Henri Alleg, un ami de l’Algérie qui avait révélé l’horreur de la torture coloniale

Henri Alleg, un ami de l’Algérie qui avait révélé l’horreur de la torture coloniale

Henri Alleg, le militant anti colonialiste qui a eu le courage de révéler dans son livre–témoignage « la question », paru en 1958, les affres de la torture pratiquée par l’armée française en Algérie, est décédé jeudi en France, à l’âge de 91 ans. C’est le journal français l’Humanité où il a travaillé en tant que secrétaire général de 1966 à 1980 qui a rapporté cette information.

L’Algérie lui doit beaucoup, car son livre décrivant l’enfer de la gégène pratiquée par les soldats du général Bigeard, personnage de triste mémoire, constitue véritablement un tournant dans la perception internationale de la cause algérienne en lutte. Son courage, il l’a payé de sa personne en connaissant des séjours répétés dans les geôles coloniales. Quarante ans après la publication de son livre, Henri Alleg confiait à l’hebdomadaire l’Express : “Je savais que si j’étais arrêté, je serais torturé, j’y étais préparé (…). Je n’ai gardé aucune rancœur à l’égard de quiconque; je considérais ces gens comme les instruments méprisables d’une politique”.



“Alleg, écrivit pour sa part le philosophe Jean-Paul Sartre, “a payé le prix élevé pour le simple droit de rester un homme ” et l’écrivain François Mauriac parla d’un “témoignage sobre” ayant “le ton neutre de l’Histoire. “Né en juillet 1921 à Londres, Henri Salem dit Alleg, militant anticolonialiste, d‘origine juive est arrivé en avril 1939 en Algérie et adhéra un an plus tard au Parti communiste algérien (PCA) dont il était membre du Comité central jusqu’à sa dissolution en 1955, date à laquelle tous les partis politiques s’étaient auto dissous pour voir leurs militants intégrer individuellement le FLN, à l’initiative de Abane Ramdane.

Arrêté le 12 juin 1957 par les parachutistes de la 1ème 10 DP en plein “Bataille d’Alger”, au domicile de Maurice Audin, son ami arrêté la veille, torturé par l’armée française puis condamné en 1960 par les autorités coloniales françaises, à 10 ans de travaux forcés en France, il s’évade de prison un an plus tard et regagne la capitale algérienne. Il refonde alors Alger Républicain qu’il dirige jusqu’à son interdiction en 1965, par le président Boumediene.

Le défunt Henri Alleg, adhéra ensuite au parti communiste français auquel il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie. Le président François Hollande lui a rendu hommage en affirmant notamment que son livre « La question » “alerta notre pays sur la réalité de la torture en Algérie”. “Toute sa vie Henri Alleg luttera pour que la vérité soit dite”, a-t-il ajouté dans un communiqué parvenu à l’APS. “A travers l’ensemble de son œuvre jusqu’à son dernier livre, Mémoire algérienne, paru en 2005, il s’affirma comme un anticolonialiste ardent”, a poursuit le chef de l’Etat français. “Il fut un grand journaliste, d’abord à Alger Républicain, dont il assura la direction, puis à L’Humanité, dont il fut le secrétaire général et auquel il collabora jusqu’en 1980″, a rappelé François Hollande qui a adressé ses “sincères condoléances” aux proches du défunt. “Henri Alleg est constamment resté fidèle à ses principes et à ses convictions”, a tenu à souligner encore le Président français dans son communiqué.

La Moudjahida Louisa Ighil Ahriz, elle-même victime des tortures coloniales sous les mains du général Aussaresse, a déploré la disparition d’un homme toujours engagé en faveur “de causes justes”. “Je ressens une grande tristesse car Henri Alleg est mon frère spirituel et mon frère de combat qui a toujours milité en faveur des causes justes”, a déclaré à l’AFP Mme Ighil Ahriz, qui avait relancé en 2000 le débat sur la torture pendant la guerre d’Algérie. “On était lié par une question dramatique et tragique: la torture pendant la guerre d’Algérie. Je ferai tout pour qu’une rue ou une place soit baptisée à son nom en Algérie”, s’est –elle engagée.

Avec la disparition de Henry Alleg, c’est un des porteurs de la mémoire de la Révolution algérienne qui s’en va. Il rejoindra désormais dans l’Eternité, Les Chaulet, Audin, Maillot et autres militants de la Révolution algérienne d’origine européenne. Des hommes qui ont fait le choix de la justice et non de leur mère, comme l’ a fait Albert Camus qui avait déclaré “Je préférerai toujours ma mère à la justice”.

A ces hommes l’Algérie doit une éternelle reconnaissance.