«Saâdane doit résoudre au plus vite ce problème de finition.»
Henry Kasperzak connaît bien le football africain pour avoir entraîné cinq sélections majeures de ce continent : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Tunisie, le Maroc et le Mali. Le technicien polonais est un ancien milieu de terrain international (61 sélections, 5 buts).
Il a accompli l’essentiel de sa carrière de joueur en Pologne (Zabrze, Mielec, Legia Varsovie) et en France (Metz). C’est dans ce dernier pays qu’il a entamé une longue carrière d’entraîneur le conduisant sur les bancs de Metz, de Saint-Étienne, de Strasbourg, du Racing Club de France, de Montpellier, de Lille et de Bastia. Dans l’entretien téléphonique qu’il a accordé au Buteur, il nous a dit être un fervent adepte du football algérien
M. Henri Kasperzak, bonjour. Pouvez-vous nous accorder un peu de votre temps pour une interview au quotidien Le Buteur ?
C’est avec grand plaisir que je répondrais à vos questions. Je voudrais tout d’abord passer le bonjour aux sportifs algériens.
Quel est votre avis en ce qui concerne le nul qui a sanctionné la rencontre Angleterre-Algérie ?
Je pense que Rabah Saâdane a pris le dessus tactiquement sur le coach italien de l’Angleterre, Fabio Capello. L’Algérie a bloqué le couloir droit avec Boudebouz et Kadir et empêché les Anglais à développer le jeu sur les ailes.
Votre sélectionneur a aussi effectué de bons changements, en incorporant Abdoun, Guedioura et Mesbah à la place de Boudebouz, Ziani et Yebda dans le dernier quart d’heure du match. Par ce résultat, les Algériens se sont relancés dans la course à la qualification au deuxième tour du Mondial. Ils doivent maintenant battre les Américains mercredi prochain.
Qu’est ce qui a, d’après-vous, fait la différence dans ce match ?
Il y avait chez les joueurs algériens une énorme volonté de réaliser une belle performance. Ils se sont battus sur tous les ballons et cela quelle que soit la zone de jeu. Ils ont réussi à empêcher de jouer certains joueurs anglais comme Gerrard ou Rooney qui sont des éléments importants dans le dispositif de Capello.L’Algérie s’est bien rattrapée après sa défaite, assez injuste contre la Slovénie.
Pourquoi injuste ?
Je ne sous-entends pas qu’il y a eu erreur d’arbitrage ou autre, mais certaines circonstances : l’erreur du gardien et l’expulsion de Ghezzal ont influé sur le résultat final.
En n’ayant marqué qu’un seul but en six matchs, ne pensez-vous pas que le principal défaut de l’équipe algérienne est son inefficacité en attaque ?
A mon avis, il manque à cette équipe un véritable chasseur de buts. Les actions offensives sont bien menées et elles sont variées. La conclusion n’est pas au rendez-vous et cela est dû à l’absence d’un finisseur. Presque toutes les équipes qui sont en Coupe du monde souffrent de ce côté. Les buteurs sont rares. Il faut ajouter à cela les dispositifs tactiques qui sont de mise et qui sont ultra défensifs.
Est-ce cela le seul défaut de l’équipe de Saâdane ?
J’ai eu l’occasion de voir les deux matchs joués par cette équipe d’Algérie. C’est un ensemble solide et sincèrement, ce qui lui manque, c’est la finition. C’est un problème que doit résoudre l’entraîneur au plus vite car face aux USA, pour espérer se qualifier, il faut marquer des buts.
Y a-t-il un joueur qui a attiré votre attention ?
Sans aucune hésitation, le numéro 2, Bou…Bou … Je n’ai pas retenu son nom.
Il s’appelle Bougherra et il joue aux Glasgow Rangers…
C’est cela. C’est un joueur qui sort du lot par ses interventions défensives et aussi son apport offensif. C’est le type même du joueur moderne que tout entraîneur veut avoir dans son équipe. Il y a aussi Ziani et les autres, car l’Algérie c’est avant tout un collectif.
Que pensez-vous de M’bolhi, le gardien qui a évolué face à l’Angleterre ?
Il est sobre et plein d’assurance. Il a effectué en début de match des arrêtes importants qui ont rassuré toute l’équipe. Le gardien qui a joué contre la Slovénie (Chaouchi) est bon aussi. Il n’a pas eu de chance. A mon avis, il a sa part de responsabilité dans le but encaissé. C’est bien pour une équipe nationale d’avoir deux gardiens de haut niveau.
Face aux USA, quelles sont les chances algériennes dans cette rencontre ?
Honnêtement, les Algériens n’auront pas du tout la partie facile face à l’une des équipes les plus combatives de ce Mondial. Les Américains ont montré lors de leurs deux premiers matchs et surtout contre la Slovénie qu’ils savent se battre et ils le font jusqu’à l’ultime seconde. J’ai l’impression que nous assisterons à un remake du match entre le Danemark et le Cameroun. Pour ce qui est des Algériens, ils doivent faire preuve d’une grande rigueur défensive et surtout attaquer. Les Algériens doivent exercer un pressing de tous les instants et dans le camp de leur adversaire. En attaque, il faut faire preuve d’adresse car les opportunités seront assez rares dans ce match qui oppose deux équipes de valeur à peu près égale.
A combien évaluez-vous les chances de l’Algérie de passer en huitièmes ?
Les quatre équipes de ce groupe sont à égalité de chances. Pour ce qui est de l’Algérie, c’est une bonne chose, avant d’aborder ce dernier match, qu’elle ait son destin entre les mains. Aux joueurs de se surpasser et de faire ce qu’il faut pour passer au deuxième tour.
Parlons d’autre chose. Si la FAF vous propose de venir entraîner l’équipe d’Algérie, quelle serait votre réponse ?
Pour le moment, j’occupe les fonctions de manager général et d’entraîneur au sein d’un des plus grands clubs de Pologne (Wislaw Cracovie, ndlr). Je n’ai pas de réponse à vous donner et nous verrons au moment où les responsables du football en Algérie auront songé à me confier leur équipe nationale.
Quel est le message que vous voulez transmettre aux joueurs algériens ?
Tout simplement qu’ils continuent à jouer comme ils savent le faire et se battre courageusement. Il doivent savoir qu’ils comptent en ma personne un de leurs plus fervents supporters car leur football est un peu celui que je préconise.
Vous dites que vous gardez de bons souvenirs de l’Algérie. Quels sont-ils ?
J’ai eu l’occasion de visiter à plusieurs reprises votre pays. Lorsque j’étais en Tunisie, je suis venu à Alger pour un match et c’était lors des années difficiles traversées par votre pays. Je suis admiratif devant votre peuple qui a su relever la tête et le voilà maintenant comme le seul représentant arabe en Coupe du monde. Rien que cela est un immense acquis. J’ai aussi beaucoup d’amis algériens, parmi lesquels Halim Ben Mabrouk que je connais du temps où je le voyais en France.