Hausse de la production pétrolière : Quels scénarios pour l’Opep ?

Hausse de la production pétrolière : Quels scénarios pour l’Opep ?

Au lendemain des déclarations du ministre saoudien de l’Energie, Khalid Al-Falih, et de son homologue russe, Alexander Novak, plaidant en faveur de l’assouplissement des coupes de production, les membres de l’Opep sont d’ores et déjà partagés, laissant entrevoir une réunion tendue en juin.

Et les langues commencent à se délier.

Dans le brusque activisme des Saoudiens en faveur d’une hausse de la production, certains membres de l’Opep y voient une action unilatérale ne bénéficiant aucunement du quitus de la majorité. Vendredi, Khalid Al-Falih et Alexander Novak, vivement soutenu par Vladimir Poutine, lors d’un forum économique à Saint-Pétersbourg (Russie), ont jugé utile de rétablir une partie de la production pour faire face au resserrement des approvisionnements pétroliers et à la flambée des prix. Problème : des responsables de plusieurs pays signataires de l’accord, tant à l’intérieur de l’Opep qu’à l’extérieur, désapprouvent la proposition d’augmenter la production. Ce qui fait dire à certains observateurs du marché que la prochaine réunion de l’Opep et ses partenaires non-Opep, prévue à Vienne, en juin, risque d’être tendue. «Le choix pourrait être controversé. La réunion pourrait être tendue», a déclaré Ed Morse, responsable de la recherche sur les matières premières chez Citigroup Inc, à New York. La question est particulièrement sensible car la Russie et les Saoudiens proposent d’augmenter la production pour compenser les pertes subies par les autres membres de l’Opep, notamment une détérioration de l’offre vénézuélienne et une baisse potentielle de la production de l’Iran avec le renforcement des sanctions américaines. Ces pays n’ont plus rien à gagner avec la politique de l’assouplissement des coupes proposée par Russes et Saoudiens, mais ont beaucoup à perdre si les prix du pétrole plongent davantage sous le coup de ladite proposition. Ces deux pays au moins promettent d’ores et déjà de jouer les trouble-fête lors de la prochaine réunion Opep-non Opep. Par-dessus tout, la plupart des pays signataires de l’accord n’ont pas été consultés sur la politique saoudienne de relance de la production. Suhail Al Mazrouei, ministre de l’Energie des Emirats arabes unis et actuel président de l’Opep, dont les propos ont été répercutés hier par Bloomberg, a déclaré que le groupe dans son ensemble décidera s’il convient d’ajuster la production. «Aucune décision issue de deux pays ou trois pays ne sera prise», a-t-il indiqué, après avoir rencontré ses homologues saoudiens et russes. «Nous respectons tous les pays membres.»

Vendre la hausse aux plus faibles

Selon lui, l’Arabie saoudite et la Russie pourraient simplement aller de l’avant avec leur plan, en attendant qu’il soit soumis à l’approbation des autres pays signataires des accords de réduction de l’offre. Ce qui serait dangereux pour le marché, selon le président de l’Opep en exercice, c’est une configuration selon laquelle les deux pays décident de faire cavalier seul. «Si les autres ne sont pas d’accord et que l’Arabie saoudite décide d’y aller seule, à ce moment-là ce n’est vraiment pas un bon choix», estime Roger Diwan, analyste chez IHS Markit Ltd, consultant à Washington, interviewé par Bloomberg. Nombreux sont les analystes qui considèrent que le succès de la proposition russo-saoudienne est tributaire de l’approbation des 24 pays engagés dans l’effort de réduction de l’offre. Ils estiment qu’une voie plus diplomatique pourrait favoriser le consensus recherché. Si une autre voie autre que la diplomatie venait à être privilégiée, la proposition serait difficile à vendre.

D’autant plus que plusieurs membres de l’Opep qui ne pourraient pas augmenter leur offre seront perdants dans ce changement de politique suggéré par l’Arabie saoudite. Ils ont, au contraire, tout à perdre si les prix venaient à chuter à nouveau conséquemment à la décision d’augmenter la production. En outre, au plan réglementaire, les règles de l’Opep, bien qu’elles ne soient pas toujours appliquées, exigent que les changements de politique soient approuvés par tous les membres. Pour certains analystes, il n’est pas exclu que les Russes et les Saoudiens y aillent sans consulter les autres si l’augmentation proposée n’est pas conséquente. Pour Helima Croft, analyste en chef des matières premières chez RBC Capital Markets LLC, il se pourrait que les augmentations de production ne soient pas suffisamment importantes pour nécessiter une consultation approfondie au sein du groupe. Dit autrement, le retour au plafond initialement fixé pourrait ne pas faire l’objet d’une consultation élargie aux 24 Etats signataires des accords de plafonnement de l’offre. Même si consultation il y a, les autres membres de l’Opep finiront, comme à l’accoutumée, par s’aligner sur le ministre saoudien de l’Energie, Khalid Al-Falih. «Je crois fermement que nous trouverons un compromis, car tous les pays sont intéressés par un marché stable», a déclaré, vendredi, le ministre russe de l’Energie, Alexander Novak, comme pour planter le décor de la prochaine réunion de Vienne.
Écrit par Hakim Ould Mohamed