sur le passé et il y a surtout une volonté à prononcer pour l’avenir. Et ce voyage il est sur l’avenir, il est pour engager une mobilisation de nos deux sociétés », avait déclaré le président dans son propos liminaire. « J’ai toujours été clair sur cette question : vérité sur le passé, vérité sur la colonisation, vérité sur la guerre avec ses drames, ses tragédies, vérité sur les mémoires blessées », a-t-il précisé en réponse à une question sur les demandes d’excuses ou de repentance qui se sont élevées en Algérie.

« Mais en même temps, volonté de faire que le passé ne nous empêche pas au contraire de faire le travail pour l’avenir. Le passé doit dès lors qu’il est reconnu nous permettre d’aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin pour préparer l’avenir. C’est ce que je dirai demain aux parlementaires algériens et au-delà aux Français et aux Algériens », a ajouté François Hollande.

HOLLANDE ACCLAMÉ MALGRÉ LES CRITIQUES

Une dizaine de partis politiques, dont quatre islamistes, ont dénoncé en amont de la visite de M. Hollande en Algérie « le refus des autorités françaises de reconnaître,excuser ou indemniser, matériellement et moralement, les crimes commis par la France coloniale en Algérie ». Mais des milliers d’Algérois ont accueilli le président de la République français et son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, qui ont emprunté à pied, sur plusieurs centaines de mètres, le boulevard du front de mer d’Alger, pavoisé aux couleurs des deux pays.

You-yous, groupes folkloriques et gardes d’honneur traditionnelles à cheval tirant à blanc dans le ciel d’Alger ont accompagné la progression du cortège au milieu d’une nuée de gardes du corps, tandis que du riz et des pétales de fleurs étaient lancés depuis les balcons des splendides immeubles haussmanniens qui bordent ce célèbre boulevard.

UNE DÉLÉGATION PLÉTHORIQUE

Jamais, depuis sa prise de fonctions, en mai, le président français n’avait été accompagné à l’étranger d’une délégation aussi nombreuse : près de 200 personnes, dont neuf ministres, une douzaine de responsables politiques, une quarantaine d’hommes d’affaires, des écrivains, des artistes parmi lesquels le comédien né en Algérie Kad Merad, très populaire en France, et une centaine de journalistes. « C’est l’illustration de l’importance politique, mais aussi symbolique et économique que le président de la République attache à ce déplacement, souligne le porte-parole diplomatique de l’Elysée, Romain Nadal. Elle correspond aussi à la volonté des Algériens d’assurer le renouveau de la relation. »

A Alger et Tlemcen, la « perle du Maghreb », 580 kilomètres plus à l’ouest, deux villes pomponnées pour l’occasion, François Hollande entend réussir là où ses prédécesseurs ont trébuché. Jacques Chirac avait été accueilli dans la liesse en 2003 et 2004. Mais l’année suivante, une loi visant à inscrire dans les manuels scolaires français « le rôle positif » de la colonisation avait durablement plombé les relations franco-algériennes. Quant à Nicolas Sarkozy, il avait séduit les Algériens en décembre 2007, mais la réception dans la foulée de sa visite d’associations de harkis avait rompu le charme.

François Hollande et son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, tenteront donc de tourner la page de ces espoirs déçus par une « déclaration conjointe » à défaut d’un traité d’amitié. Le chef de l’Etat algérien a dit en attendre un « partenariat d’exception » tandis que Paris souhaite aussi nouer à cette occasion « un dialogue politique sur les grands enjeux internationaux », à commencer par le Mali. La France voudrait obtenir l’appui de l’Algérie en vue d’une intervention internationale dans le nord de ce pays, contrôlé par des islamistes radicaux.

« UN REGARD LUCIDE » SUR LE PASSÉ

Devant les deux chambres du Parlement algérien réunies, le président Hollande, qui connaît bien l’Algérie pour y avoir fait en 1978 son stage de l’ENA, entend poserjeudi « un regard lucide » sur le passé, celui de cent trente-deux années de colonisation française et d’une guerre d’indépendance meurtrière. François Hollande avait posé de premiers jalons à l’automne, reconnaissant la « sanglante répression » par la police française de la manifestation du 17 octobre 1961 qui avait fait plusieurs dizaines de morts à Paris parmi les manifestants algériens.« L’histoire doit servir à bâtir l’avenir et non pas à l’empêcher », a-t-il plaidé.

« La reconnaissance du passé colonial et des crimes de la colonisation apaisera, enfin, les mémoires encore douloureuses, rendra justice aux victimes et mettra également fin aux instrumentalisations et calculs politiciens entretenus de part et d’autre », veut croire mercredi l’éditorial du grand quotidien francophone algérien El-Watan« L’Algérie et la France vont procéder à la signature de 7 à 8 accords touchant plusieurs secteurs dont la défense, l’industrie, l’agriculture, la culture, l’enseignement et la formation », a indiqué pour sa part le premier ministre algérien,Abdelmalek Sellal.

L’un d’eux, âprement négocié, portera sur la construction près d’Oran (Ouest) d’une usine de montage de Renault susceptible de produire à compter de 2014 au moins 25 000 véhicules par an. Jeudi, au deuxième et dernier jour de sa visite, le président français s’adressera à la jeunesse algérienne, qu’il rencontrera à l’université de Tlemcen. « Il soulignera à cette occasion que les questions d’éducation, d’échanges universitaires et de formation seront au cœur de l’agenda bilatéral », selon Romain Nadal.