Barbès, passage obligé pour la plupart des jeunes, le temps de se ressaisir, prendre la température et se faire une idée sur ce qui sera décidé par la suite. Barbès, sorte de lieu emblématique, attire tout le cocktail de cette jeunesse algérienne issue des différentes régions du pays qui s’en tire tant bien que mal grâce à la débrouille. Vente de cigarettes surtout, téléphones portables, Tee shirt et autres effets. Du haut de ses seize ans, Rayane nous confiera qu’il est juste là pour se faire un peu d’argent .Omar, un peu plus âgé songe déjà au casse-tête de chaque mois: le loyer. Dans le 45 m2 HLM loué à quatre, il doit se débrouiller pour s’acquitter de sa part, soit 200 euros sur un total de 800 euros à remettre à son propriétaire. Ce dernier empoche chaque mois 450 euros pour l’appartement dont le prix à la location est de 350 euros. Pour ces propriétaires ou locataires dans les HLM qui louent des appartements pour des gens en situation irrégulière, c’est un filon qui rapporte beaucoup. Ce même Omar qui habitait un quartier populaire à Annaba, présent depuis sept ans à Paris, tenait à évoquer la perte de certains compagnons pendant la traversée de la Méditerranée et un autre resté traumatisé à ce jour. Ce drame survenu en 2010,a eu lieu au large de la côte de Chétaïbi, quand une avarie s’était produite et qu’il fallait nager pour rejoindre la côte. Ce n’était pas le cas de tout le monde, et après presque trois kilomètres de nage dans une mer quelque peu agitée, l’un des rescapés lui confiera plus tard que même si on lui apporterait l’Europe dans un plateau, il n’y mettrait pas les pieds. De ces histoires dramatiques, de ces malaises, de ces difficultés, de ces lendemains incertains, les Harragas vous font entendre mille et une histoires. C’est loin d’être le Paradis, confiera Nounou. Beaucoup croient que c’est l’eldorado. Archi-faux car des parents continuent à envoyer de l’argent à leurs enfants chaque mois. Même travailler au noir s’apparente un peu à de l’esclavage, quand pour 30 euros la journée vous êtes pressés comme un citron toute la journée dans un restaurant, un chantier ou ailleurs. La faute incombe à ces travailleurs venus de certains pays asiatiques qui bossent sans rechigner alors que par le passé, le travail au noir rapportait en moyenne 50 euros, diront des haragas. Unanimes, les uns et les autres cherchent à régulariser leurs situations .Pas évident, ni de tout repos, renchériront-ils, quand vous n’avez pas une bonne qualification, un bon diplôme et que vous parlez difficilement leur langue. Trouver un partenaire et se marier relève maintenant du miracle précisera Karim. Ce dernier, présent depuis dix ans en Europe, avouera la gorge nouée qu’il est fatigué de cette vie, qu’il voudrait rentrer au pays retrouver les siens. Mais impossible, car là bas on croit qu’on a réussi et retourner au bled serait un échec. Sauf que le temps passe, et rares sont ceux qui ont vu le bout du tunnel. Dans un pays où si vous n’avez rien, vous n’aurez rien. La seule chose à éviter pour espérer un jour une régularisation, c’est la garde à vue. Ces jeunes, qu’ils soient à Barbès, Stalingrad, Saint Denis ou ailleurs, se font tous les jours arrêtés et leurs détresses a permis à un célèbre avocat connu par eux, d’amasser une fortune. Capable de vous faire expulser ou vous faire sortir du pétrin, vous n’avez qu’à lui virer ses honoraires, soit 800 ou 1000 euros dans son compte bancaire, et lui indiquer ensuite le jour et l’horaire de la tenue de votre audience. (Suite et fin)
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