Yazid Alilat

«Ce qui donne fatalement plus de crédit et d’emprise sur eux par les réseaux sociaux, alors que l’Internet exacerbe ces mauvaises conditions de vie et présente la vie à l’étranger sous les meilleurs auspices», ajoute le Pr Khiati selon lequel «c’est ce qui pousse les jeunes à tenter d’émigrer». Pour autant, il estime que «les conditions de vie en Europe sont aussi difficiles, et le mouvement des gilets jaunes en France en est la parfaite illustration. Ce n’est pas le paradis que cherchent nos jeunes». Il poursuit qu»’on devrait dire aux jeunes que le pays offre de meilleures conditions de vie, car là-bas, les conditions de vie sont très difficiles». Pour lui, pour solutionner ce phénomène de l’émigration clandestine, «tout le monde doit être impliqué. On devrait expliquer aux jeunes que même en Europe, il y a aussi de mauvaises conditions de vie». «Les gens ont l’impression que les horizons sont bouchés, et donc il y a de ce point de vue un grand déficit en communication, les ministres doivent intervenir pour expliquer», relève-t-il, avant de souligner qu»’on n’a pas expliqué suffisamment les dangers de l’émigration clandestine, et c’est ce que le gouvernement doit faire».
Pour le sociologue et chercheur Nacer Djabi, la situation «est grave». «Il s’agit d’un vrai malaise social, les jeunes ne s’intéressent plus d’avoir une vie ici, tout le monde veut partir, c’est grave». «Il n’y a aucune distinction, les jeunes, les femmes, les moins jeunes, tous veulent partir. C’est très grave, car ils ne se projettent plus dans ce pays, ils ont perdu tout espoir de vivre ici». Pour ce sociologue, fondateur d’un centre de recherche, les jeunes «préfèrent mourir en mer que de rester», avant de préciser qu»’il s’agit, comme je l’ai baptisée, d’une sociologie de la patera de la mort». «Et actuellement, les conditions météorologiques sont là, avec les départs massifs de ces derniers jours», explique-t-il, avant de relever que «le danger, c’est que maintenant, partir vers l’Europe à bord de pateras de la mort, ces départs sont organisés par des réseaux de passeurs».
Un aveu d’échec : bis repetita

Dans la nuit de lundi à mardi, six autres tentatives d’émigration clandestine impliquant 61 personnes ont été enregistrées dans la wilaya de Mostaganem. Les gardes-côtes d’Oran ont mis en échec dans la nuit de lundi à mardi au nord de Cap Falcon (Aïn El Turck), une autre tentative d’émigration clandestine de 37 harraga dans deux opérations distinctes. Mais, au large de Tigzirt, dans la wilaya de Tizi Ouzou, une tentative d’émigration clandestine s’est achevée par un drame. Selon les secouristes, trois décès et cinq blessés sont à déplorer. Les blessés ont été secourus par les gardes-côtes et dirigés vers les structures hospitalières de la ville d’Azzefoune. Il y a deux semaines, une embarcation à bord de laquelle il y avait 13 harraga, est tombée en panne de moteur près de l’île de Lampedusa, en Sardaigne. Bilan : trois rescapés, trois morts et sept disparus.
La semaine dernière à Alger, une manifestation avait été organisée par des habitants du quartier de Raïs Hamidou, pour dénoncer la mort en mer de plusieurs jeunes du quartier. En janvier 2009, au plus fort d’un important mouvement de départs massifs de jeunes vers les côtes européennes, l’ex-ministre de la Justice Tayeb Belaiz avait fait un terrible aveu : «nous n’arrivons pas à identifier les raisons qui poussent les jeunes à partir ailleurs», avait-il alors déclaré en réponse à un sénateur. «La commission interministérielle qui travaille depuis plusieurs mois sur ce dossier n’a pas abouti réellement à cerner les véritables causes, qui sont à l’origine de ce phénomène», a-t-il dit.