Harragas: Des pêcheurs «passeurs» !

Harragas: Des pêcheurs «passeurs» !

Des informations officielles annonçant le démantèlement de réseaux de passeurs pour harragas se font de plus en plus fréquentes depuis quelques jours. Des sources bien au fait de la situation indiquent qu’une vaste opération menée par les services de sécurité a, en effet, permis de remonter la filière à l’origine du grand «marché» pour désespoir…

Décembre 2018. Les images de corps d’Algériens repêchés dans les hautes mers de la Méditerranée font le tour du monde. Des jeunes sans espoir, des familles entières à la recherche de la reconstruction d’une vie devenue trop difficile, des couples ayant entraîné avec eux de jeunes enfants ou même des bébés parfois ont tenté, par centaines, l’aventure tout au long de l’année. Beaucoup ont péri, leurs embarcations balayées par des vents trop forts ou dans des incendies de moteurs.

Des images retransmises par des télévisions privées nationales se sont arrêtées longtemps sur des scènes insoutenables. Celles de mères endeuillées remerciant le ciel d’avoir rejeté sur les rivages le corps de leurs fils perdus avant que les poissons voraces n’aient eu le temps de les approcher. L’image d’Alger en prend un rude coup. La colère monte.

Des manifestations spontanées de familles dont les proches ont tardé à être repêchés ont éclaté en plein centre de la capitale. Les familles, l’opinion tout entière s’interrogent, tentent de comprendre, d’identifier l’origine des réseaux prêts à transporter des vies humaines vers l’inconnu. Le sujet est brûlant.

La pression énorme. Pour la première fois, un responsable chargé du dossier avoue publiquement l’échec de la gestion du phénomène. La pénalisation de l’acte, les menaces d’emprisonnement (5 ans pour les harragas et 10 ans pour les passeurs) n’ont pas changé la situation. Dans le pays, décision est prise de frapper au cœur les réseaux de passeurs. Elle passe inévitablement par le lancement d’une importante opération de collecte d’informations.

Les éléments ne sont pas difficiles à récolter. Le sujet des harragas est au centre de toutes les discussions dans les quartiers.

Très vite, les recherches aboutissent aux milieux concernés. Elles permettent de mettre à nu l’existence d’un vaste réseau parmi «les gens de la mer». L’évidence même. Les fameux passeurs s’avèrent n’être autres que d’anciens marins, pêcheurs spécialisés dans les longues traversées. Des arrestations s’opèrent. Dans l’Oranie, plusieurs sont traduits en justice. Ils révèlent le coût d’une traversée jusqu’en Espagne : 500 mille dinars par personne. L’embarcation la plus simple peut contenir 12 à 13 personnes. L’achat des moteurs, du mazout, des gilets et de tout le matériel nécessaire pour l’aventure est à la charge du «client».

Le marché a nettement prospéré ces dernières années. Une forte pression des services chargés de l’enquête s’y exerce. Les recherches se poursuivent chez les constructeurs de barques, vendeurs de moteurs, de gilets et même fournisseurs en boussoles. Aucun détail ne semble avoir été négligé. Les langues se sont déliées facilement, semble-t-il. Les images de corps de harragas repêchés ont bouleversé les Algériens.

Abla Chérif