Le gouvernement s’entête à croire que l’absorption du chômage se fera par le secteur de l’agriculture et celui du tourisme dont les politiques se contentent de contempler les paysages et la nature.
Il est rare que le gouvernement ad mette que le chômage est en haus se. C’est comme s’il se remet en cause après qu’il s’est tout le temps targué de maîtriser les leviers de la création de l’emploi. Il l’a effectivement avoué il y a quelques jours en reprenant une donnée de l’Officie national des statistiques(ONS) qui fixe cette hausse à un peu moins de 1%. De 9,8% que tous les responsables mettaient en avant en précisant que c’est un taux retenu par le FMI, le chômage est monté à 10, 6%.
Il a fallu que le prix du baril de pétrole dégringole à un niveau menaçant les équilibres macroéconomiques pour que nos décideurs se résignent à mettre de côté leur optimisme béat dont les effets se télescopaient pourtant avec les tristes réalités du terrain. Aujourd’hui, pris dans ses propres contradictions, le gouvernement tente d’atténuer les contraintes économiques et financières du pays sans pour autant exceller dans le choix des solutions.
Les hommes d’affaires n’ont pas trouvé mieux non plus que de frapper aux portes de certaines institutions publiques pour réclamer «un climat d’affaires assaini des difficultés qui entravent leurs projets». Il est curieux de voir les plus grosses fortunes de ce pays s’adresser au parlement pour parler d’aménagements des lois alors qu’elles sont en vigueur depuis plusieurs années et ne les ont jamais empêchés de faire des affaires.
Le gouvernement croit avoir trouvé la parade pour juguler le chômage. Il met pour cela en avant le secteur de l’agriculture et le tourisme. Si du côté de l’ANEM et de l’ANSEJ on affirme que l’agriculture est véritablement en tête des secteurs pourvoyeurs d’emplois après, bien sûr, les services, ils n’en disent pas autant du tourisme qui n’a jamais brillé en la matière. Il faut croire que les responsables de ce secteur, depuis son institution, confondent nature ou paysages et impérative nécessité d’infrastructures hôtelières pour leur mise en valeur.
LE TOURISME OU LA GESTION DES NABABS
Le discours politique reste coincé à ce jour entre les 1200 km de côte et le sable chaud du désert que possède l’Algérie. C’est peut-être l’essentiel mais il manque l’indispensable. L’on se rappelle que lors d’un déplacement du 1er ministre à Khenchela, les journalistes ont été contraints de passer la nuit dans un hôtel pourri au vrai sens. Un d’entre eux avait eu une terrible intoxication alimentaire. Les autres, tous les autres, ont dormi dans des chambres qui sentaient mauvais, une literie sale, un mobilier bringuebalant, sans eau chaude et la froide ne coulant parfois qu’au niveau des douchettes des toilettes. Triste tableau.
«Ce genre d’hôtel doit disparaître,» avions- nous dit ce jour-là à des membres du gouvernement. «Vous pensez que c’est facile ?», ont-ils répondu. Suggestion simple, avions-nous dit, «constituez un pool de cadres formés dans des écoles internationales où sont enseignées les normes universelles en matière de tourisme, recenser les structures hôtelières et touristiques du pays, les obliger à se mettre à niveau sur la base d’un planning marquant coût, durée et qualité des travaux». Les échéances doivent être bien fixées et bien précisées. A défaut de leur respect, fermeture de l’établissement.
L’hôtel de Khenchela appartient, avons-nous appris, à un membre du Conseil de la Nation. Beaucoup de responsables reconnaissent que «c’est toute une culture». Le président Bouteflika avait tenté au début de son premier mandat d’en dénouer les causes en demandant à ses ministres de lancer le tourisme dans les régions du Sud parce que, aurait-il relevé, «les gens du Sud sont hospitaliers, sages, calmes et savent recevoir». En attendant, les responsables savent qu’au nord, il y a des infrastructures touristiques publiques où les prestations se confondent avec gain facile et mauvaises moeurs.
Le gouvernement a eu écho d’hôtels sur le littoral ouest de la capitale où des chambres sont louées à l’heure et d’autres sont sous-louées par leurs locataires en complicité avec ceux-là mêmes qui sont censés régenter la structure conformément aux lois du pays. Les personnels se comportent comme des nababs du plus bas de l’échelle à son plus haut niveau. Reste que le temps de réaction de nos responsables est indéterminé pour la simple raison qu’ils se fichent de son importance.
LE FLEGME D’UN GOUVERNEMENT EN MAL DE SOLUTIONS
Preuve en est, c’est à la fin des années 80 que le discours sur la nécessité de substituer une économie de rente par une autre productive s’est fait bruyant à tous les niveaux. Il a été lancé par des économistes pour que les gouvernants le reprennent à leur compte. Il est repris depuis comme un véritable leitmotiv dans toutes les rencontres, les tribunes et les espaces de toutes les corporations politiques, civiles, militaires et universitaires. Près de 40 ans après, le constat est le même, les revenus pétroliers constituent toujours 98% des ressources financières de l’Etat.
Aucun gouvernement n’a réussi à lancer la machine productive du pays. Le secteur privé n’a pas fait mieux. Il demande toujours à être «accompagné et soutenu» par l’Etat. «Nous avons de l’argent pour prendre tout en charge, pour créer de l’emploi, pour continuer à construire des logements et à financer tous les dispositifs sociaux», n’avait de cesse de répéter le 1er ministre et tout son gouvernement.
Aucune nuance, aucune retenue dans leur manière d’évoquer la fameuse aisance financière du pays et les disponibilités de l’Etat à continuer à dépenser comme il l’entend. D’ailleurs le gouvernement, flegmatique qu’il est, ne semble pas saisir la véritable évaluation des conséquences de cette crise et surtout le temps qu’elle prendra pour être résolue. Ce mardi seulement, le ministre du Commerce soutenait que «l’Algérie n’a pas de difficultés financières, elle a des réserves qui pourront couvrir ses besoins sur trois ou quatre ans».
Amara Benyounès n’est pas le seul ministre à penser que «trois ou quatre ans» sont assez longs comme période pour que l’Algérie puisse «se prendre en charge» sans subir de choc. Le gouvernement Sellal ne dit pas, cependant, comment les caisses de l’Etat peuvent être renflouées si le prix du pétrole continue sa chute.
Parce que, si sur «trois ou quatre ans» l’Algérie aura réussi à couvrir financièrement ses besoins, elle aura en même temps épuisé ses réserves. Entre-temps, de grosses fortunes privées se sont accumulées, d’importants transferts illicites sont opérés, (les services de douanes en détiennent la preuve selon leur propre directeur général), des liasses d’argent sont échangées en plein jour sur les voies publiques. Le tout sans que l’Etat ne puisse en contrôler ni l’origine, ni la traçabilité des transactions, encore moins les volumes.
Ghania Oukazi