Estimant le niveau du prix de référence du baril de pétrole fixé dans la loi de finances 2016, réaliste, Hassan Haddouche assure que les prix de l’or noir ne resteront pas aussi bas durant toute l’année. Cela ouvre quelques perspectives pour l’économie du pays.
L’Expression: La chute des prix du pétrole à des niveaux insoupçonnables remet-elle en cause le système de subvention prévu par la loi de finances 2016? En d’autres termes, la réaction du gouvernement n’est-elle pas déjà caduque?
Hassan Haddouche: Je ne pense pas que la chute actuelle des prix du pétrole puisse remettre en cause dès cette année la politique de subvention. Pour deux raisons essentielles, la première est que les prix pétroliers ne resteront probablement pas en moyenne à des niveaux aussi bas sur l’ensemble de l’année. Je rappelle que le prix de référence du baril retenu par la LF 2016 est de 37 dollars et le prix de marché attendu toujours par la LF 2016 est de 45 dollars. Ces deux prévisions ne semblent pas irréalistes s’agissant de la moyenne des prix sur l’ensemble de l’année 2016. Par ailleurs et surtout le financement de la politique de subvention n’est pas assuré principalement, dans la période actuelle, par la fiscalité pétrolière courante mais plutôt par les réserves financières accumulées au sein du FRR (Fonds de régulation des recettes, Ndlr) qui permettent encore de la poursuivre pendant plus ou moins de deux ans si on retient l’hypothèse d’une évolution des prix du pétrole dans une fourchette de 30 à 50 dollars.
L’on s’achemine certainement vers une loi de finances complémentaire pour 2016. Quels conseils donneriez-vous au gouvernement dans ce cadre?
Mon conseil, en fonction de l’évolution à venir des prix du pétrole, serait de poursuivre la démarche amorcée en matière de réduction des dépenses budgétaires et de poursuivre l’augmentation amorcée des prix des carburants particulièrement pour le gas-oil. Cette démarche devrait s’accompagner d’un effort de communication et de sensibilisation plus important en direction de la population. Une autre démarche urgente devrait être l’exploration de nouveaux instruments definancement, de réalisation et de gestion des infrastructures économiques dans le cadre d’une coopération relancée avec les institutionsmultilatérales spécialisées comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement etc… L’effort de l’Etat devrait en outre porter davantage dès maintenant sur la mise sur les rails des réformes de structure que sont le développement d’un système de transferts monétaires direct pour les ménages les plus défavorisés, la réforme du management des entreprises publiques et la relance du processus de privatisation et la dynamisation du marché financier et l’amélioration du climat des affaires.
Les actions d’investissement dans l’industrie mécanique, le textile et le ciment peuvent-elles constituer, selon vous, une réponse sérieuse à la crise financière qui se profile?
La poursuite de l’investissement de l’Etat dans l’industrie est certainement nécessaire, mais le meilleur moyen de parvenir rapidement à des résultats serait à mon avis, de lever les obstacles qui empêchent encore les groupes privés les plus performants et les mieux gérés de réaliser leurs investissements et de les aider massivement à développer leurs exportations. L’apport des investisseurs internationaux serait sans doute également plus décisif en termes financiers et technologiques si les réglementations d’exception trop contraignantes adoptées par notre pays depuis 2008 (droit de préemption et règle du 51/49%) étaient clairement abandonnées plaçant ainsi notre pays sur le même plan que ses principaux concurrents régionaux.
La gestion de la crise financière passe nécessairement par des emprunts contractés auprès des Etats. Or, à entendre l’ambassadeur de Chine, aucune démarche en ce sens n’a été entreprise par le gouvernement. Quel commentaire apportez-vous à cet état de fait?
L’endettement externe dans le but de financer les infrastructures économiques de base sera certainement une option incontournable au cours des prochaines années si on veut poursuivre l’effort d’équipement du pays qui accuse encore des retards importants en dépit des investissements réalisés depuis plus de 10 ans. Il permettra également de prolonger la durée de vie des réserves financières du pays. La politique amorcée avec le port de Cherchell mérite, néanmoins, certainement d’être poursuivie avec précaution compte tenu des informations qui sont données par les milieux financiers internationaux au sujet de la forte propension à la surestimation du coût des infrastructures réalisées par le partenaire chinois dans beaucoup de pays africains. La diversification des partenaires par le recours aux institutions multilatérales spécialisées qui sont nombreuses serait certainement une option à mettre en oeuvre rapidement plutôt que de mettre «tous nos oeufs dans le même panier».
A voir le déploiement du gouvernement sur le terrain au motif de diversifier l’économie, estimez-vous que les décisions prises l’ont été avec la célérité qu’exige la situation?
On peut certainement considérer que la réaction du gouvernement face à la crise est tardive et insuffisante. Le plus important est le fait qu’il semble avoir pris conscience aujourd’hui de la gravité de la situation économique du pays et qu’un processus de réforme soit amorcé, amplifié rapidement et expliqué aux Algériens.