Hasni, 27 ans après : le doux poème qui fait trembler les ténèbres

Hasni, 27 ans après : le doux poème qui fait trembler les ténèbres

En Algérie, dans les années 1990, on ne pouvait surement pas vivre d’amour et d’eau fraiche, mais on pouvait très bien mourir à cause de ça. Ce fut le cas de Cheb Hasni, assassiné il y a 27 ans. De son vrai nom Hasni Chakroun, le roi de cœur de la jeunesse Algérienne a reçu deux balles en pleine tête le 29 septembre 1994.

Hasni chantait l’amour au moment où les Algériens manquaient d’eau fraiche, il égayait les cœurs alors que la guerre civile faisait rage. Après avoir chanté « Lemouima de’hchet w bkat, khlaatouha w gteltouni », le symbole de la jeunesse été finalement arraché à la vie en plein jour, en pleine rue, et surtout au cœur de sa chère Gambetta natale, devant le domicile de sa maman, inconsolable.

Hasni, un rempart contre les desperados

« Ana hssebt nnas tebghini » chantait-il. Hasni pensait être protégé par son public de la violence islamiste, mais en réalité, il en était lui-même le rempart de cette jeunesse déclassée des quartiers populaires contre le fléau intégriste. Un rempart dont les desperados intégristes devaient s’en débarrasser, quitte à perdre en popularité auprès de ces jeunes qui leur servaient de chair à canon.

Lui qui chantait « Douni maakoum nesker w nghenilkoum », a vu sa musique classée comme impie. Mais était-t-elle plus impie qu’un lâche qui assassine un espoir ? Surement pas. La musique de Hasni avant ceci d’exceptionnel qu’elle faisait ressortir l’amour qui nichait dans la parole et le langage cru du peuple, la tendresse apeurée qui subsistait dans le cœur des hommes et des femmes.

Avec l’assassinat de Hasni, les terroristes ont franchi un nouveau cap dans la violence. Le chanteur était âgé de 26 ans seulement. Il n’était fort que de sa sensibilité et de sa voix. En le tuant, les « fous de dieu » se sont trahis, et ils ont révélé au grand public de quoi ils avaient réellement peur.

Outre l’amour où il excellait, Hasni chantait aussi, l’amitié, la trahison, la mère, le pays. Le chanteur était le porte-parole d’une jeunesse désespérée, comme en témoigne sa chanson « deux pièces cuisine win ndirek a zin ». Après sa mort, d’autres comme lui ont été tués par les balles lâches et assassines des intégristes, réduisant à néant la voix de la jeunesse des classes populaires, et ouvrant la voie à toutes les médiocrités et les exagérations.

Lorsque le mal du foot devient le bien du Raï

Plus connu pour ses chansons, le roi du raï sentimental faisait trembler les filets avant de faire trembler nos cœurs. En effet, il était footballeur avant sa carrière de chanteur, et ce, depuis l’âge ds neuf ans, avec l’ASM d’Oran, l’un des grands clubs oranais.

Hasni a vu sa passion pour le foot étouffée lorsque, à l’âge de 15 ans, une blessure le met sur un lit d’hôpital pendant plusieurs semaines. Contraint de renoncer à cette passion puisque l’état de son pied ne s’améliorait pas, il met fin à sa carrière de footballeur, en dépit de la passion et des encouragements de son entraîneur.

Hasni se lance dans la musique, et il ne lui faut pas beaucoup de temps pour faire fureur auprès des jeunes. Le garçon d’à peine 20 ans enchaine les mariages, puis les duos, et très vite les succès. Il se produit dans des fêtes populaires d’abord, puis chante avec des grands noms avant de collaborer enfin avec d’illustres producteurs, notamment avec Rachid Baba Ahmed, qui va lui aussi être assassiné en 1995.

                                            Coécrit par Amine Ait et Idjlel Naili