Henri Alleg (au centre), avec Kateb Yacine et Boualem Khalfa
Plus qu’une vie de militant, le parcours de combattant d’Henri Alleg est un véritable champ de sacrifices.
L’Algérie vient de perdre un nouveaumilitant de la cause nationale. Quelques mois après la disparition de Pierre Chaulet, c’est le journaliste et militant communiste Henri Alleg, auteur de l’ouvrage La Question (1958) dénonçant la torture pendant la Guerre d’Algérie, qui s’est éteint à Paris, trois jours avant son 92eme anniversaire.
Plus qu’une vie de militant, le parcours de combattant d’Henri Alleg est un véritable champ de sacrifices.
Après la publication et le succès de son oeuvre La Question, le philosophe Jean-Paul Sartre écrivit à l’époque «Alleg a payé le prix élevé pour le simple droit de rester un homme» et l’écrivain François Mauriac parla d’un «témoignage sobre» ayant «le ton neutre de l’Histoire».
Le combat pour la cause algérienne ne s’est pas arrêté là, puisque Henri Alleg avait témoigné, en 2001, aux côtés de la veuve du général Jacques Paris de Bollardière, seul officier supérieur à s’être élevé contre l’usage de la torture, sur sa pratique institutionnalisée dans l’armée française pendant la Guerre d’Algérie, lors d’un procès intenté contre un autre officier supérieur, le général Paul Aussaresses, poursuivi pour apologie de crimes de guerre.
Suite à sa disparition, partisan de la liberté et de la paix, le président français, François Hollande, a rendu hommage au journaliste militant qui «alerta sur la réalité de la torture en Algérie» et qui «toute sa vie lutta pour que la vérité soit dite».
L’ancienne combattante de la cause algérienne durant la bataille d’Alger, Louisette Ighilahriz, a également réagi en saluant la disparition d’un homme toujours engagé en faveur «des causes justes». «Je ressens une grande tristesse car Henri Alleg est mon frère spirituel et mon frère de combat», a déclaré Mme Ighilahriz.
Pour sa part, René Fagnoni, militant français pour la cause algérienne et auteur du livre Chronique des Aurès a publié sur sa page Facebook un émouvant témoignage sur son ami Henri Alleg, qu’il considéra comme «un Juste parmi les Justes».
Les deux hommes partageaient une passion commune: l’Algérie. René Fagnoni a déclaré à ce propos: «Petit par la taille, mais grand par l’esprit», c’est la phrase que j’avais employée à la télévision algérienne pour dépeindre mon ami Ziza Ali, père d’une famille toute entière engagée dans l’ALN dans la lutte pour l’indépendance. Je ne peux m’empêcher de rapprocher ces deux hommes au physique un peu semblable, de confessions différentes, mais tous deux tendus vers le même idéal révolutionnaire, qui ont beaucoup payé de leur personne.
Ziza Ali a perdu sa fille de 25 ans, la chahida Ziza Massika. Henri Alleg, lui, a subi, avec son camarade, «le disparu» Maurice Audin, la pire des infamies: la torture, tout en tenant tête crânement face à ses bourreaux en leur déclarant «Je vous attends: je n’ai pas peur de vous:» Malgré sa disparition, deux cinéastes lui ont rendu hommage à travers leurs films: Laurent Heynemann qui adapta son livre La Question au cinéma en 1977 et qui alla même tourner une grande partie du film en Algérie et Jean-Paul Lliedo qui tourna en 2003, Le Rêve algérien, filmant le retour d’Henri Alleg en Algérie et la rencontre avec ses anciens compagnons en Algérie.
Ces films resteront des testaments d’un combat d’un homme qui a donné la mesure de son courage et de son militantisme tout au long de sa vie.
Ainsi, il s’en va rejoindre la cohorte innombrable de ceux qui ont voué leur existence à la défense de leur idéal de justice et de liberté pour un monde meilleur où l’exploitation de l’homme par l’homme ne sera plus la règle dominante.